L'USINE ELECTRIQUE DE CAEN
Vue générale de l'usine
Salle des machines et la chaufferie
Séparateur de vapeur et tuyauteries de vapeur
Tuyauteries de vapeur
Groupe turbo-alternateur de 12 000 kw
Merci à Thierry Stuck pour la documentation.
La guerre et la reconstruction
C'est sous le contrôle de l'Energie Referat, organisme de l'occupant allemand, que les électriciens ont accompli leur tâche durant l'occupation (tout au moins pour ceux qui n'étaient pas sous les drapeaux, dans un camp de prisonniers, réquisitionnés pour le Service du Travail Obligatoire, ou qui n'avaient pas choisi le maquis).
Il va s'en dire que ce fut une période pleine de soucis et de dangers constants, même si l'on ne s'en tient strictement qu'au cadre professionnel.
Il est fréquent que les exploitants doivent se mettre en travers des interventions de l'armée occupante sur les ouvrages : branchements directs, surcharge des réseaux, intervention dans les postes sans avis, bris de cadenas d'interrupteurs, voire parfois démontage complet d'installation... Les chefs de secteur, ASSELIN et MICHEL sont emprisonnés pour avoir tenté de rétablir des circuits coupés par l'armée. Nombre d'agents sont mis en joue par les sentinelles lorsqu'ils interviennent en dépannage à proximité des blockhaus ou des dépôts.
Tous ces faits sont monnaie courante et viennent accroître les dangers d'intervention dans des zones constamment mitraillées ou bombardées et dont les archives conservent bon nombre de réclamations, protestations et rapports divers.
Les incidents dus à la guerre sont fréquents durant toute l'occupation, en voici les plus graves, dans le cadre strict de la Ville, relevés dans les rapports d'exploitation.
Destruction de la guerre et réparations : 1944-1950.
L'occupation allemande, en elle-même, n'a causé aucun dégât à l'usine et n'a suscité aucun attentat. Elle a uniquement engendré une surveillance avec gardes militaires, techniciens et un interprète.
Il est à noter une utilisation particulière, propre à cette période : remise en service d'une chaudière BELLEVILLE réformée pour fabriquer de l'eau distillée destinée aux sous-marins allemands.
La seule anicroche de cette période est l'électrocution d'un militaire allemand : il est entré en contact avec le jeu de barre sous tension par l'intermédiaire de ... son crayon.
Si l'occupation s'est relativement bien passée pour le matériel, outre les conditions de travail et de vie que l'on sait, la fin de la guerre ne s'est pas réalisée sans dommages.
Le 6 juin 1944, jour du débarquement allié sur les plages normandes, débutent les bombardements sur la Ville de Caen. Dès le lendemain, la centrale n'est plus en mesure de produire. Les dégâts sont importants :
- toit et murs soufflés
- fondations de la turbine n° 1 démolies
- convertisseurs 600 V continu inutilisables
- chaudières 3 et 4 irréparables
- portique d'approvisionnement en charbon effondré
- circuit d'eau de refroidissement et réserves à fuel détériorés
- conduits percés, panneau de contrôle détruit, moteurs touchés, ...
Photo Fonds François Robinard. En haut du bâtiment: UNION ELECTRIQUE DE L'OUEST
La ville libérée le 18 juillet 1944, se remet difficilement des tonnes d'obus et bombes qui se sont abattus sur elle durant le débarquement et sa libération.
Dès la libération, la centrale est remplacée par trois groupes diesel montés sur wagon et totalisant une puissance de 275 kW pour les besoins civils prioritaires et militaires.
Fin juillet, la décision est prise de réparer la centrale avec l'aide du personnel militaire britannique. Le plan de réparation adopté consiste à s'occuper d'abord de la chaudière n°1 et de la turbine no°4. Elles sont prêtes dès le 13 septembre, mais de nouveaux défauts sont découverts après trois essais infructueux : elles ne sont remises en service que le 12 octobre. Puis, c'est le tour de la chaudière n° 2 qui redémarre le 22 octobre et le turbo-alternateur n°2 qui est remis en service le 10 novembre avec l'excitatrice n° 1. Enfin, après remise en état de la chaudière VELOX, la centrale peut fournir 6 MW le 23 février 1945. Le personnel militaire britannique se retire au début du mois de mars 1945.
Pour relever le réseau, tout manque, tant le matériel (pas ou peu de véhicules, pénurie de carburant...) que les matériaux (pas de fils de cuivre, pas de ferrures...) ou les hommes (décédés, encore retenus prisonniers ou par le S.T.O., sous les drapeaux...).
Malgré tout et grâce à l'effort de tous, aidés par la coopération britannique, le 4 novembre, une partie Ouest de la ville peut être réalimentée (secteur comprenant le boulevard Bertrand, la place St Martin et la rue de Bayeux) mais la puissance disponible est limitée car la centrale n'est pas en état. Seuls trois groupes diesel montés sur wagon, installés par l'armée britannique, peuvent produire (puissance maximum : 275 kW) : 300 kW sont alloués pour les besoins civils outre l'alimentation du port, du dépôt de la gare, de l'Air Liquide (dont la production d'oxygène est réservée à des fins militaires), de la station de pompage de la Prairie et d'une blanchisserie réquisitionnée par l'armée.
Ces 300 kW sont répartis de la façon suivante :
50 kW, usine à gaz
28 kW, services publics
30 kW, hôpital
110 kW, ateliers de fabrication divers
le reste pour les boulangeries et industries alimentaires.
Il faut attendre janvier 1945 pour que tout ce qui peut être alimenté, le soit (une enquête d'octobre 1944 indique la présence de 6 150 foyers habités et 20 900 abonnés).
Mais cette réalimentation reste du domaine du dépannage, la Ville est à reconstruire, son réseau électrique aussi.
