Mme Trolong, enseignante:

    "Le 7 juin, après une nuit passée sous la tente dans la campagne, je gagnais avec ma famille la ferme des de Coonan,(Note de MLQ: orthographié aussi de Cooman) située à l'extrémité de la rue des Jardins.

Quartier Nord-ouest de Caen

    Dans les communs construits en plein roc, les fermiers, des Belges très accueillants, hébergeaient déjà une centaine de réfugiés de Caen et il en arrivait sans cesse. Nous fûmes bientôt 200, ne sachant pour combien de temps nous allions nous trouver réunis. Il était urgent d'organiser la vie en commun car si dès le début certains possédaient encore quelques réserves alimentaires sauvées de leurs maisons, ces réserves ne durèrent pas longtemps et d'autres complètement sinistrés n'avaient aucune ressource.

    Le ravitaillement se fait grâce à l'aide d'un boulanger qui fournit de la farine; un charcutier donne de la viande, et on récupère pommes de terre et légumes verts dans les jardins pour faire de la soupe. Sur place les fermiers donnent tout le lait aux réfugiés après en avoir prélevé la quantité nécessaire pour les bébés. La ration est de 150 g de pain par jour. Par le Service du ravitaillement, le petit groupe obtient des biscuits caséinés qui sont donnés aux enfants. Ensuite j'établis le plan de travail en spécifiant que seuls les hommes sortiraient de la ferme et feraient les corvées. Les femmes devaient s'occuper des enfants et veiller à leur sécurité (les grosses pièces allemandes étaient dans les champs et tous les jours la cour de la ferme était arrosée d'obus).

 Les hommes vont donc au ravitaillement du Secours national et à la Défense passive pour avoir des conserves, du lait condensé, et des produits pharmaceutiques. Je composais des équipes pour le travail journalier . 6 hommes pour la corvée d'eau.  On utilise aussi les stocks des épiceries sinistrées et un entrepositaire fournit du vin et un tonneau de cidre. Si les Allemands ne nous avaient pas forcés à évacuer, nous pouvions tenir encore 3 semaines en n'achetant que le pain et la viande.

Nous disposions de 3 abris en plein roc, une dizaine de mètres d'épaisseur, pouvant abriter au plus une cinquantaine de personnes. Ils furent réservés aux mamans avec leurs bébés, aux enfants et aux personnes âgées. Tous les autres, nous couchions au pied des rochers, sur de la paille généreusement et abondamment fournie par les fermiers. La nuit une équipe de 3 hommes montait la garde et, dès qu'un bombardement s'annonçait, donnait le signal du repli vers les abris. Tous les occupants se levaient et se tassaient pour que tous les autres puissent rentrer. Les conditions sanitaires sont également l'objet de sollicitude . Une des lessiveuses permettait les bains de pied prolongés: beaucoup de femmes qui dormaient assises dans des abris trop petits avaient les chevilles énormes et douloureuses. Il faut maintenir l'ordre et la propreté dans cet espace trop petit; il faut aussi occuper les enfants, les faire jouer. Mais au bout de 3 semaines, sur ordre, les abris sont évacués et récupérés par les Allemands.

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Source: page 105 de , document établi en décembre 1944.

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