Le Poste de commandement de la 716.ID du Generalleutnant Wilhelm Richter 

 

L'Etat-Major de la 716.ID, Kommandeur le Generalleutnant Wilhelm Richter, est situé à Caen dans la villa Baumier au 4 avenue de Bagatelle.

Source.

 

Le bas de l'avenue Bagatelle interdite à la circulation, à gauche collection André Heintz, photo prise clandestinement.

Le 6 juin 1944 à partir de 03H30 l'Etat-Major de la 716.ID déménage  vers le PC de combat à la limite Nord-ouest de Caen dans une ancienne carrière de pierre utilisée comme  champ de tir par les deux régiments d'infanterie casernés à Caen les 36°RI et 129°RI et aménagée pendant l'occupation en installation militaire souterraine.

Localisation du PC à la périphérie Nord-ouest de Caen

Localisation sous le Mémorial de Caen qui l'a remis en état (inauguration en octobre 2013).

Photos Le Mémorial de Caen.

 Plans des souterrains sous le Mémorial de Caen (Aimablement fournis par le service des carrières de la Ville de Caen)

Le plan et la coupe de ces lieux ne correspondent pas à la configuration normale d'une carrière. Dans celle-ci, les plafonds sont plans et non voûtés, et la taille entraîne une autre disposition des salles. Selon plusieurs témoignages d’anciens riverains ; il y avait déjà sinon des galeries, tout du moins des cavités creusées dans la pierre pour les besoins de stockage de l'Armée française avant la guerre. Les Allemands de l'Organisation Todt les ont  transformées et aménagées pendant l’occupation pour créer cette longue salle cloisonnée. Travaux réalises par une entreprise locale, appartenant à M. Potigny entrepreneur en maçonnerie et menuiserie, habitant tout à côté 36-38 route de Creully à Caen (voir plan ci-dessus). Collaborateur notoire (condamné à mort à la libération mais non exécuté) allant jusqu'à germaniser le nom de sa société en Firma Potigny & Viel.

Voici des extraits d'un article paru dans Ouest-France des 18-19 octobre 1986 signé J. Auger.

Celui-ci rapporte un écrit de M. Rémy Desquesnes, auteur d'ouvrages sur la guerre de 1939-45:

« Je connaissais quelques petites choses sur elle (la 716e division d'infanterie allemande). Mais j'ai beaucoup appris grâce à Karl Althoff, un Allemand qui à l'âge de 18 ans, était en 1944 l'un des artilleurs de la 716ème, affecté au PC du général Richter, installé dans cette ancienne carrière. Dessinateur, il travaillait à la salle des cartes. C'est lui qui m'a confié la photographie prise devant le PC avant le Débarquement »

Membres de l'E-M de la 716.ID devant l'entrée du tunnel

 "Situé en bordure et sous le plateau de la Folie-Couvrechef, on voit ses entrées en passant sur le périphérique, à la hauteur des carrières du Chemin Vert (pas en été !). Le poste de commandement est composé d'une galerie principale d'une largeur de 4.50 m, précise Rémy Desquesnes, et d'une longueur de 70 m divisée en douze cellules réunies par un couloir de communication latéral. L'accès à la galerie principale s'effectue, à partir du pied de la carrière, par trois couloirs. Le long de ces galeries d'accès, s'ouvrent des locaux annexes. Des portes blindées fermaient les entrées défendues chacune par une meurtrière.(voir plan ci-dessus). Le PC comprenait un important central téléphonique, plusieurs salles de cartes, des bureaux et des casernements pour la garnison. Un groupe électrogène alimentait l'ensemble en cas de coupure électrique, en cas de rupture d'énergie, notamment pour faire tourner la machine de renouvellement de l'air".

Montage de deux vues aériennes, comparaison entre mars 1944 en pointillé l'enceinte du PC de la 716. ID et de nos jours.

Vue aérienne mars 1944: lire les commentaires.

Vue aérienne de nos jours: Bing après réorientation.

Photo aérienne IGN 1947. Le PC, voir en plan plus large.

Dans cette brochure éditée par la ville de Caen en 1984 : "ITINÉRAIRE DU SOUVENIR" , ouvrage rédigé par 3 historiens renommés, MM.André HEINTZ , Albert GRANDAIS et Albert PIPET qui est un guide touristique paru à l'occasion du 40ème anniversaire du débarquement et de la bataille de Normandie.
Page 52 une évocation de ce PC:
"
On remarquera, au-delà du bd. périphérique, une ancienne carrière qui servait de champ de tir à l'Armée française, avant-guerre. On y accédait par un petit chemin en provenance de la rue de Creully. En 1943/1944 les Allemands y construisirent, avec les appelés du STO, un tunnel parallèle à la falaise de 70 m de long. Ce tunnel comporte un couloir sur lequel donne toute une série de pièces qui avaient différentes affectations : salle de commandement, salles de repos, salle des cartes, standard téléphonique relié par câbles souterrains à la côte, à Carpiquet, au central de la Poste qui était dans un blockhaus devant la Préfecture (le Wn 111).
Le souterrain comportait, bien entendu, un système de ventilation, des sources d'éclairage différentes et une réserve d'eau. Les entrées en chicane assuraient sa défense. On aperçoit, au ras du sol, 2 des entrées fermées de portes arrondies. L'E-M de la 716ème DI vint s'installer dans ce souterrain au tout début de la matinée du 6 juin. Ce n'était pas sans danger, car les officiers supérieurs risquaient de se trouver rapidement en première ligne et, ne voyant rien de ce qui se passait, pouvaient être pris par surprise. Un tank enterré au sommet leur servait à la fois de défense et de poste d'observation. Des mines furent enterrées en avant pour compléter la défense.
Cet ouvrage n'était pas occupé avant le 6 juin et l'E-M qui s'y installa était auparavant avenue de Bagatelle et rue Leverrier. Mais, lorsque dans la nuit du 6 au 7 juin, vers minuit, le colonel du 25ème régiment de Grenadiers Panzer SS, parvint à cet État-major, il trouva un spectacle affligeant. Dans son livre "Grenadiere", cet officier, Kurt Meyer , décrit de façon émouvante les couloirs de ce souterrain encombrés des blessés de la 716ème DI et de la 21ème Panzer , et, au milieu de tout cela, le général Richter
, dont l'unité avait pratiquement cessé d'exister, fortement ébranlé. Les liaisons étaient interrompues avec les régiments et les bataillons et c'est à ce moment que, au milieu de ce désarroi et d'un silence inquiétant, retentit le téléphone. Un Colonel annonça que l'ennemi était sur son abri. On attendit anxieusement la réaction du général qui, conscient de ne plus pouvoir donner d'ordres, déclara : "Agissez selon vos propres décisions. Au revoir."

