Témoignage paru dans la revue « Eglise de Bayeux et Lisieux » N°10 du 15 mai 1994.

 

L'OASIS DE CAEN DANS LA TOURMENTE ET A L'ACTION: QUELQUES DATES

 

1940 : Sur la demande de Monsieur le Préfet (Henry Graux ), ouverture d'un "fourneau économique" pour venir en aide aux familles "nécessiteuses". Des centaines de repas sont servis chaque jour. Quatre mille réfugiés s'y succèdent.

Note de MLQ: le 10 juillet 1940: Création de quatre fourneaux économiques: un au restaurant Richard, 3 rue Buquet; un second à l'Oasis, 3 rue des Jacobins; le troisième au dispensaire de la Miséricorde 20 rue Nationale et enfin le dernier, 48 rue Neuve Saint-Jean.

Localisation de la Sainte Famille: rues des Jacobins et de l'Oratoire.

Sourcen°3 rue des Jacobins devant le  le porche  et la cour d'honneur de la "Maison d'accueil l'Oasis pour jeunes filles" dans l'hôtel de Bernières tenue par les Sœurs de la Sainte Famille de Douvres La Délivrande, institution pour jeunes filles seules et nécessitantes, repas du midi et du soir avec un dortoir.

1944 : Le 6 Juin à 13 h 30 :

Les bombardements qui accompagnent le débarquement anéantissent la maison. Les religieuses se réfugient au Bon Sauveur, et y soignent les blessés jour et nuit.

 

1944 : Le 15 juillet

Les religieuses repartent à DOUVRES, à la maison-mère pour un repos mérité.

 Source. La communauté de la Sainte Famille à Douvres La Délivrande

1944 : Le 17 Août:

Réinstallation provisoire dans une maison amie, et à l'école Notre-Dame.(Institution Sainte Marie voir carte ci-dessus)

Premier repas: 8 convives dont un soldat canadien.

1944 : Le 11 Octobre :

Sur la demande de la Mairie et de la Préfecture, réouverture dans les ruines et début de la cantine "Messieurs" destinée notamment aux premiers ouvriers de la reconstruction.

1953 : Le 11 Novembre:

Pose de la première pierre des futurs bâtiments à leur emplacement actuel.

1957 : Le 24 Février:

Inauguration officielle de l'OASIS.

Source. L'Oasis reconstruit. De nos jours 18 rue de l'Oratoire.

1962 : Le 21 Octobre:      

Les services rendus par l'OASIS pendant la guerre et l'après-guerre sont officiellement reconnus.

Mère POUPET Supérieure pendant toute cette époque est faite Chevalier de la Légion d'Honneur.

RAPPORT DE R. MÈRE POUPET - CAEN 1944.

La vie des œuvres est en pleine apogée! ...

Chaque année, une quarantaine d'enfants: "délaissés", "retardés", font leur Première Communion.

Une centaine de servantes se groupent chaque dimanche, avec des activités aussi variées qu'intéressantes.

Et comme conséquence de la guerre qui supprime tout internat dans notre région, l'OASIS est rempli totalement « d’étudiantes" de tous degrés et de toutes régions, surtout de l'Est. Milieu spécialement propice à la réflexion, d'où apostolat plus fructueux pendant ces années d'occupation. Et par suite des nombreuses alertes et des souffrances vécues ensemble, vie de famille, plus intense encore ...

Pendant toute cette période, une nouvelle œuvre prend naissance: "l'Œuvre de la paillasse". Elle fonctionne à grand rendement. .. Chaque soir 8, 10 personnes, des familles entières, envoyées par la gare, la police, des passants, sonnent à toute heure ! ... La maison étant déjà trop pleine, un seul recours: des paillasses partout: parloirs, couloirs, restaurant!!

Pendant ces années d'occupation, environ 500 jeunes filles prennent leurs repas dans notre restaurant féminin et 4 000 réfugiés se succèdent chez nous pendant l'exode.

Parallèlement, dans nos "Salles d'Œuvres" fonctionne le "Fourneau Economique" très apprécié - Des centaines de repas y sont distribués chaque jour, pris sur place ou emportés par des clients de toutes catégories, depuis certains magistrats, jusqu'aux mendiants du coin de la rue ! ... Le ravitaillement est si difficile !

. .. Mais le débarquement attendu et si redouté se passe tout près de nous !!

Le 6 juin, après une nuit révélatrice, des bombardements continuels rasent notre ville en faisant des milliers de victimes ! ... jours et nuits inoubliables! Un véritable enfer sur nos têtes ...

"Archives départementales du Calvados". L'institution de la Sainte-Famille et "L'Oasis" détruits, rue de l'Oratoire.

Au premier plan à droite le N°3 de la rue des Jacobins, l'Oasis; devant le bâtiment du journal "Ouest-Eclair" Bd des Alliés et la flèche de l'église Saint Sauveur.

Nous partons toutes nous réfugier à la Communauté du Bon Sauveur, sous les bombes ... Plusieurs fois, nous échappons "miraculeusement" à la mort ! ... Nous y séjournons 5 semaines, soignant les blessés nuit et jour! Nous sommes en plein champ de bataille, couchant par terre tout habillées - lorsque le danger est plus intense, nous recevons l'absolution générale.

Puis, c'est l'angoissante crainte du manque de ravitaillement d'eau, d'encerclement. .. On exige alors que nous partions de suite sur les routes ... malgré le danger très réel d'être tuées - Nuit de prières intenses, allant jusqu'au sacrifice de nos vies ... et, le lendemain ... nous pouvions rester sur place.

Enfin, le 9 juillet, les Canadiens délivrent la ville, mais les bombardements ennemis redoublent.

