LE SERMON DU COLONEL HOPE
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Dimanche 9 juillet 1944 2 h du matin
Le régiment avait été placé en appui direct du bataillon
canadien, des «Stormont
Dundas and Glengarry Highlanders », pour les opérations
qui devaient conduire à la libération de la ville de Caen. Comme tels, nous
fournissions l'appui direct d'artillerie à ce bataillon. Au cours de la bataille
du 8 juillet, au cours de laquelle les « Glens » capturèrent
Gruchy et le
Château Saint-Louet
aux troupes de la
12 Division Blindée SS « Jeunesse Hitlérienne »
.
Après toute une journée de combats au cours de laquelle deux compagnies des "Glens" subirent de très lourdes pertes, ce commandant du bataillon
(Note de MLQ: le lt-colonel G.H. ChristiansenNotre 191st (Herts and Essex
Yeomanry) Field Regt.RA
(
7 h 30: le grand départ
Cependant, le 9 juillet à 7 h 30 du matin, nous démarrions le capitaine (à l'époque) Joë Pearson et moi-même, avec le chef des « Glens » derrière la compagnie de tête, en espérant que nos postes de radio allaient maintenir la liaison à mesure que nous avancions.
Dès que les premières habitations de l'agglomération furent atteintes sur la grande route, l'avance ralenti considérablement car chaque maison était systématiquement fouillée, à la recherche de tireurs isolés ennemis.
Voyant cela, Joë (commandant la 532nd Battery du Regt) et moi-même abandonnâmes nos Jeeps et véhicules de transmissions pour poursuivre à pied avec la section de tête. Afin d'accélérer l'avance je retournais chercher une auto-blindée que je ramenais avec la section pour l'appuyer et lui donner confiance. L'avance accéléra de fait, et bientôt nous rencontrions un civil qui m'informa de la présence d'une barricade allemande à 400 mètres en avant. En atteignant un léger virage, je pus vérifier la présence de la barricade à 300 mètres devant, avec 10-12 Allemands se tenant autour. Joë ramena l'auto-blindée, jusqu'au coin de la rue pour tirer une longue rafale de sa mitrailleuse, qui fit disparaître l'ennemi à l'abri en un instant. Joë et moi avançâmes le long des murs des maisons, chacun à son tour surveillant à la jumelle tandis que l'autre faisait un bond de 20-30 mètres. La voiture puis l'infanterie suivaient lentement à 100 mètres derrière.
Alors que nous n'étions plus qu'à 80 mètres de l'obstacle, 3 Allemands jaillirent d'une porte sur le trottoir pour s'enfuir. Je leur expédiai le contenu du chargeur de ma mitraillette, tandis que Joë leur tirait quelques coups de révolver sans autre effet que de les mettre rapidement hors de vue. Nous n'étions plus alors qu'à 20 mètres du poste allemand et faisions signe aux Canadiens de nous rejoindre quand une mitrailleuse allemande nous précipita vers le premier abri venu, chacun dans une encoignure de porte, terriblement peu profonde, laissant apparaître un peu de nous-mêmes. Je continuai d'engager l'auto-blindée, à tirer mais celle-ci venant accidentellement de toucher un de nos hommes, hésitais à ouvrir le feu à nouveau. Finalement, l'Allemand ne repéra pas nos « émergences » sur les pas de portes, où il était peut-être mauvais tireur. Dès qu'il cessa son tir, notre blindé reprit le sien, réduisant au silence notre adversaire.
Blindés sans infanterie
Je retournais aussitôt en arrière pour récupérer ma jeep, qui suivait toujours à distance afin de récupérer le blessé et en revenant, je réalisai que l'infanterie avait reculé, laissant Joë dans son inconfortable encadrement de porte, avec quelques coups de feu, l'encadrant sporadiquement. Ils avaient reçu l'ordre radio de la faire, et apercevant 5 chars à 400 mètres en arrière, je courais vers eux, grimpais derrière la tourelle du premier et demandais à son chef d'avancer pour liquider la résistance ennemie. J'essayais de lui expliquer de ne pas tirer du côté de la rue ou Joë s'abritait, mais il ne sembla pas comprendre et déclencha un rugissement de mitrailleuses sur les portes et fenêtres tout en progressant. Je dus le cogner sur son casque avec la crosse de mon arme pour attirer son attention à travers le bruit et l'arrêter. Dès que le char arriva à sa hauteur, Joë sortit prudemment. Très calme et semble-t-il moins inquiet que moi de son sort !
Les 5 chars décidèrent de continuer seuls leur progression
Vers la ville, l'un derrière l'autre, tirant follement sur rien de précis, le long des rues qu'ils descendaient, s'arrêtant de temps à autre pour tirer au canon de 75. L'infanterie avait décidé de prendre une autre direction que la nôtre, et je dis à Joë qu'il n'était pas prudent que les blindés progressent sans infanterie. Joë répondit : « Servons-leur d'infanterie » et nous descendîmes du char d'un commun accord, pour continuer à pied avec les blindés.
Ce n'était pas un travail satisfaisant car ils allaient lentement, s'arrêtant constamment pour tirer. Il fallait être au niveau du char de tête pour voir sur quoi il tirait et quand on y était, les autres derrière tiraient dans les fenêtres de chaque côté de la rue, nous précipitant des déluges de débris sur la tête et surtout tout cela faisait beaucoup de bruit...