Malgré ces réparations, le matériel a beaucoup souffert et pendant cinq ans d'autres réparations et modifications sont réalisées avec, notamment, le renforcement de la centrale par deux chaudières PENHOET (380 m2 de surface de chauffe-pression 32 kg) équipées au charbon et transformées pour le fuel (certains éléments proviennent de la centrale sinistrée de Saint-Nazaire). Ces réparations ressortent malgré tout du bricolage en attendant la reconstruction avec les dommages de guerre.
En octobre 1945, la Société d'Electricité de Caen se dote d'un service "Reconstruction et Gros Travaux".
En 1945-1946, dans le cadre de la reconstruction de la Ville, est avancé un projet de chauffage urbain par vapeur en fonctionnement par contre pression avec la turbine OERLIKON. Cette éventualité ne se concrétise pas.
En 1946, le gouvernement français reçoit au titre des réparations allemandes, le matériel de la centrale souterraine de MANNHEIM (Allemagne) mise en service en 1941.
Démonté, transporté, réparé et réinstallé à Caen, ce matériel est mis en service en 1950. Il constitue une deuxième centrale sur le site, comprend un groupe B.B.C. (BROWN BOVERI COMPANY) de 32 MW avec turbine B.B.C. (pression 100 kg-480°C) chaudière fuel SULZER.
En juillet 1948, l'évaluation des dommages pour le seul réseau basse tension de la Ville, s'élève à 40 millions de francs pour les réparations provisoires, 175 pour les réparations définitives et à 110 pour les dégâts compris dans les périmètres de reconstruction.
La structure moyenne tension mise en place dans le cadre de la reconstruction est constituée de câbles souterrains à âme en cuivre (3 x 75 mm2 pour les artères, 3 x 48 et 3 x 30 mm2 pour les sous-boucles et dérivations) alimentant des postes en coupure.
Les hommes :
« Il faut avoir vécu soi-même la cohabitation avec les Allemands pour comprendre ce que le simple devoir professionnel supposait d'abnégation sinon de courage. Peu d'ouvriers ont connu autant de risques permanents et multiples dans l'exercice de leurs fonctions, au milieu des attaques aériennes et au contact des troupes d'occupation en état constant de surexcitation. La notion de "Service Public" y prenait son sens le plus noble et il est regrettable que ce personnel ait été si peu mis à l'honneur. »
Jean DIVERRES, juin 1967. (Ancien chef de S.A. au centre E.D.F. - G.D.F. de Caen)
Si les installations ont souffert, les hommes n'ont pas été épargnés. Pour les seuls électriciens caennais, on déplore la mort de 18 agents.
Un émouvant hommage leur est rendu (ainsi
qu'à toutes les autres victimes du département) le 12 novembre 1947, par
l'inauguration d'une plaque commémorative dans les locaux de la promenade du
Fort, en présence de Marcel
PAUL .
Faire-part de décès des Agents :
Le Directeur et le Personnel de la Société d'Electricité de Caen (SEC) vous prient d'assister au Service solennel qui sera célébré le 20 Novembre 1944, à 9 heures, à l'Eglise Saint-Etienne, à la Mémoire de ses Agents et des Membres de leurs familles tués au cours des événements de guerre.
BASJARDIN Camille
Déporté :
LE GAL Maurice, chef de quart à la Centrale arrêté le 1er mai 1942 comme otage (en tant que communiste notoire) suite aux attentas d'Airan, déporté à Auschwitz, disparu lors de l'évacuation du camp.
Disparus et victimes civiles lors des bombardements de Caen :
CAUVIN Auguste, manœuvre à la S.E.C., le 4
août 1944 à 52 ans .
CORSAUT Jean , contremaître usine
électrique - Organisation : OCM
- Domicile :
Bény-Bocage, le 3 août à 38 ans
DENNETIERE Madeleine, comptable à la
S.E.C., le 06 juin 1944 à 41 ans .
DESFEUX Charles, ouvrier professionnel à
la S.E.C., le 5 juin 1944 à 68 ans .
DORE René, électricien à la Centrale, le
21 juillet 1944 à 36 ans .
FOUCHER Jules, chef d'équipe à la S.E.C.
et capitaine des pompiers volontaires, le 7 juin 1944 à 51 ans .
GAILLARD Paul-Louis, aide comptable à la
S.E.C., en 1944 à 60 ans. (GAILLARD Joseph Paul,63 ans)
GAMBIER Paul, 1e 16 juillet 1944 à 60 ans
HEBERT Emma, Marie-Louise, employée aux
écritures à la S.E.C., 8 juillet 1944 à 25 ans .
HENRY Charles, ouvrier spécialisé à la
S.E.C., 7 juillet 1944 à 44 ans .
LEFEVRE Jean, électricien à la Centrale,
le12 juin 1944, à 25 ans .
LEMAITRE Aristide, chef de bureau à la
S.E.C., le 6 juin 1944 à 54 ans .
LEMAITRE Jean, électricien à la Centrale,
le 6 juin 1944 à 23 ans .
MERCIER Edith, sténodactylographe à la
S.E.C., le 06 juin 1944 à 22 ans .
RENOUF Antoine, électricien à la S.E.C.,
les 6/7 juin 1944 à 49 ans .
THEUREAU Louis Alfred, contremaître
principal à la S.E.C., les 6/7 juin 1944 à 45 ans .
THOUMINE Marcel, manœuvre à la S.E.C., le
12 juillet 1944 .
Victime civile :
HAMEL Gilbert, chef d'équipe à la S.E.C., décédé le 20 mai 1941, à 30 ans, suite à une maladie contractée lors de son incarcération en tant que prisonnier de guerre.
Merci à Jean-Philippe Mathieu pour la documentation. Source.