Témoignage paru dans ce livre

 

M. André Leblanc, coiffeur, subit le premier bombardement du 6 juin à 13H30. Comme peu de gens ont pu le faire, hélas, il décrivit, dans un « Journal » personnel, ses impressions de rescapé

« Après le repas, vers 1 h 30 je rencontrai Mlle Mayer, rue Saint-Jean, et elle me demanda des nouvelles. Quelques mots échangés sur des questions personnelles prolongeant un peu l'entretien. Je prends congé avec l'espoir de la revoir bientôt (elle devait être tuée le soir même).

Je pars ensuite vers la rue Jean-Romain. Le temps de faire une quarantaine de mètres, et la D.C.A. se met à tirer. Je me colle contre un mur. Un bruit infernal, joint à des sifflements stridents me perce les oreilles et me donne une impression d'enfer.

« Couchez-vous ! » me crie l'unique mortel qui se trouvait devant moi. A peine allongé, vision horrible :Je vois, a quelques mètres, les maisons s'avancer dans la rue et tomber dans un vacarme épouvantable. Un nuage compact de poussière vient vers moi... ».

A partir de ce moment, notre homme ne vit plus rien. Etouffant littéralement, il réussit à gagner une encoignure d'immeuble où il put, suffocant, s'abriter jusqu'à la fin du drame, s'abreuvant au passage à un robinet qui coulait encore.

Enfin, il sortit. Le spectacle qui s'offrit à ses yeux était terrifiant:

« Les gens blessés sortent des décombres. Le sang coule sur la poussière qui les couvre et forme une boue rougeâtre. Les civières passent dans des camions à bras. Il y a aussi une femme portée par deux hommes : morte !...

« Un prêtre, le Père Pougheol, (Note de MLQ: il sera tué la nuit suivante) court porter secours aux sinistrés, rue Jean-Romain. Les blessés défilent maintenant. Les pompiers arrivent, car le magasin de parapluies brûle, à l'angle de la rue de l'Oratoire, mais le feu prend alors de tous côtés.

« Un homme lève les bras vers le ciel, maudissant les avions. A côté de lui sa femme git sur une civière, morte elle aussi. Les gosses alentours pleurent, s'affolent et hurlent. La D.P. et les pompiers sont en action. La perspective de la rue Saint-Jean est effrayante. Que de désolation en quelques minutes !».

Le narrateur essaie de se rendre utile, puis revient place du Théâtre. Des enfants (des séminaristes) sont pris sous les décombres de Sainte-Marie. Monoprix brûle. Notre homme regagne enfin son domicile, rue de Strasbourg, où ses voisins sont surpris de le voir revenir transformé en spectre blanc de poussière de la tête aux pieds, mais sain et sauf !

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