"Je me sentais bien humble"
« Des milliers de Caennais blessés lors de la bataille de Caen furent conduits à l'hôpital du Bon Sauveur par les jeunes des Equipes d'Urgence de la Croix-Rouge et les hommes de la Défense Passive. Je me souviens toujours de celui qui était posté à l'entrée de l'hôpital : à chaque passage d'un blessé, il donnait un coup de sifflet et c'était hallucinant car les coups de sifflets se multipliaient, sans jamais plus s'arrêter. Les équipes de secours n'ont pas dormi pendant trois jours et trois nuits. C'était horrible, les gens étaient amenés sur des carrioles, des brancards, des volets. Il y avait aussi des Allemands, des Anglais et quelques Canadiens qui s'étaient battus à Carpiquet (Note de MLQ: à 6 km à l'Ouest de Caen). On donne aujourd'hui le chiffre de 2 500 morts (en fait 1 967), j'ai l'impression qu'il y en a eu beaucoup plus. Nous étions plus de 200 Equipiers d'Urgence, dont certains étaient très jeunes, 13-14 ans. À un moment donné, passant devant la Miséricorde, un homme m'a interpellé pour aller secourir une femme seule, handicapée, bloquée en haut d'un bâtiment. En bas de l'escalier, il a crié :"Mme Goulet, la Croix-Rouge est là". La Croix-Rouge, c'était moi ! Je me sentais bien humble, mais je dois dire que pendant toute la bataille, ça m'a donné le sens des responsabilités".
Témoignage paru dans Paroles de témoins
Propos recueillis par Nadège Orange, Michel Follorou et Willy Oriou