Deux Waffen-SS français en visite à Caen pour Le Petit Parisien

    Le quotidien Le Petit Parisien n'hésite pas à envoyer sur place ses correspondants; l'édition des 15 et 16 juillet 1944 publie le reportage du correspondant de guerre S.S. Jean Lousteau* :

 «J'ai vécu l'enfer de Caen au milieu du vacarme des détonations ... ».

    Ce dernier décrit la physionomie de la ville après la libération de la rive gauche de l'Orne. S'il n'est aucunement fait mention du soulagement des Caennais à être enfin libérés de l'occupant, le reportage est ponctué de descriptions particulièrement macabres:

 «( .. ) [Saint-Pierre], c'est aussi le quartier où règne une odeur quasi pestilentielle. Au fond des cratères, on distingue encore les trous béants des caves qui se sont effondrées sous la bombe. Dans l'un de ces trous et sortant d'une cave, une échelle, sans doute par où l'on a pu tirer les malheureux ensevelis sous la voûte. Au-dessus de tout cela, une odeur de cadavres, de linges pourris, une odeur de mort et de putréfaction».

     La vue de ces cadavres vient jusqu'à effrayer le correspondant de guerre S.S., pour qui la mort, de par sa profession, est cependant une présence familière ! :

« Je pénètre dans la pièce d'où ils sortent et j'en ressors aussitôt car la vision est trop horrible: il y a là une cinquantaine de cadavres, dernières victimes du bombardement de cette nuit».

     Lousteau appuie d'ailleurs son témoignage de deux clichés, « montrant un aspect de Caen (cathédrale Saint-Pierre) et la lamentable situation des réfugiés qui campent dans les grottes aux abords de la ville en ruines» Les photographies paraîtront en fait un jour plus tard, illustrant le récit du correspondant de guerre S.S. Jacques Renou. in: Le Petit Parisien, 17-07-1944.

     Jacques Renou**, autre correspondant de guerre S.S. pour Le Petit Parisien, conclut ainsi son séjour de « 24 heures dans le secteur de Caen», le 17 juillet 1944 :

 « Que de drames en cette journée qui, pour certains mortels, fut une journée comme les autres: horizons différents, sensations différentes. Seules, quels que soient le lieu et les circonstances, la France souffre et pleure. Puisse-t-elle un jour s'en souvenir ! ... ".

    Les éditions de Paris-Soir parues entre le 7 juin et le 17 août confirment l'étendue de la propagande et de la désinformation pratiquée par le gouvernement de Vichy. Ainsi le reportage d'un des correspondants de guerre du quotidien, paru le 12 juin 1944, au titre évocateur :

 « Méthodes bolcheviques, raffinement britannique, systématisation américaine: à Caen, terre brûlée, j'ai vu massacrer sauvagement les innocents »; les bombardements alliés n'ont pour but, selon le journaliste, que « de donner la mort, ras[ant] tout un quartier de la ville, tomb[ant] sur cet îlot de sécurité des innocents ... Et les bombes tombent dru ...".

    La description des destructions et l'énumération des victimes cherchent à dresser le tableau le plus noir possible. Il semble que ce procédé soit efficace puisque, dans la capitale, les rumeurs selon lesquelles « les chiens rongent les cadavres dans les rues » ne soient pas exceptionnelles.

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, *Jean Loustau-Chartez, né à Paris le 14 septembre 1915, ancien militant d'Action française, collaborateur d'Aspects de la France , il est un des plus actifs propagandiste du Comité d'action antibolchévique. Il est membre de la Waffen-SS, décoré sur le front de l'Est, travaille au Radio-Journal de Paris.

Condamné à mort, finalement gracié, il  est rédacteur après la guerre à C'est-à-dire et à Artaban , rédacteur en chef de Valeurs actuelles et Spectacle du monde. Il est décédé le 23 décembre 1994 à Paris.

**Jacques Renou, rédacteur au Petit-Parisien. Il a été incorporé dans la Standarte Kurt Eggers en février 1944 puis placé auprès de divisions SS en Hongrie et en Italie avant de rejoindre le front de Normandie. Il a été condamné à 15 ans de travaux forcés.

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Source:

-page 141 de "Les Caennais dans la bataille de Caen mai-septembre 1944" de Cécile Angot, UFR Histoire, Université de Caen, année 1995-1996.

-Dictionnaire commenté de la collaboration française de Philippe Randa, Jean Picollec,1997.

Remerciements à Olivier Pigoreau.

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