Il s'agit de l'Oberst Ludwig Krug, Kommandeur du Grenadier-Regiment 736 au Wn 17 "Hillman" à Colleville-sur-Orne (Colleville-Montgomery depuis 1946), secteur Sword beach, il se rendra aux Britanniques le matin du 7 juin, cet épisode est relaté ici.

C'est là encore que fut prise la décision de la contre-attaque de Kurt Meyer, le jour même (le 7) à midi. Il devait tout mettre en œuvre avec ses blindés pour interdire aux Britanniques l'aérodrome de Carpiquet. "

Le 6 juin à 10H45 (l'heure est contestée), le chef du LXXXIV. AK, le General der Artillerie Erich Marcks , venant de son QG de Saint-Lô est dans ce PC pour réorganiser  la contre-attaque, qui devait avoir lieu contre la tête-de-pont aéroportée à l'Est de l'Orne, en grande partie réorientée à l'Ouest de cette rivière, au nord de Caen, en direction de Sword Beach avec les Kampfgruppen von Oppeln et Rauch de la 21.Panzer-Division.

Dans la nuit du 6 au 7 juin, réunion entre Richter , Feuchtinger et Meyer compte-rendu de Kurt Meyer:

Il dit être dans Caen en feu le 7 juin à 02h40, il arrive au bunker qui sert de PC à la 716. ID

, près du lieu-dit La Folie au nord de Caen. Des blessés de la 716.ID et de la 21. Panzer-Division sont allongés dans les couloirs bétonnés dans un va-et-vient de brancardiers.

« Le général Richter m'explique comment sa grande unité a cessé d'exister en tant que division en 24 heures. Il n'a plus de communications avec ses bataillons réduits à la force de compagnies et qui accrochent les assaillants en groupes de combat de plus en plus isolés.

Le général Feuchtinger écoute sans parler, navré d'avoir dû céder plus du tiers de sa 21. Panzer-Division sur ordre du général Marcks (commandant le LXXXIV.AK) au général Richter, pour boucher des trous de défense plutôt que de frapper un seul grand coup contre la 6th Airborne il y a 24 heures, avant qu'elle ne se fut consolidée. Il me confie ne pas avoir l'intention de continuer de laisser ses Grenadiers et son artillerie se sacrifier par petites unités en contre-attaques locales, dans l'affolement d'un commandement désorganisé. Richter reprend son exposé : Carpiquet a été évacué à 14H00 par les unités de défense de la Luftwaffe , le solide réseau de bunkers enterrés est vide. Trois compagnies du Grenadier-Regiment 736 sont à Buron, la Folie et Epron avec quelques blindés du Panzer-Regiment 22. Richter achève en signalant, avec un regard condescendant pour Feuchtinger , qu'il a envoyé un groupe blindé du Panzer-Grenadier-Regiment 192 sur la station-radar de Douvres qui est encerclée mais a tout ce qui lui faut pour tenir plusieurs jours. Je prends congé et quitte le PC de la 716. Infanterie- Division. "

Quant à la visite de Rommel le 7 juin, évoquée par Stéphane Grimaldi dans cette interview, elle n'est pas indiquée dans ce livre qui reprend l'agenda de Rommel de décembre 1943 à Août 1944.

Par contre il aurait visité ce PC avant le débarquement selon le témoignage d'un riverain habitant la Cité de la rue des Rosiers, né en 1932 qui l'a vu remonter l'avenue de Creully en voiture avec toute une escorte motocycliste et de Feldgendarmen postés à l'entrée des routes et des rues et que lui, gamin, en passant à travers champs et à travers le lotissement Saint Julien, l'a vu emprunter le chemin du Champ de Tir qui menait à la carrière.

On peut noter les dates suivantes:

1- Rommel a couché dans un hôtel à Caen dans la nuit du 6 au 7 mars 1944, après une  conférence au Foyer des Officiers de la 716.ID à 18H et un dîner avec l'état-major divisionnaire.

2-  le 9 mai, au matin après avoir visité Houlgate, et avant de déjeuner et de visiter Riva Bella, il rencontre le Kommandeur du LXXXIV. AK, le General der Artillerie Erich Marcks ; le Festung Kommandant Cherbourg, le Generalmajor Robert Sattler ;  le Kommandeur de la  21.Panzer Division , le Generalleutnant Edgar Feuchtinger , l'endroit de ces rencontres n'est pas explicitement indiqué mais très certainement à Caen.

 

Source principale: ce livret

- article d'Yves Buffetaut dans la revue Batailles N°62

- et .

Remerciements:

- à Claude Demeester

- à François Robinard.

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