Une fois la ville libérée, Monseigneur (Picaud évêque du diocèse de Bayeux et Lisieux) vient visiter les éprouves (plus de 8 000 réfugiés au Bon Sauveur) et demande 2 de nos religieuses pour s'occuper des prisonniers dits "Collaborateurs" à Tourlaville, dans un camp "militaire".
Elles sont entourées de barbelés - règlement de caserne, couchent par terre sur des paillasses remplies de vermine - Cela a duré 9 mois !!! Mais, un bien réel s'est fait.

Le 15 juillet, les nerfs à bout de force, nous repartons à la Maison Mère pour un repos, une détente d'un mois.

Mais la Préfecture et la Mairie font revenir 6 sœurs à Caen, pour nourrir les employés indispensables à la ville - A cause des épidémies, personne d'autre n'est autorisé à revenir.

Mais, où s'installer, où loger? Problème bien difficile et angoissant - vie de nomades !!! Après maintes démarches infructueuses, nous logeons dans une maison abandonnée, délabrée, livrée à tous les vents.

Et nous ouvrons notre cantine dans une salle de classe ... mais, sans lumière, sans eau. Nous commençons avec 8 convives, y compris un soldat canadien et un ouvrier - ambiance familiale des plus sympathiques.

Peu à peu, notre Communauté grandit, nous sommes 11 sœurs, et les convives sont plus nombreux : nous en comptons 150 !! La pluie tombe sans cesse, la vaisselle se fait dans la cour, l'hiver s'annonce. Nous cherchons un autre local plus grand, mais où ??

Le 11 octobre, le terrain de notre ancienne Communauté est un peu déblayé de ses ruines, nous sommes enfin autorisées à y revenir. .. ce n'est pas sans danger, les pans de murs s'effondrent sans cesse - il nous faut surveiller de près.

Toujours aucune cantine en ville!. .. C'est ainsi que nous sommes obligées de répondre favorablement à un appel pressant des autorités municipales : accepter quelques messieurs ... Il en vient 30 tout d'abord !!! Là, se côtoient Conseiller de Préfecture, Président du Tribunal, Professeurs, etc... Et, bien vite, se joignent à eux des centaines de déblayeurs, bien sympathiques Bretons pour la plupart.

La Providence semble avoir tout préparé pour cette œuvre. Il ne restait de notre chère et vieille maison que la chapelle où il pleut partout, tellement elle est mutilée, la cuisine, le fourneau, 2 salles, et 3 pans de murs qui, recouverts sommairement par notre aumônier remarquable bricoleur, deviennent les salles de notre cantine ! ...

Source. La chapelle avant les bombardements et après.

Les convives deviennent si nombreux qu'ils prennent leurs repas partout, dehors, malgré la neige, le gel, la pluie qui ne cesse que 8 jours pendant les 7 mois !!! Les caisses, les bancs mutilés, les pierres, tout sert de "table" pour ces mille repas de chaque jour ! l! Et quelle queue interminable de sinistrés qui viennent chercher des repas tout préparés, parce que privés de fourneaux.

Pendant ce temps, 5 sœurs couchent dans les ruines, sans portes, ni fenêtres, en plein courant d'air, isolées de tous ! ... Plus d'escalier, une échelle le remplace.

Le 30 novembre, alors que fa pauvre chapelle est, de nouveau un peu habitable, un cyclone écrase le chœur et le haut de la nef - en 2 minutes, c'est fait - Protection merveilleuse : 2 minutes avant, 5 sœurs étaient à cette place sinistrée !

L'hiver est terriblement dur ! La vaisselle est faite dehors avec de l'eau chauffée sur un feu de camp, en plein gel, au milieu des ruines ... et des rats ! ...

Une soeur dans les ruines del'Oasis, l'Oasis sous la neige.

Mais la JOIE, notre FIDELE COMPAGNE, nous aide beaucoup - Nous sommes maintenant 20 sœurs - Pendant 5 mois nous avons pour tout éclairage des mèches noyées dans la graisse fondue.

Le problème de l'eau se pose également, il faut aller, plusieurs fois chaque jour, en chercher à 500 mètres, dans un tonneau juché sur une brouette.

Nous constatons, avec évidence, que la pauvreté est source de joies profondes ... elle libère! C'est la "BELLE EPOQUE"

Du fait de notre pauvre installation, la ville nous donne les 2 premières baraques - bien peu confortables, mais c'est un toit. .. souvent percé, il est vrai.

En mai 1945, Mère Poupet a enfin une cabine de bain de mer au milieu de la cour d'entrée. C'est son bureau un peu froid, mais la porte est ouverte à tous! Situation idéale pour une Supérieure.

En quelques mois, 8 baraques sont posées pour former Communauté et maison d'œuvres ... peu banale - genre "village nègre" ou "Arche de Noé" sans chauffage, par crainte d'incendies.

Les vols sont fréquents, mais, quoi d'étonnant à cela ... puisque tout est ouvert à tous !

... Pendant 12 ans, dans cette installation de bohème, l'Oasis a repris sa vie d'autrefois, avec toutes ses œuvres : Catéchismes et Baptêmes d'adultes, réhabilitations de mariages, maison d'accueil pour jeunes filles, 10 sœurs sont Educatrices Paroissiales, secondant le Curé de la paroisse ... etc ...

Avec la "Cantine Ouvrière", le grand problème social et religieux, dans ce milieu si difficile à atteindre reçoit un "témoignage" et une lumière car il faut arriver à

"SE CONNAITRE POUR S'AIMER,
ET S'AIMER POUR SE CONNAITRE"

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