Thierry Wavelet,
le carnet noir
« Mon père, employé à la ville, s'est consacré pendant la bataille aux enterrements. Ce n'était pas son travail mais comme il disait : "il fallait bien que quelqu'un s'en occupe". Sur un carnet noir, il a inscrit tous les morts et les inconnus ; et notait tous les détails techniques des trouvailles, et même des débris humains sortis de sous les décombres. Les gens étaient d'abord ensevelis dans le lycée Malherbe
et dans d'autres endroits comme à la Prairie
, Saint-Gabriel ou Saint-Germain-la-Blanche-Herbe. Les corps étaient placés dans un cercueil, enterrés provisoirement et ensuite, exhumés pour être emmenés dans leurs dernières sépultures. Ma mère me racontait que bien que mon père se lavait plusieurs fois par jour, il sentait le cadavre. À travers ce livre noir, on découvre que la guerre, ce n'est pas une belle chose. Mon père a gardé la corde qui servait à descendre les cercueils ; il disait que c'était le symbole de la bêtise humaine".
Témoignage paru dans Paroles de témoins
Propos recueillis par Nadège Orange, Michel Follorou et Willy Oriou