PAUL COLLETTE

 

Article du Journal de Normandie du 28 août 1941

L’AUTEUR DE L’ATTENTAT

Nous apprenons, en dernière heure, que l'auteur de l'attentat est le nommé Paul Collette , né le 12 août 1920 à Mondeville. Il habite à Caen, 30, quai Vendcuvre.

 

Article du Journal de Normandie du 29 août 1941

 

Notre enquête à CAEN

Paul Collette s'était levé de bonne heure,  mercredi matin, et s'était habillé tellement vite, que sa mère lui avait demandé :

« mais où vas-tu si tôt... tu as le temps, voyons !... Il n’est que 8 h. 14 !...

Il lui avait répondu

« Oui. Mais j’ai une course à faire dans Caen avant de partir. Le  train et à 9 h. 16 !...

Sa mère n'avait pas insisté. Elle l'avait vu partir par la rue Guilbert... et elle ne sait pas encore par quel moyen il s'est rendu à Paris !...

 

Localisation qu quai Vendeuvre, de la rue Guilbert et de la rue Jean-Romain

« Pars-tu par le train ou par la route ?  lui avait-elle demandé.

«  Mais ne t'en fais donc pas, lui avait-il répondu. Je m’arrangerai. Sois tranquille.

Et il sifflotait à son habitude

« Tu   m'écriras ! C'était le dernier mot de sa mère.

« J’ai le droit de porter un revolver »

Sa mère. Mme Collette, femme très digne et forte devant l'adversité ne cache pas que son fils portait un petit revolver.

 « Il nous, disait qu'il était autorisé à le porter, en qualité de marin... »

Sa mère émettait bien quelque doute sur cette affirmation, mais elle n'insistait pas. De tout temps, son fils, « extrêmement gentil », avait par contre été « autoritaire». Un jeune homme affectueux et honnêtement ambitieux

M. Collette père, après 32 ans de bons et loyaux services dans les chemins dc fer, venait d’obtenir la  médaille des vieux serviteurs. On l’en félicitait à la gare où il accompagnait son fils quand il y a quelques, il partait pour la zone non occupée. Paul, avant de partir, lui sauta au cou, en lui disant : « Je suis content pour toi, papa. Et il avait ajouté : « Tu sais, je compte revenir avec une médaille aussi belle.»

Collette était-il sujet au paludisme ?

On lira plus loin les circonstances dans lesquelles Paul Collette quitta ses parents mercredi matin. La veille -au dire d'un témoin, un de ses camarade- il avait pris plusieurs cachets de quinine.

Mme Collette mère est formelle sur ce point dans sa deuxième année d’engagement dans la marine, en 1939, l'année de la guerre. Il avait contracté les « fièvres »  à Dakar. Il était resté longtemps en traitement dans ce port.

Or on sait que le paludisme provoque des états d’exaltation prononcée...

Déjà les parents de Paul Collette essaient de voir dans ce fait une du geste de leur fils...

Mme Collette narre en particulier un détail qui prouve l'exactitude de ses dires étant à Trouville, elle avait fait envoyer à son fils malade à Dakar un colis de fruits secs et de bonbons.

L'ami commun qui s’était chargé de la « commission » était revenu en disant à Mme Collette que son fils était trop malade pour déguster le contenu du colis maternel, lorsqu'il le lui avait remis. Mais, entre-temps, à la grande joie de sa maman le fils avait écrit qu’il allait mieux il avait fait honneur aux bonbons et aux fruits secs...
Ce détail est un doux souvenir à Mme Collette... et une larme à son évocation, perle à ses cils.

Chez les parents de Paul COLLETTE

M. et Mme Collette photographiés rue général Moulin en juillet 1944. Source photo de droite voir en page 7.

 

Au 30 du quai Vendeuvre, sur une petite porte une plaque dc cuivre  au nom de L. Collette. Derrière cette porte s’amorce un escalier étroit et sombre aux marches usées. Au premier palier nous frappons. Un homme aux yeux rougis vient ouvrir.

- Monsieur Collette

- C'est moi entrez

Nos pénétrons dans une pièce modeste meublée en studio. Deux femmes se sont levées: Mme Collette et une voisine venue apporter aux parents du jeune meurtrier le réconfort d'une présence amie. Dès nos premiers mots, les pauvres gens éclatent en pleurs.

"Jamais nous n'aurions imaginé semblable chosen nous dit Mme Collette, entre deux sanglots. "Paulo" ne nous avait jamais donné que des satisfactions. Rien dans son caractère gai et enjoué ne pouvait faire prévoir le geste auquel il s'est livré. Nous n'y comprenons rien et la nouvelle du drame nous a douloureusement stupéfiés. Il nous était revenu à la fin de juillet venant de la zone non occupée. Après avoir longtemps tremblé pour lui durant la guerre qu'il avait faite à bord du pétrolier "Le Niger" et nous être à nouveau inquiété à son sujet quand il naviguait à bord du Senneville (Note de MLQ: cargo de la Sociète Navale Caennaise de Lamy & Compagnie, 19 quai Caffarelli) , avec quelle joie nous l'avions retrouvé . Et comme il était lui-même heureux de nous revoir ! Nous nous aimons tant,

-Aviez-vous remarqué, depuis un mois, chez lui, une nervosité quelconque ? L'avez-vous entendu tenir des propos exaltés ou proférer des menaces à l'adresse de telle ou telle personnalité politique ?

