Témoignage de M. P. D. présentée dans ce livret .

 

C’est le 8 juin 1944 vers 17 heures:

« Il fait très beau. Je suis devant la propriété de mes parents, route de Creully (de nos jours Allée de la Verte Vallée) à Caen - Nous sommes anxieux, fatigués par deux nuits sans dormir - Avides de nouvelles - Nous savons que Caen au bout de deux jours a terriblement souffert - Soudain, au carrefour surgissent cinq gros chars allemands qui se suivent - le convoi impressionnant stoppe net devant notre demeure - Ils ont l'air de chercher! Nous les regardons - A l'avant du premier char, (Ce sont des « Tigres» (pas de Tigre à Caen il ne peut s'agir que de Panther), debout, une femme de 28 à 30 ans, vêtue de noir, (On dirait du cuir la tenue des tankistes SS étaut en cuir noir.), la croix gammée sur le bras. Elle tient dans sa main droite un petit drapeau aux armes d'Hitler - dans sa fierté, elle nous sourit mais ses yeux brillent, son regard est de feu. Mais aussi, elle est belle- (la présence d'une femme habillée en tankiste sur un char allemand n'est pas explicable en l'état ! une supposition: Une souris grise en poste dans Caen qui aurait été sollicitée ou se serait proposée pour guider les chars sur la route de l'Abbaye d'Ardenne (ou du QG de la 716ème) à qui les SS auraient prêté une veste d'uniforme pour éviter qu'elle soit reconnue par des fantassins.)

Sur le milieu de ce premier char, un SS , car ce sont bien des SS, s'adresse à moi:

 « Monsieur, nous avons soif, donnez-nous du cidre, oui du cidre ».

Un moment d'hésitation, et mon père me dit, oui, je vais leur en chercher. Une minute après, je m'avance au raz des chenilles et à bout de bras je leur donne une grosse carafe de bon cidre. Ils ont des gobelets pour boire. La bouteille vide, ils me la rendent et dans un français impeccable, un des hommes me dit:

« Merci Monsieur, c’est la guerre, l’Allemagne se bat, l’Angleterre va gagner mais la France est foutue -rappelez-vous en monsieur- »

J'entends encore ces paroles. Peut-être voulait-il dire, la France sera comme Caen. Mais quand même, il me semble qu'au bout de 48 heures de bombardements, il voyait la partie perdue ... C'était certainement une division d'élite. (oui à cette date il ne peut s'agir que de chars de la 12.SS Panzer-Division "Hitlerjugend" )

Dans l'intervalle, le dernier char a reculé à angle droit dans le jardin du garde-barrière en face, écrasant la clôture en lattis de bois et les plantations du jardin qui se trouvent surélevées de 60 cm environ. Mais le char par son poids est toujours au même niveau que la route. Alors, le temps de le dire, il pointe son canon sur nos habitations. Un essai, une manœuvre, le saura-t-on jamais?

Quelques minutes se passent. Un ordre impératif, et au bruit des moteurs qui tournent comme des horloges, le convoi s'ébranle .... Un frisson passe! Que vont-ils faire ou devenir? Direction l'abbaye d'Ardenne - Saint Contest ? Peut-être la mort ? »

C’est une simple anecdote de guerre.

 (...) = MLQ

RETOUR LISTE DES TEMOIGNAGES