C'ETAIENT EUX, LES HEROS...

Traduction du reportage d'un correspondant de guerre britannique - dont nous ignorons le nom - arrivant à Saint-Etienne le 10 juillet 1944. Texte communiqué par M. André HEINTZ.

 

 

            Tôt le matin, je pénétrai dans la ville avec mon collègue Marcel OUIMET. Les ruines fumantes étaient encore désertes. Il n'y avait que nos patrouilles et le génie en train de déminer ; tandis que des équipes de la Croix Rouge Française et de la Défense Passive recherchaient les blessés.

... Nous atteignîmes un quartier qui n'était pas complètement détruit, puis tout à coup, nous débouchions sur une petite place, la place du lycée Malherbe où nous nous trouvions devant une imposante église et une école qui n'avaient pas souffert ; c'était la célèbre église de l'Abbaye aux Hommes, vieille de mille ans. Deux mille personnes s'y abritaient depuis plusieurs semaines et, dans le vieux Lycée à côté, environ quatre mille personnes. Pas une seule bombe ni obus n'avaient touché l'église; or si vous pouviez voir Caen aujourd'hui, vous diriez que c'est pur miracle !

            Je pénétrai dans l'église et le tableau que j'y vis, je ne suis pas près de l'oublier ; il y avait 2 000 personnes, en majorité des femmes et des enfants qui, depuis des semaines, y vivaient et y dormaient ; des bébés étaient nés là au pied du sanctuaire et des blessés avaient été soignés, on peut dire, sur la tombe de Guillaume-le-Conquérant, des blessés arrachés à l'enfer extérieur.

            L'intérieur de cette majestueuse église était aussi propre et aussi net que les Salons de Buckingham Palace.

            Mon collègue et moi étions pratiquement les premiers Britanniques en uniforme que voyaient ces gens-là, bien qu'ils aient su hier que les Anglais et les Canadiens avaient pris la ville.

            Nous descendîmes lentement l'imposante nef et alors des centaines de gens se pressèrent autour de nous pour nous serrer la main ; tous étaient calmes, dignes et silencieux mais leur enthousiasme était profond et touchant. Ils nous remerciaient alors que c'étaient eux les héros.

            Voir Caen aujourd'hui donne une impression de dignité et d'héroïsme.

            A 11 h 1/2 se tint une cérémonie de cinq minutes, réédition de la veille (en fin d'après-midi).

Photo collection Jean-Pierre Benamou avec son aimable autorisation

Place du Lycée, à gauche l'entrée de l'église Saint Etienne dans le fond le Parloir du Lycée Malherbe.

Photo prise du balcon du Parloir du Lycée Malherbe (voir photo ci-dessus) A droite photo Roger Tesnière.

Voir à la fin de ce film la cérémonie, Léonard Gille avec un casque blanc.

 

 

            C'est là que fut tué le soldat anglais dans le haut de la place, au coin N-O, près de la rue Guillaume. Peu s'en aperçurent car les Anglais firent la haie pour le dissimuler et ne pas interrompre la cérémonie. Il fut enterré dans le haut du Square. Vous pourriez à peine y croire même si vous en voyiez le film; une cérémonie improvisée du lever des couleurs sur cette petite place maintenant que Caen était libre.

              Les hommes et les femmes de la Résistance étaient rassemblés au pied du mât, portant leur brassard à Croix de Lorraine, des hommes et des femmes fidèles à la France et à ses Alliés qui avaient risqué la mort et bravé les tortures pendant 4 ans. Des centaines de gens sortirent de l'église sans s'occuper des obus qui sifflaient au-dessus de leur tête et des éclats de DCA qui retombaient un peu partout. La place se remplit de tous ces gens ; puis le drapeau français fut hissé. Le jeune chef de la Résistance, un héros de cette guerre, après avoir accompli ce geste couvrit la figure de ses mains et, reculant de deux ou trois pas, ne peut retenir ses larmes ; mais il se ressaisit et entonna la Marseillaise.

  

  

Témoignage paru en juin 1994 dans la brochure

                                                                             ECLATS DE MEMOIRE

TEMOIGNAGES INEDITS SUR LA BATAILLE DE CAEN
recueillis et présentés

par Bernard GOULEY et Estelle de COURCY
par la Paroisse Saint-Etienne-de-Caen
et l’Association des Amis de l'Abbatiale Saint-Etienne

 Reproduit avec leur aimable autorisation

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