La section spéciale de Caen (1941-1944)

 

Le 22 juin 1941, l'Allemagne nazie attaque l'URSS. Les communistes entrent massivement dans la Résistance. Face à cette menace, les Allemands répondent par le système des otages et demandent au gouvernement français d'organiser la répression. C'est dans ce contexte que Pucheu , ministre de l'Intérieur propose une loi d'exception en instituant une section spéciale près la cour d'appel. Proposée le 14 août, l'initiative se concrétise après l'assassinat de l'aspirant Moser, le 21 août 1941. Le lendemain, le gouvernement français proclame la création de sections spéciales près des cours d'appel, des tribunaux militaires et maritimes sous condition de l'assentiment allemand. Le 23 août la loi est promulguée au Journal Officiel.

Les sections spéciales ont le pouvoir de juger en flagrant délit, sans instruction préalable, sans possibilité de recours, d'appel ou de pourvoi, la peine capitale pouvant être prononcée. Les Allemands sont satisfaits au-delà de toutes espérances. En effet, la loi présente un caractère rétroactif au 14 août 1941, fait unique dans toute l'histoire du droit français.

A Caen, la juridiction est placée auprès de la cour d'appel le 28 août 1941. Le 5 septembre, sa composition est rendue publique, président  M. Riby . La section spéciale est présidée par un des deux présidents de la chambre de la cour d'appel, assisté de quatre assesseurs (deux conseillers à la cour d'appel et deux juges au tribunal civil) et d'un ministère public l'avocat général à la cour d'appel). Elle fonctionnera jusqu'au 2 juin 1944.

En trente-trois mois d'existence, 60 audiences furent tenues et 82 affaires jugées. Formée dans un premier temps pour juger les crimes communistes et anarchistes, en novembre 1941, la section spéciale se voit confier la mission de juger les crimes commis à la faveur de l'obscurité (surtout les vols d'animaux). En janvier 1942, la cour juge sa dernière affaire de délit communiste, les Allemands s'arrogeant ce type d'affaire par la suite. Par la loi du 31 décembre 1942, la section spéciale reçoit compétence pour juger les infractions à la législation économique et une loi du 11 décembre 1943 lui défère les incendiaires agricoles.

La répression politique n'occupa qu'une part mineure des affaires jugées (8,5 %). Si les réquisitoires furent sévères contre l'activité « néfaste » du parti communiste, les peines prononcées furent plutôt clémentes, des peines de prison, en comparaison des peines de mort prononcées  par la section spéciale de Paris. Ainsi, environ 29 % des prévenus furent relaxés ou bénéficièrent du sursis et 58,3 % furent condamnés à des peines inférieures à 5 années de prison. Aucune condamnation à mort ne fut prononcée. Cette relative clémence explique sans doute la reprise en main de ce type d'affaire par les autorités d'occupation en janvier 1942.

Sources:

LECOUTURIER Yves, « La section spéciale de Caen (1941-1944) » in Vingtième siècle, n°28, oct-déc. 1990. pp. 107-113.

Cédric Neveu

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