- Non... Il paraissait cependant profondément ému par un bruit qui lui avait été rapporté et selon lequel une centaine de marins français auraient été fusillés à Toulon parce qu'ils refusaient d'embarquer. De son passage dans la marine, "Paulo" avait gardé un vif attachement à tout ce qui touchait à la flotte. Il nous avait dit un jour : « Quand je pense que je suis là alors que des camarades, pères de famille, risquent leur vie sur nos navires ! »

- Vous avait-il fait part de son intention de s'engager dans la Légion des Volontaires contre le Bolchevisme ?

- Nullement. Il nous avait seulement annoncé, la semaine dernière, qu'il allait nous quitter. Nous pensions soit qu'il voulait tenter de franchir la ligne de démarcation pour s'embarquer à nouveau à Marseille, soit qu'il allait chercher du travail à Paris où il connaissait une jeune fille avec qui il avait formé le projet de se marier. Il devait partir lundi et avait en conséquence retiré à la Caisse d'épargne mille francs qu'il m'avait confiés.

Samedi, il nous fit connaître qu'il remettait son départ à plus tard, je me souviens que je dis en riant à mon mari : « Paulo ne parait pas être pressé de convoler ! »

Mardi soir, il vint me trouver, rue Jean-Romain, où je vendais mes primeurs comme de coutume, et me demanda la somme dont j'étais dépositaire : « Je vais partir demain », m'expliqua-t-il. Et comme je le mettais en garde contre tout gaspillage, il ajouta : « Sois tranquille, je ne ferai pas mauvais usage de cet argent ».

De peur qu'il n'ait pas assez des mille francs, je décidai de lui donner en plus 500 francs. Vous comprenez, Monsieur, je ne voulais pas qu'il manque de quoi que ce soit au cas où il aurait été longtemps sans obtenir un emploi... C'est si cher une pension aujourd'hui !

Mercredi matin, il est parti... Il était « comme à son habitude ».

En descendant l'escalier, il me, cria : « Surtout, maman, ne le tracasse pas ! Ne t'en fais pas surtout ! »

Ce furent ses dernières paroles...

- Votre fils avait fait de la politique avant son départ au service ?

- C'est vrai, mais il n’était pas communiste, bien au contraire !

- Comment expliquez-vous l'attentat dont votre fils s'est rendu coupable ?

-Que voulez-vous que nous vous disions... Nous ne savons rien sinon que nous sommes profondément affreusement angoissés... Dites, Monsieur, croyez-vous qu'on va le fusiller ?... Est-ce que vous pensez que nous pourrons le revoir... avant

Et les infortunes parents de fixer d'un regard affolé un portrait fixé au mur et où sourit dans ses vêtements de fête un joli petit garçon..

« Paulo », à 12 ans...

Ce qu'avait été jusqu'ici la vie de Paul Collette       

Paul Collette qui habitait, nous l'avons dit, 30.,quai Vendeuvre, à Caen. est né le 12 août 1920, à Mondeville. de parents très honorables. Son père, aujourd’hui retraité des chemins de fer, avait été durant longtemps caissier à la petite vitesse de la gare de Caen. La mère est marchande des quatre saisons.

Tout jeune, il s’occupait de politique et appartint au Parti Social Français.

A l'âge de 18 ans. il s'était engagé dans la marine nationale, et pendant la guerre, il fut embarqué à bord du pétrolier "Le Niger" torpillé à  Dunkerque, à  son retour de Narvik. Recueilli, il alla alors en Angleterre où il ne demeura que quelques jours, pour rentrer à Caen muni d'une permission régulière.

Ceci se passait en juin 1940 au moment de l'arrivée des troupes allemandes. Du 21 juin au 13 juillet, il fit partie d’un corps de police auxiliaire recruté par la municipalité de notre ville pour renforcer la police réguliere dont l'effectif avait été sérieusement réduit par les nécessités de la mobilisation.

On prétend qu'à cette époque il essaya d’embarquer à Ouistreham à destination de l'Angleterre. Mais sa tentative aurait échoué et il revint à Caen. Puis il travaille à l'entreprise Sarrazin,  route de Paris comme ajusteur mécanicien. De bons certificats témoignent de son passage en cette maison.

En mars-avril on le retrouve à Marseille, à bord du Massilia.

Il est ensuite chauffeur sur le paquebot Senneville dont il débarque le 28 juillet dernier à Sète pour venir en permission d'un mois dans sa famille. Mais à la fin de son congé il fait part à ses parents de son désir du ne plus naviguer pour aller travailler à Paris. Il devait y commettre l’attentat. Rien cependant dans son attitude ne pouvait faire supposer une dramatique détermination.

Des perquisitions

L'enquête ouverte à Caen est menée par M. Charroy, commissaire central. assisté de M. Chaffinet, commissaire de police et M. Digonin, inspecteur de la brigade mobile de Rouen, auxquels se sont joints deux inspecteurs de la Direction de la Sûreté Nationale. Le soir même de l’attentat, les policiers ont fait une perquisition au domicile du meurtrier, mais elle n’aurait donné aucun résultat. Des opérations de même nature ont eu lieu également, hier soir, chez certains militants de l’ancien parti P.S.F. Il ne semble pas qu’elles aient été plus fructueuses.

 

Une photo de Paul Collette juste après l'attentat

 

Article du Journal de Normandie du 9 septembre 1941

Les parents de Paul Collette ont pu revoir leur fils

L'agresseur de M.M. Laval et Déat , le jeune Paul Collette , dont les parents demeurent quai Vendeuvre, à Caen, attend toujours en prison le moment d'être jugé. Le juge d'instruction qui s'est occupé de l'affaire, M. Cerbinis, a donné au Procureur un compte rendu de son information. A la fin de la semaine, M. et Mme Collette ont eu la permission de s'entretenir avec leur fils à la prison Saint-Pierre. Inutile d'insister sur le  pathétique dont a dù être empreinte cette entrevue.

 

 

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