Le pont de Colombelles sur le canal à Hérouville
Le pont tournant d'Hérouville au faubourg industriel de Colombelles.
Repérage sur carte alliée des ponts sur l'Orne et le canal avant le débarquement. AGRANDISSEMENT
Source. Le pont sur le canal à Hérouville dit pont de Colombelles
Ce pont a été détruit le 23 juin
1944 dans des conditions rocambolesques racontées par le
Leutnant Hans
Höller Zugführer
du I. Zug s.8.Kp II./Panzer-Grenadier-Regiment 192 de la 21.
Panzer Division
. Hans
Höller est positionné depuis la nuit du 7 au 8 juin au Nord d'Hérouville sur la
rive gauche du canal:
Carte Paul Cherrier avec son aimable autorisation
Voici
ce qu'il en dit dans son livre :
L'Oblt.
Braatz (son
chef de compagnie) a
surgi
avec
quelques
inconnus,
qui
se présentent
comme
étant
des
«
Kampfschwimmer
»
- nageurs
de combat
-.
Kampfschwimmer
?!
Je
me serais
attendu à tout,
mais
pas
à l'apparition
de tels
soldats.
D'ailleurs,
je ne
connaissais
pas du
tout l'existence
d'une
telle
formation
dans
nos
rangs!
Ces hommes
en uniforme
du
Heer
se font
présenter
la situation
aux
ponts entre
Hérouville
et Colombelles
par
l'Oberleutnant
Braatz
et
moi-même.
Leur venue
ici,
comme ils
nous l'expliquent,
concerne
les
fameux
ponts enjambant
le canal
et l'Orne,
plus au
Nord. Le
6 juin
1944, il
n'avait
pas été
possible
de
protéger
les
ponts sur
Bénouville
et Ranville,
ni de les
reprendre.
Même plusieurs
engagements
de
la
Luftwaffe
n'ont
jusque-là
conduit
à aucun succès.
Or, depuis
le
Jour J, un
flot continu
de renforts
et d'approvisionnements
passe
par ces
deux
ponts:
les Anglais
ont même
commencé
à ériger
des
ponts
de
bateaux
supplémentaires
sur les
deux
cours
d'eau.
Ainsi
peuvent-ils
acheminer
du ravitaillement,
des
pièces
d'artillerie
et surtout
des blindés
pour
renforcer
les
parachutistes
anglais
de
la
6th Airborne
Division
dans
leur
tête de
pont à l'Est
de l'Orne.
Sur une carte alliée repérage des ponts.
Ces Kampfschwimmer entendent maintenant mettre fin à ces déplacements adverses d'Ouest en Est. Le Pegasus Bridge (le pont de Bénouville) et le pont sur l'Orne de Ranville (Horsa Bridge) sont les plus solides, donc les plus cruciaux. D'importance stratégique, ils doivent maintenant être détruits par une action commando. Avec des charges explosives semblables à des torpilles amenées par deux camions, nos nageurs veulent les faire sauter. Initialement fort de dix hommes, leur groupe a subi en trajet un accident occasionnant des blessés, c'est pourquoi seuls six « plongeurs de combat» sont encore disponibles.
Ils projettent de remonter de nuit le canal et l'Orne derrière nous, avec deux escouades de chacune trois hommes, pour ensuite nager en aval (vers le Nord) avec leurs charges explosives en direction des deux ponts de Bénouville et Ranville, donc en passant à la nage devant nos positions. Une fois traversées les lignes alliées, ils devront alors disposer leurs explosifs sur les ponts. Tous les six veulent accomplir cette action risquée dès cette nuit, du 22 au 23 juin. Les systèmes de retardement devront être réglés de telle sorte que les charges explosives se déclenchent tôt le matin. Après quelques mises au point entre nous, les nageurs quittent notre secteur et partent vers le Sud. L' Oblt. Braatz et moi-même restons stupéfaits. Qui se serait bien attendu à une opération si atypique? Nous admirons ces hommes et leur courage. Je me fais un devoir de me réveiller le lendemain à 5 h puis, complètement épuisé, je sombre dans un profond sommeil.
Tôt ce matin du 23 juin, nous attendons impatients les détonations. Nous nous trouvons comme d'habitude dans nos positions, examinant le terrain face à nous. Cette fois, nous prêtons une oreille particulièrement attentive vers le Nord-est, pour essayer d'ici peu de percevoir par là-bas l'une des déflagrations. Soudain, une forte explosion déchire le silence ... derrière nous, une énorme colonne d'eau s'élève au-dessus du canal. Totalement surpris, depuis nos Schützenlöcher (trou d'homme) on se retourne pour scruter maintenant en arrière, vers le pont tournant en acier d'Hérouville qui, à présent, s'effondre dans un immense fracas. La colonne d'eau retombe sur elle-même en claquant, en éclaboussant copieusement. D'un coup, nous sommes décontenancés et nous regardons, un peu abattus.
Source page 105 de ce livre. Le pont tournant d'Hérouville dans le canal, à gauche le photographe est rive droite. A droite, la maison du pontier, le photographe est rive gauche du canal.
Nous n'avons entendu ni avion ni même le sifflement d'obus lourds! Nos Kampfschwimmer auraient-ils attaqué le mauvais pont? On court jusque là-bas pour, amers, constater le pitoyable résultat: le pont d'Hérouville est détruit, nous sommes donc coupés du reste de la compagnie.