Aussi, nous décidâmes de quitter les chars et de prendre une direction de nous-mêmes, vers le Centre de la Ville. Un habitant rencontré nous apprit que 2 000 personnes avaient trouvé refuge depuis un mois à la Cathédrale St-Étienne, et nous en prîmes la direction pour avertir la population de rester là et que leur libération était imminente.
Nous avons découvert l'endroit bondé de réfugiés, qui nous reçurent tumultueusement, nous prenant le bras, nous serrant les mains, jusqu'à ce que nous arrivions à atteindre la chaire pour faire le petit discours leur apprenant la libération et leur demandant de ne pas encore sortir dans les rues, tout pendant que les Canadiens ne seraient pas là et que la fusillade aurait totalement cessé.
Note de MLQ: ce que ne dit pas le colonel Hope, c'est que son intervention lui vaut une énergique protestation de l'abbé Lenormand, qui craignant une représailles allemande, lui intime l'ordre: "soit de se taire, soit de partir !" (témoignage de l'abbé Lenormand, TO 349, Mémorial de Caen)
Nous quittions la Cathédrale après d'autres mercis, et la
promesse de se revoir, pour nous diriger toujours tout droit vers l'Est, pour
atteindre la 3°division britannique(3rd
Infantry Division) et leur confirmer la réussite des Canadiens dans le
quartier nord-ouest de la Ville, et le peu de résistance ennemie.
Nous avons récupéré je ne sais plus comment nos 2 jeeps, les motocyclistes de liaison et le half-track de transmission, et nous traversâmes la ville avec un guide de la « résistance française » qui nous permit d'atteindre les Anglais autour de l'Église St-Pierre dont la flèche dû clocher était abattue.
La jonction anglo-canadienne (
Note de MLQ: contestée, très curieusement, par le lieutenant Reginald R Dixon,Après d'autres poignées de mains, nous fîmes mutuellement nos rapports par radio de la jonction anglo-canadienne, dans le centre de Caen, sans grosses difficultés de la part des Allemands un peu plus à cause des obstructions et des ruines. De nombreux soldats en civil de forces françaises, de résistance nous entouraient, ardents de continuer le combat à nos côtés. De grandes discussions s'engageaient déjà sur la façon de la poursuivre, et sur l'avenir. Nous laissions là cette compagnie, Joë partit en moto avec un résistant sur le tander vers la rivière Orne pour reconnaître les passages encore possibles et je partais moi-même en jeep en compagnie d'un autre ardent chasseur de Boche vers une autre direction. Nous étions tous deux « armés jusqu'aux dents » et j'étais assez conscient du ridicule de cette situation devant la population pacifique qui sortait de ses abris et nous acclamait, lançant parfois des fleurs sur notre passage.
En se rapprochant de St-Étienne, où les Canadiens étaient arrivés en nombre, toujours en compagnie de mon ami français « j'empruntais » un char canadien, pour aller reconnaître les quartiers Sud-ouest de la Ville. Après une demi-heure de promenade de rue, il était clair au désappointement de mon jeune résistant, que les Allemands avaient évacués l'Ouest de la ville et j'en fis le rapport à la brigade après avoir contacté le commandant des « Glens » chargé du nettoyage de ce secteur.
Pensant que j'avais eu une matinée suffisamment chargée comme cela et que je me devais à mon travail d'artilleur, oublié pour un temps, ma jeep me ramena à la base quelques kilomètres au nord-ouest de Caen, où je constatais que le régiment avait finalement reçu mon ordre de marche et se trouvait maintenant par coïncidence à l'endroit même qui avait été choisi pour « le jour J + 3 » c'est-à-dire avec exactement un mois de retard.
Source: 39-45 Magazine N°3 avec l'aimable autorisation des Editions Heimdal.
Dans ce livre une autre version:
Impatient, le lieutenant-colonel Maurice Hope
quitte le PC mobile des Glens en compagnie du commandant Joe Pearson, ne
trouvant pas l'allure de la progression à son goût. Il choisit d'oublier sa
responsabilité de "patron" du 191st Field Regt "Herts and Essex Yeomanrv" pour
écouter le grand-chef scout qu'il est chez lui, dans son comté d'Angleterre, et
décide de "
Source. Ce portail est au 71 rue de Bayeux.
Hope est en arrière et fait signe au Dingo et aux Glens
d'avancer. La réponse vient dans une longue rafale du Bren-gun qui,
maladroitement, s'achève dans le trottoir de droite à 50 mètres, et blesse le
Lieutenant J. Dure
au pied. C'en est trop pour Jack Stothart
qui arrache
son casque et le flanque par terre de rage, et réexpédie ipso-facto le Dingo
vers son unité, lequel ne se le fait pas dire deux fois. Désolé par cet incident
mais désireux de dégager son adjoint de la situation critique où il se trouve,
le colonel Hope traverse la Dog Coy sans prêter attention aux commentaires peu
flatteurs à son égard et grimpe sur le premier des
Sherman
des
Sherbrooke Fusiliers Rgt (27th Armoured Rgt )
,
qu'il obtient de faire avancer vers l'obstacle. La question est réglée en moins
de trois minutes, une demi-douzaine de Waffen-SS détale vers
Saint-Etienne en abandonnant armes et bagages, une Jeep ambulance vient
chercher J. Dure que des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul (la
communauté était au 59 rue de Bayeux)
sont en train de soigner,
rue Neuve Bourg l’Abbé.