Témoignage présenté avec l'accord de M. Serge Lemière
Serge Lemière avait 10 ans en 1944. Avec ses parents et ses quatre frères et sœurs, dont un bébé d'un mois, ils vivaient dans une petite maison au 3, rue des Cordes à Caen.
Repérage. Localisation de la venelle 3 rue des Cordes. De nos jours.
Source: photo de gauche zoom photo aérienne RAF le 6 juin 1944; photo de droite photo aérienne IGN fin 1944.
La famille Lemière a passé la nuit du 6 au 7 juin 1944 près des fonts baptismaux. | Photo : Ouest-France
Quels souvenirs gardez-vous de cette
journée du 6 juin ?
Le mardi 6 juin, à 13 h 30, nous sommes en train de déjeuner. La sirène
retentit. Des avions, des points noirs descendent. « C'est pour nous », dit mon
père. Nous nous réfugions sous la table. Ma petite
sœur, à l'étage, allait être
blessée lorsque la maison, de construction assez légère heureusement, s'est
écroulée sur nous. On se réfugie chez Mme Appert, la voisine, qui avait une
grosse maison. À 16 h 30, deux bombes tombent au même endroit. On se sauve. Rue
des Cordes, on entend des cris étouffés sous des ruines. À ce moment, trois
soldats allemands surgissent, nous portent, je n'étais pas bien lourd, vers l'église
abbatiale. Passant devant l'Institut Lemonnier, à l'emplacement actuel des
immeubles des Saints-Pères, j'ai vu des gamins se faire souffler par une
bombe. Sont-ils morts ? Je n'en sais rien.
Localisation des lieux cités
Et ensuite, comment s'est passée la
nuit ?
Nous nous sommes réfugiés dans l'église abbatiale. Mon père en était le
sacristain et avait les clefs. Je crois que je n'ai pas fermé l'œil,
de 18 h 30 à 7 h du matin, environ. Nous nous sommes installés près d'un pilier.
La nuit tombée, je vois les lueurs de l'incendie à travers les verrières. C'est
horrible, je sens l'église vibrer, tanguer. La grande porte, si lourde, est
soufflée par une bombe. On craint que les voûtes nous tombent dessus. Vers 7 h,
nous nous cachons dans
le cloître. Là, en compagnie d'autres réfugiés, nous sommes restés une
quinzaine de jours, en face de
l'escalier d'honneur de l'abbaye, puis descendus dans
la cave à la suite de la chute d'une bombe, jusqu'au 9 juillet. Nous avons
eu à manger, je ne sais pas comment, pendant cette période. Du 25 juin au 7
juillet, c'était plus calme et nous pouvions sortir, et chaparder ça et là
quelques fruits, légumes et... bonbons, confisqués par la mère supérieure !
Étiez-vous nombreux ?
Oui, mais je ne pourrais pas vous dire combien C'est pourquoi je lance un appel
aux témoins de cette période. Il y avait des réfugiés dans les deux abbayes. On
oublie trop souvent ceux de l'abbaye-aux-Dames.