Des décennies plus tard, j'apprendrai ce qui s'est réellement passé. Comme prévu, de nuit les six nageurs de combat du Marine-Einsatz-Kommando 65 (MEK 65, commando de marine 65) se sont mis à l'eau en deux équipes de trois hommes. Chacune a emporté avec elle son engin explosif semblable à une torpille. Les premiers problèmes apparaissent déjà à cause de ces lourds explosifs qui coulent dans l'eau douce (conçus initialement pour l'utilisation en eau salée). Face à ce constat, les corps explosifs ont d'abord dû être rendus flottants avec difficulté au moyen de barils d'essence vides attachés ensemble.
Une fois accompli cela, les nageurs de combat sont entrés dans l'eau vers minuit. Dans le canal, le premier groupe a rapidement buté sur de nouvelles difficultés, alors que quelques barils d'essence se détachaient, entraînant que l'explosif s'enfonçait de plus en plus dans l'eau. Dès lors, l'un des trois hommes a été forcé de le prendre sur ses épaules et de marcher dans le sol vaseux, la tête sous l'eau. Pour lui, cela a dû être on ne peut plus éreintant; il a sans arrêt dû refaire surface pour reprendre son souffle. Malgré tout, le groupe est tombé sur le pont, y a placé sa charge explosive et fait demi-tour à la nage.
Dans l'Orne, la seconde action s'est déroulée de façon tout aussi décevante. D'abord, l'un des trois hommes a perdu ses nerfs et fait demi-tour vers la terre ferme, obligeant les deux nageurs restants à mener seuls l'action à son terme. Eux aussi sont parvenus à disposer la charge sous le pont. Ce ne peut être que le Matterstock Brücke. Néanmoins, ne pouvant pas revenir à la nage en raison du fort courant, ils ont été forcés d'attendre toute la journée. Le soir venu, ils grimperont hors de l'eau, marcheront vers l'Ouest et se jetteront dans le canal. Là, grâce au courant plus faible de ce dernier, ils pourront regagner Caen à la nage.
Les deux charges comme prévu ont été amorcées pour 5 h 30. Or, ce ne sont pas les ponts de Bénouville et Ranville qui ont été détruits, mais nos deux ponts près de Hérouville et de Colombelles, ceux justement qui - jusque-là - étaient entre nos mains! Ce que l'artillerie de la Royal Navy et l'engagement ininterrompu des chasseurs-bombardiers n'ont pas réussi à accomplir en plusieurs semaines, c'est "notre Wehrmacht" qui l'a fait. Quelle ironie du sort! Lorsque l'on cherche la cause, il s'avère que les nageurs ont utilisé de fausses cartes. Normalement les deux équipes auraient dû chacune passer sous deux ponts et faire sauter le troisième. Or à cause de documents erronés, elles ne sont passées que sous un seul pont, faisant sauter le deuxième. Cette description ne correspond pas à la situation géographique, problème de traduction ? Et en plus de cela, pile les deux qui étaient dans nos lignes et facilitaient nos déplacements à proximité du front! On s'est déjà étonné du fait que le premier groupe était revenu aussi vite malgré la longue distance à parcourir. Les pertes s'élèveront à un homme: le soldat qui a perdu les nerfs en raison d'une peur manifeste. Le lendemain, il est retourné dans l'eau par inquiétude pour ses camarades et a nagé en passant juste devant eux. Après quelque temps, il a été repéré par des sentinelles anglaises et abattu. Blessé, il a quand même pu nager jusqu'à la rive de l'Orne, mais là, il succombera à ses blessures.
Lire également ici au paragraphe FRANCE mais là aussi des confusions sur les ponts
Cette
opération
commando
allemande
a vu le
jour sous
la
direction
du
Marine-Oberleutnant
Hans-Friedrich
Prinzhorn
et du
Leutnant
Alfred von Wurzian,
un Viennois.
Dans les
Années
Trente, ce
dernier
avait
entrepris
plusieurs
expéditions
de
plongée,
en
commun
avec le
célèbre
océanologue
viennois
Hans
Hass. Tous deux
avaient développé
un appareil
respiratoire
révolutionnaire
à circuit
d'oxygène
fermé.
Ayant
reconnu
son
intérêt
pour des
actions
militaires,
von Wurzian
l'a présenté
à
l'Abwehr
et a reçu
pour mission
de former des
nageurs
de combat.
L'engagement
"réussi"
aux
ponts en
Normandie
est la
toute première
opération
allemande
de
Kampfschwimmer
de
la
Seconde
Guerre
mondiale.
Le pont remplacé de1945 à 1959 par une passerelle piétons tournante flottante très haute sur l’eau (3 m) sur caissons métalliques du Mulberry B d'Arromanches; source photo aérienne IGN 1947.
Une passerelle d'Arromanches pour piétons en aval, passerelle pivotante à l'aide dun treuil, on distingue entre les flotteurs le pivot de rotation.
A son tour remplacée en 1959 par un pont tournant en aval. De nos jours.
Source. De nos jours, après l'élargissement du canal.
Remerciements à M. André Grand † Ingénieur TPE Subdivision du port de Caen et à M. Jean Maubert.