Témoignage d'Edouard Colin

 

    Parution pages 62 et 63 de ce livre . M. Edouard Colin, 37 ans, était instituteur à Saint Benoît d'Hébertot en avril 1941 quand le maire de Caen lui proposa de venir à Caen diriger l'Office Municipal de la Jeunesse, nouvellement créé, il pris le poste le 1 août 1941.

 

    Le 6 juin 1944, à 13 h 30, quand tombèrent sur Caen les premières bombes, jtais rue Caponière, un pot à lait à la main. J'étais allé faire les provisions. Ma femme, dès le matin, stait fugiée avec notre fils, âgé de 4 ans et demi, dans l'abri construit dans le jardin de notre voisin Monsieur Jouvin. Elle ne devait quitter cet abri que le 20 juin, jour où fut décidée notre évacuation vers le sud du département.

    Je descendis, s le début de l'après-midi, rue Saint-Jean pour prendre la responsabilité du Centre d'accueil que nous y avions prévu. Les jeunes
Eq
uipiers d'urgence
de l'O.M.J., autour de Lorin, Sorel, Pachot, Bonne, étaient sur les lieux des bombardements, rue Neuve-Saint-Jean. Considéré comme étant dans une zone dangereuse le Centre d'accueil ne fut jamais mis en fonctionnement (1).

    Je descendis chaque jour, à bicyclette à l'O.M.J.

La permanence de l'OMJ au 28 rue Saint Jean (ex-Alhambra)

    Le 9 juin, au bas de la rue Ecuyère, une émotion me saisit. Là-bas, devant moi, se profilait le clocher de Saint-Pierre mutilé, la flèche stait effondrée, touchée par un obus de marine.

Le 9 juin à 02H00, l'église Saint-Pierre n'a plus de flèche. Chez Allison collection.

    Le 13 juin, l'O.M.J. était en ruines. Pendant la nuit les incendies avaient éclaté un peu partout. Les Galeries Lafayette avaient pris feu mystérieusement.

Les Galeries Lafayette, boulevard des Alliés

    La rumeur rapportait que les Allemands, eux-mêmes, avaient allumé les incendies. Les services de secours recoururent à l'emploi de la dynamite pour tenter d'enrayer la progression du feu.

« ... c'est alors que nous prenons la décision désespérée de faire sauter les îlots dangereux ... l'O.M.J. saute c'est un vif regret pour nous, car nous l'avions jusqu'au bout défendu   » (2).

    Debout devant les ruines, j'aperçois, suspendu au mur du deuxième étage, un grand insigne des Eclaireurs de France, symbole de notre activité et de notre clandestini.

    Les locaux de l'O.M.J. détruits, je me rendis au Lycée Malherbe pour me mettre à la disposition de la Municipalité.

La façade du Lycée Malherbe, à droite l'église Saint Etienne

Je rencontrai Monsieur Poirier .(Note de MLQ: 3ème adjoint au maire, directeur urbain de la Défense Passive).

«Les ordres sont formels, me dit-il, il faut évacuer la ville (3). Les Caennais doivent partir. Etablissez-vous sur la route de Trun pour seconder ceux qui dès maintenant s'occupent de secourir les réfugiés empruntant cet itinéraire ».

    André Marie était déjà établi au Sap, avec une délégation du Préfet Michel Cacaud ,. Il versait aux maires des communes du parcours l'argent des allocations destinées aux réfugiés. Gaston Déterville, pour sa part, opérait près de Gacé. Jean Pachot les rejoindra quelques semaines plus tard.

    Pour le moment Jean Pachot et Michel Bonne, qui pourvoient au ravitaillement de la population restée à Caen (4), dorment chaque nuit chez moi, 7, rue du Beau Site. Le 20 juin ils partent chercher du lait et des fromages à Jort.

    Avec ma femme et notre fils, Emile Lorin et quelques garçons, je monte dans le camion. Laissant nos amis à leur travail à la fromagerie de Jort, ma femme et moi, poussant une bicyclette et une poussette d'enfant chargées de bagages, nous poursuivons notre chemin, à pied, jusqu Ammeville où nous accueillent avec une grande émotion nos bons amis Denoly.

    Là, avec eux, je m'occupe de distribuer les allocations aux réfugiés, de leur procurer des logements, des vêtements et des vivres notamment de la viande qu'André Denoly préve sur le cheptel de sa ferme (5).

    C'est à Tortisambert où nous étions partis au moment de la rude bataille de Chambois que nous délivrèrent les Canadiens.

    A deux soldats qui passaient près de la maison nous offrîmes un verre de Calvados qu'ils apprécièrent. Je voulus leur verser la « rincette ». L'un d'eux me répondit: «Non, j'sieu point accoutumé, mé ».

    La vieille France était venue libérer la Normandie.

    Quelques jours plus tard, je rentrai à Caen à bicyclette, par l'itinéraire des petits chemins: Secqueville, Poussy, la Hogue, Frénouville, villages en ruines.

 

Itinéraire d'Edouard Colin

    La route de Paris était encombe à l'extrême des véhicules militaires se dirigeant vers Lisieux. Je dus mettre pied à terre et gagner Caen en marchant sur les bermes.

    Ma maison était intacte. Celle de mon voisin, Monsieur Jouvin avait brûlé, mais, par chance, l'incendie stait arrêté aux chevrons de mon garage.

    Je me rendis, rue Pasteur, au Lycée de jeunes filles où staient établis les services municipaux.

Lycée de Jeunes Filles façade rue Pasteur

Monsieur Pierre Marie, Secrétaire Général, mit à ma disposition une petite pièce du rez-de-chaussée. L'O.M.J. allait renaître.

(1) Robert Carabie me réla dernrement que sans que j'en fusse averti, les autorités avaient transféré le Centre à la Salle Mauger, rue Mélingue,qui elle-même fut détruite dès les premiers bombardements.

(2) Gosset et Lecomte: «Caen pendant la bataille » , p. 139 et 140. Extrait du rapport des chefs Leherpeur et Genevois.

(3) A plusieurs reprises le Préfet avait lancé l'ordre d'évacuation de Caen par St-Sylvain et Trun. lire ici.

(4) Ils firent un jour, une expédition aux champs de bataille de Tilly-sur-Seulles et ramèneront un troupeau de 60 bovins. La répartition des denrées s'effectuait sous l'autorité de M. Strittmatter.

(5) D'après les doubles de bordereaux que j'ai retrous, nous versions à chaque réfugié une indemnité de départ de 750 francs et une allocation de 2,40 francs par jour et par personne.

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