La COLLABORATION

SOURCE: Collection Résistance et Mémoire.

X (1921-2011)

    Née ..., la jeune femme est le fruit des amours d'un assureur à Caen, et de sa femme de chambre. Elle n'est reconnue que très tardivement en 1941, lorsque ses parents régularisent la situation en se mariant Une hostilité. un sentiment de rancœur, voire de haine, s'est développée chez elle du fait de son statut d'enfant naturel. Sa relation avec Harald Heyns, dit" Bernard ", adjoint du chef de la Gestapo de Caen va lui donner toute latitude pour assouvir sa soif de vengeance.

    Ainsi, elle dénonce et fait déporter plusieurs personnes coupables de Résistance. Par simple méchanceté, elle est à l'origine de la déportation de l'épicier Albert Jean. coupable d'avoir écouté la radio anglaise, et de Robert Denize, hébergé chez les ..., 23 boulevard Leroy, à Caen, et qui avait laissé traîner imprudemment des papiers ne laissant aucun doute sur son activité de résistant.

    La jeune femme est redoutée dans le quartier où elle aime à déambuler, élégante, et suivie de son inséparable chien noir Capi, gros bouvier des Flandres. Son arrogance et ses excentricités n'ont plus de borne et gare à celui qui ose manifester sa désapprobation. C'est ainsi qu'Eugène Maës , directeur du Lido, établissement bien connu des Caennais, situé au bord de l'Orne, est déporté pour avoir lancé quelques remarques désobligeantes à ....(Note de MLQ: une rue lui rend hommage à Caen)

Le Lido, en arrière plan le viaduc ferroviaire

En maillot de bain noir des soldats allemands à la piscine du Lido

    En octobre 1943, elle suit son amant dans l'Orne. Elle est de retour en février 1944 lorsque " Bernard " prend la tête de la Gestapo de Caen. Après le repli de la Gestapo à Argences dans la propriété du docteur Paul Derrien en juin 1944, elle participe activement aux interrogatoires de résistants, encourageant les hommes de la Gestapo lors des séances de torture. Les résistants sont emmenés au hameau de Rupierre, sur la commune de Saint-Pierre-du-Jonquet, pour y être exécutés à la mitraillette ou d'une balle dans la nuque.

    La Gestapo s'installe le 17 juillet 1944 à Sainte-Marguerite-de-Viette, au nord-ouest de Livarot, dans une propriété appartenant à M. Desjardins, un fabricant de fromages de livarot, à qui elle laisse une heure pour partir. La Gestapo a choisi cette propriété, située à plus d'un kilomètre du bourg de Sainte-Marguerite-de-Viette, en raison de son isolement. Elle y reprend ainsi sa sinistre besogne en toute tranquillité: arrestations, interrogatoires musclés et poteau d'exécution. La Gestapo y demeure jusqu'au 17 août.

    Le 19 août, ils sont à Rouen où "Bernard" prend ses ordres auprès du Kommandeur régional de la Gestapo, puis ils se dirigent vers Amiens; après avoir traversé la Belgique, le couple arrive à Aix-la-Chapelle. A Kappellen Stolzenfels près de Coblence." Bernard" la confie alors aux soins d'une Française parlant parfaitement allemand. Madeleine Béranger , ex cheftaine des Jeunesses nationales populaires (JNP) , ancienne membre du CIR à Pont-l'Évêque et maîtresse d'Heinrich Meier, son mari bijoutier, rue Saint Michel sert de chauffeur au collabo Louis Laplanche. Les deux femmes sont alors employées par la Gestapo de Bad-Harzburg, près de Goslar, où elles démantèlent un réseau d'ingénieurs grecs travaillant pour les Britanniques. En mars 1945," Bernard" demande aux deux femmes de se réfugier chez ses parents non loin de Hambourg.

    Récupérées par les Anglais le 4 mai 1945, elles sont rapatriées à Paris au début du mois de juin. Croyant ses parents morts sous les bombardements de Caen, X repart avec Madeleine Béranger, Le 15 juin 1945, elles embarquent à Marseille pour Alger avant d'arriver à Casablanca. C'est là qu'elles sont arrêtées toutes les deux le 13 juillet 1945.Interrogées, elles déclarent avoir été déportées comme travailleuses de force, mais sont rapidement confondues. À son retour à Caen, X est emprisonnée à la maison d'arrêt, dans la cellule n° 6.

    Ses parents sont internés au camp de Bonneville sur Touques.

    Son procès se déroule devant la cour de justice du Calvados du 17 au 19 avril 1946 et il est l'un des plus suivis par la population caennaise. Tant au cours de l'instruction que du procès, elle nie la plupart des faits qui lui sont reprochés, prétendant même avoir eu un sosie à Caen. Elle comparaît avec ses parents, qui ne sont que « deux comparses à côté de ce gibier de choix » (Liberté de Normandie).  la cour de justice de Caen condamne le 19 avril 1946 X à la peine de mort tout en acquittant ses parents, mais en les frappant d'indignité nationale. Sa peine est commuée, malgré l'opposition du procureur général, en travaux forcés à perpétuité par un décret du président du Gouvernement provisoire en date du 18 juillet 1946.
Le 26 juillet 1946, elle est transférée à la maison d'arrêt de Rouen.

 (Madeleine Béranger est condamnée à mort puis graciée car elle est enceinte)

    Quand les résistants du Calvados apprennent en avril 1947 qu'un fait nouveau serait sur le point d'entraîner la révision de son procès, ils rétorquent que ce serait « une insulte envers tant de nos compatriotes victimes de la barbarie nazie avec la complicité de Français indignes ». En effet, la défense opposait que certaines charges relevées au cours du procès, comme la dénonciation d'Eugène Maës, étaient contestables. La demande de révision sera rejetée.

    Elle séjourne successivement dans les maisons d'arrêt de Rouen, Yvetot, Rennes, Fresnes et Pau. À la suite de différentes mesures de grâce et de remises de peine qu'elle obtient en jouant sur un état de santé prétendument fragile, elle est mise en liberté conditionnelle le 14 juillet 1954.

    Sa libération définitive est fixée au 3 février 1958, mais un décret du président de la République du l août 1956 lui fait remise du reste de ses années de travaux forcés et de la dégradation nationale. Elle ne peut toutefois revenir dans le Calvados, où elle demeure interdite de séjour. Elle décède à Hyères (Var) en 2011.

 

NB: j'ai censuré l'identité de cette femme par respect pour ceux qui aujourd'hui portent son nom.

Sources:

Cédric Neveu

Archives de Jean Quellien

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