M. Trobel, un ancien Caennais, aujourd'hui bijoutier à Villers-Bocage. Au moment du Débarquement, il vivait au quartier de la Maladrerie. Puis le 20 juin, il évacuait vers le centre de Caen, juste au moment où des obus écrasaient sa rue. Poussant une brouette, il suivit alors un banneau chargé de blessés et gagna le lycée Malherbe, vivant là un certain temps au milieu de centaines de réfugiés comme lui, trouvant aussi le temps, dans ces heures où la vie marchait à coups de canon, de convoler en justes noces, le préposé à l'état civil officiant pour la circonstance sur un tonneau transformé en bureau. Mais il connaissait sur la rive droite de l'Orne un endroit où il était déjà venu se camoufler alors que, requis pour le STO., il était revenu un jour d'Allemagne par le plus grand des hasards et avait décidé de ne plus y retourner. De cette retraite, il faisait parfois des escapades nocturnes pour aller retrouver sa fiancée habitant à l'autre bout de la ville. C'est ainsi qu'une nuit, il tomba nez à nez sur une patrouille allemande dans laquelle il fonça, tête baissée, finissant par semer les soldats au travers de ruelles qu'il connaissait bien. Ce refuge, c'était le Belvédère.

« On voit encore aujourd'hui les deux petites grottes dans lesquelles nous vécûmes tout un mois, explique l'intéressé. C'est de cet endroit que nous assistâmes à la retraite des Allemands le 9 juillet. Deux jours plus tard, mon oncle et ma tante venaient passer quelques heures avec nous. Le lendemain, ils nous quittaient. Mais à peine avaient-ils fait 150 mètres qu'ils étaient pris sous un tir d'artillerie alliée. Deux obus explosaient sur la tranchée qu'ils avaient gagnée précipitamment, les tuant tous les deux avec une demi-douzaine d'autres personnes.

« Pour nous garantir des éclats, nous construisons alors un bon parapet devant l'entrée de notre grotte. Par crainte des tirs d'artillerie anglaise, les Allemands nous interdisent d'allumer du feu. Durant cette période, nous allons nous ravitailler à l'îlot du boulevard de Rethel. Le mari de l'épicière a été tué ainsi que la femme de ménage. Nous avons dans notre groupe un bébé qui a été nourri tant bien que mal avec de l'eau de cuisson de pâtes pour toute alimentation. Au prix de difficultés sans nom, je me débrouille pour trouver du lait. Il m'arrive aussi, un jour, de descendre jusqu'n la gare et d'en ramener de grandes boîtes de confitures que je récupère dans un wagon éventré. A la fin, cependant, nous n'avons plus grand-chose à manger.

« Arrive le 18 juillet. Nous subissons alors un feu d'artillerie comme jamais encore nous n'en avons connu d'une telle intensité. C'est un grondement perpétuel, un bruit infernal; indescriptible. Rien que sur notre abri, nous compterons 18 points d'impact. Des pierres sont projetées sur nous. L'une d'elles blesse une personne. Dans l'ensemble cependant notre parapet tient bon. Soudain, j'aperçois un soldat qui rampe dans un carré de pommes de terre. A ma vue, il me met en joue.

-Ne tire pas ! lui dis-je. Français, moi !

 Après un échange de paroles avec la patrouille canadienne, celle-ci continue son chemin. »

Témoignage publié pages 321 à 323 dans ce livre.

Localisation

La rue Belvédère surplombe un important dénivelé (d'anciennes carrières de pierre). On y accède par la rue du Gros Orme et la rue de la Garenne. Les grottes (plutôt trous creusés dans la paroi) passent sous la rue Belvédère. La rue Belvédère tire son nom de l'ancien lieu-dit sis à cet endroit et qui est parfaitement un promontoire (belvédère) au dessus de la rue d'Auge, en fait la continuation des hauteurs de Vaucelles sur lesquelles est bâtie l'église St Michel . Toutes ces hauteurs dominant le quartier de la gare sont sans aucun doute les hauteurs dominant l'Orne de Fleury sur Orne à Colombelles avant que le cours de celle-ci soit canalisé vers le XVème, XVIème siècle.

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