Témoignage paru dans ce livre .

 

 

Dans les carrières de Fleury-sur-Orne


Le 8 juin, Hélène Martin-Bernard quitte la gendarmerie détruite avec ses deux filles pour se réfugier dans les carrières de Fleury.

La Gendarmerie,  montage de deux photos, façade rue Sadi Carnot.

« Bientôt deux fléaux surviennent; non point mortels mais très ennuyeux; le premier est l'apparition des poux. Malgré les arrêtés affichés à l'entrée de la caverne et les menaces d'expulsion, les séances d'épouillage ont lieu sur les paillasses ou les immondes parasites peuvent aisément se propager. L'autre fléau, la dysenterie, donne lieu à des scènes mi comiques, mi tragiques devant les « feuillées » aménagées dans les taillis où on voit constamment une longue file de gens pâles et amaigris qui se dandinent d'un pied sur l'autre en comprimant leurs entrailles et cherchent à voler la place d'un rêveur qui regarde voler les papillons ou de bavards oubliant leurs coliques,

Il y a des spectacles douloureux: des pauvres vieux que l'on emmène dans des charrettes et qui voudraient rester, des enfants qui ne retrouvent plus leurs parents, des petites orphelines qui ne veulent pas être séparées et qui nous supplient d'intercéder en leur faveur auprès des Sœurs. Il y a des morts qui n'ont qu'un papier pour linceul et pour bière.

Les derniers jours sont les plus pénibles, nous sommes découragés; sans soleil, sans nouvelles, sans pain, sans espoir; nous sommes anémiés, amaigris par la dysenterie, effrayés par la présence de nombreux Allemands qui passent en discutant nous examinant au passage, comme les maquignons regardent les bêtes les jours de marché. Ils font d'incessantes incursions nocturnes près des paillasses où la lueur de leur lampe électrique dévoile les hommes endormis, nos geôliers font leur choix et envoient des malheureux creuser des nids de mitrailleuses dans l'hallucinante nuit sous une mortelle pluie d'obus.

Nous sommes à la merci de nos ennemis exécrés, ils viennent voler les bicyclettes et les remorques et repartent en riant et en faisant sonner les timbres ; quelques jours plus tard ces nouvelles victimes seront obligées de laisser leur précieux bagage, faute d'un véhiculé pour les transporter. »

Hélène Martin-Bernard, Six semaines dans les grottes de Fleury, Caen Imprimerie Malherbe. 1945.
 

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