Témoignage présenté dans ce livre
Mr André, chef de district principal au Ravitaillement Général (RG):
« Le 7 juin, j'étais appelé par M. le Préfet, je n'ai pu répondre à son appel que le 8 au matin. Il me confia aussitôt par écrit:
« la charge de prendre toutes mesures indispensables en vue d'assurer le ravitaillement de la population du quartier de Vaucelles ».
Là je rencontrai M. Derouen, directeur de la Biscuiterie Caennaise, 30 rue de la Marne (Biscuiterie Jeannette de nos jours), qui venait offrir ses stocks au département. Sur avis de M. le Préfet j'entrai immédiatement en contact avec lui. Aussitôt, nous nous occupâmes d'évacuer les stocks de cette entreprise qui étaient de 6.000 kg de biscuits, 3.400 kg de sucre, 2.800 kg de farine, 500 kg de sel, 600 kg de margarine environ. Les biscuits furent aussitôt distribués aux commerçants de Vaucelles, de Mondeville et de Cormelles, aux carrières de Fleury, etc..., et une certaine quantité passée au péril de notre vie, par la passerelle (Note de MLQ : la passerelle du Grand Cours voir ci-dessous), au chef de district chargé de la rive gauche,
qui en était complètement dépourvu, évitant ainsi toutes réquisitions de l'armée occupante. La farine, le sucre, le sel, la margarine furent réquisitionnés pour être distribués à la population au fur et à mesure des besoins.
Après avoir occupé la maison Manoury, rue de la Touques, où étaient installés : bureau, frigorifiques et dépôts, nous réquisitionnâmes toutes les denrées pouvant être récupérées dans les différentes épiceries du secteur. Nous organisâmes un recensement de la population et constituâmes aussitôt 12 groupes d'approvisionnement disséminés dans les différents quartiers de Vaucelles.
Les chefs de groupe furent :
Mme Detan,
M. Alleaume, Ecole Maternelle, pour un effectif de 140 personnes ;
M. Baron, boulevard Leroy, 141 ;
M. Bourdier, rue de l'Aviation, 189 ;
M. Corsin, rue Armand-Marie, 715 ;
La Défense Passive, 70 ;
M. Drouin, « Abri Ste-Thérèse », 330 ;
M. Duprey, venelle Canchy, 46 ;
M. Joignant, rue des Mésanges, 80 ;
M. Jutard, abri de la Demi-Lune, 99 ;
M. Leroux, rue de Falaise, 614 ;
M. Mallet, rue Edmond-Boca, 400 ;
Mme Margueret, M. Brière, rue de la Marne, 334.
Les distributions quotidiennes commencèrent sous les bombardements de toutes sortes.
Nous avons eu, du
reste, à déplorer, au cours de ceux-ci, la disparition en service de M. Alleaume
,
que secondait, avec son épouse, Mme Detan, directrice de l'école maternelle,
chef de groupe, mort à la suite d'une blessure reçue à la jambe, et, après mon
départ, le 18 juillet, celle de M. Baron
, restaurateur boulevard Leroy, qui
s'était toujours dépensé sans compter pour nourrir les personnes dont il avait
assumé la charge.
Mme Germaine Pinçon, employée du R. G. et qui était venue spontanément se mettre à notre service dans ces jours difficiles, a également trouvé la mort dans une cave lui servant d'abri pendant la nuit du 7 au 8 juillet.
Pendant toute cette période qui, pour moi, dura jusqu'au 10 juillet (ayant été obligé de quitter ma maison sinistrée et réfugié aux Petites Sœurs des Pauvres que j'ai dû évacuer de force le 11 juillet au matin) une grave question se posait : c'était le ravitaillement en lait frais de tous les enfants du quartier environ 420. Je tiens à dire ici que c'est grâce au courage et à l'abnégation de M. Raymond Callendret, de la laiterie de Mondeville (Laiterie Normande) , que j'ai pu faire face à ces nécessites. Chaque jour, se riant de la mitraille, il partait avec une voiture réquisitionnée prospecter un secteur qui lui avait été fixé, pour ramener la nourriture nécessaire à ces petits.
D'autre part, grâce aux marchandises rares récupérées chez les épiciers et confiseurs du secteur, j'ai pu distribuer pour les enfants quantités de bonbons, caramels, nougats, chocolat et farines diverses, allant jusqu'à délivrer des denrées supplémentaires pour malades, femmes enceintes, etc...
Si cette mission a pu être remplie c'est grâce à quelques agents da R. G. qui n'ont pas hésité à braver les dangers de toutes sortes, pour venir se mettre au service de la cause commune : Mme Seulet, MM. Jean Pernelle, Perdriel fils, Eugéne Tourte, etc.; à quelques parfaites bonnes volontés qui se sont spontanément offertes pour m'aider dans celle période si difficile : Mlle Hennequin, MM. Duymes, Coupaye, Boutrois, Falaise, Ferret, Nourris, Perdriel père, Macé, Floriot père et fils, Chantreuil (blessé grièvement le 9 juillet) et un gamin de 14 ans, Claude Martin, sans oublier M. Serre qui chaque jour allait chercher, dans la campagne bombardée, le beurre et le fromage nécessaires à tous.
L'approvisionnement en viande était assuré par les communes voisines qui livraient au ravitaillement les bêtes blessées par les bombardements constants.
En rouge en bas du plan les endroits cités dans l'article
Je ne terminerai pas ce bref exposé sans signaler l'aide éclairée que nous a apporté M. Sébire, notre conseiller municipal, ainsi que l'attitude parfaite et le courage de nos bouchers : Mme Noël et M. Bunel, MM. Lecouturier et Baril ; de nos boulangers : Mme Lenormand, M. Samson et particulièrement celle de M. Gillet."