Madame Martinet

 

   

Le centre chirurgical des Petites Sœurs des Pauvres auquel j'avais été affectée n'étant pas en mesure de fonctionner, je me suis rendue au centre d'accueil du Bon Sauveur et le responsable de ce centre, membre de la Défense passive, le colonel Besnier, m'a proposé un service près des sinistrés qui arrivaient nombreux et affolés, à la suite des premiers bombardements.

    Le centre d'accueil du Bon-Sauveur, ouvert dans des locaux à proximité de l'église Saint-Ouen, libérés par les malades conduits hors de la ville, ne possédait que peu d'équipement.

    Les réfugiés se présentant de plus en plus désorientés, une jeune fille arrivée avec sa famille accepta de relever les noms des personnes hébergées au Centre, leur adresse ancienne et éventuellement la direction qu'elles prenaient en cas de départ.

    Des visites dans les dortoirs où se tenaient les réfugiés, parfois trente ou quarante, permirent de connaître les besoins urgents et en premier lieu pour les enfants.

    Le linge et la layette faisaient grandement défaut. La Croix-Rouge apporta son concours et une amie ayant vidé son armoire, une cinquantaine de couches ont pu être distribuées et avec du fil et des aiguilles achetés à une mercière non sinistrée, les mamans firent en hâte des ourlets.

    Il a fallu ensuite organiser le lavage de ce linge, les intéressés n'ayant aucune possibilité, avec des moyens de fortune au centre, ou mieux, parfois, le tout enveloppé dans un grand drap était déposé dans les grandes cuves de la blanchisserie du Bon-Sauveur.

Plan du Bon Sauveur: la buanderie, l'Odon. Source du plan.

    Pour une vingtaine de bébés, dont quelques-uns très jeunes, les biberons devaient être préparés - après avoir cherché biberons et tétines - soit au lait concentré, au lait de vache ou au lait de Mariotte (Note de MLQ: ?) (20 litres par jour furent parfois nécessaires pour répondre aussi à la demande de familles extérieures au centre d'accueil.)

    Les enfants de moins de trois ans purent ensuite prendre un repas adapté à leur âge, chaque jour à 11 heures et 17 h 30. Les sœurs de la cuisine du Bon-Sauveur

fournissaient alors du lait frais, des légumes, de la viande, et la Croix Rouge des farines.

    Chaque jour aussi entre 10 h et 11 h, les mamans trouvaient, dans la pièce où étaient ensuite servis les repas aux réfugiés, le nécessaire pour la toilette des petits et l'aide de deux aides-puéricultrices ou secouristes.

    Par ailleurs, il a fallu :

- assurer les petits soins :- dans un angle d'une grande pièce où se tenaient le chef du centre, son adjoint et où tout le monde venait chercher quelque renseignement et avec une pharmacie très réduite - écouter, aider et soutenir les réfugiés, beaucoup sinistrés totaux et ayant parfois perdu enfants ou proches parents ; les diriger et les accompagner vers les services ayant pu accueillir les blessés.

- être attentif aux plus âgés ou souffrants qui ne voulaient plus quitter leur famille.

- être près des plus anxieux ou des agités pendant les alertes et les bombardements.

- procéder à des distributions de quelques vêtements, de laine à tricoter, donnés par le Secours National.

    Dès que fut libérée la première partie de la ville (Note de MLQ: la rive gauche le 9 juillet), des familles s'empressèrent de partir vers Bayeux ou sa région et petit à petit d'autres se réinstallèrent souvent dans les quartiers non détruits de la ville ou aux alentours et fin juillet le centre ferma ses portes.

    L'aide et la complaisance des sœurs de la Communauté du Bon-Sauveur ont permis d'assurer une alimentation correcte aux jeunes enfants et à quelques malades au centre d'accueil.

    D'autre part, tout ce travail a pu être effectué grâce à la présence des jeunes des Equipes d'Urgence et secouristes, qui, dans ces conditions très difficiles et avec des moyens très insuffisants, ont fait preuve de beaucoup de dévouement.

Mme Martinet,
médico-sociale de la Croix Rouge
et par la suite élève de l'école
d'infirmières et d'assistantes sociales.

Témoignage paru dans ce livre

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