Michel Le Querrec

Marié, un fils et deux petits-enfants. Retraité de l'industrie papetière.

Je suis né à Caen (Calvados) le 5 novembre 1941 au N° 9 de la rue Sainte Anne.

Source. Localisation, en bleu le Sépulcre.

Cette maison qui appartenait à ma grand-mère maternelle a disparu sous le premier grand bombardement du 6 juin 1944 à13H30.

Soure: Collection R. Tesnière. La rue Saint Anne n'est pas encore déblayée, le N°9 est le tas de ruines à droite, en arrière-plan le Sépulcre. De nos jours.

Source. Rue Sainte Anne, les maisons bombardées: le 12 et en face le 13, le 11, le 9 et le 7. Date fin 1944.

Depuis le matin du 6 juin la famille (mes parents, ma grand-mère et moi) étions dans l'abri souterrain de la Place du Sépulcre. Nous étions devenus selon la classification de l'époque des "sinistrés totaux".

Nous en sommes sortis le 13 juillet, direction Bayeux dans des bennes de ramassage des ordures ménagères de la ville.

Entre temps nous avions eu la joie d'être libérés le matin du dimanche 9 juillet, certainement par des soldats Irlandais du 2nd Royal Ulster Rifles (RUR), ou par des Ecossais du 1st King’s Own Scottish Borderers (KOSB),  9th Brigade, 3rd Infantry Division .

Après une villégiature à Bayeux et dans une ferme à Arganchy, retour à Caen, en septembre, au N° 35 rue des Rosiers à la "Villa Suzanne"  (voir ci-dessous) avec un ordre de réquisition pour deux pièces au rez-de-chaussée et "droit à la cuisine".

Source. La villa "Suzanne" avec son jardin tel que je ne l'ai jamais connu !

Retour favorisé par le travail de mon père aux Ets Dumont et Jaussaud, grossiste en épicerie 135 rue Saint-Jean.

Photos Delcampe. Les Ets Dumont & Jaussaud au 135 rue Saint Jean près de l'église Saint Jean.

Les autres membres de ma famille :

Ma grand-mère paternelle, mon oncle Roger, mon oncle Robert avec sa femme et mes deux cousins Yves et Jacky qui habitaient tous rue des Rosiers étaient au Bon Sauveur depuis le 6 juin.

Quant à mon grand-père paternel, il était employé chez le déménageur Blochon et était parti le lundi 5 juin faire un déménagement à Cherbourg. Le matin du 6 réveillé par les bombardements, il constate que des Allemands vidaient le camion et malgré ses protestations sont partis avec. Ne voulant pas rester à Cherbourg, il a pris la route à pied avec ses compagnons et en fin de semaine ils se sont retrouvés sans trop de mal en zone libérée par les Américains. Pour manger ils allaient dans des fermes où ils travaillaient quelques jours, couchaient dans les granges et avançaient en suivant les Alliés.

Le 7 juillet au soir, il a assisté de Basly au grand bombardement de Caen persuadé qu’il ne reverrait jamais sa famille. Il est rentré à Caen avec les Anglais retrouvant tous les siens sains et saufs !

Mon grand-oncle Arsène avec sa famille qui habitaient au Clos Herbert, avenue Georges Clemenceau,  étaient réfugiés à l’hospice Saint-Louis. Après la libération du 9 juillet, ils furent transférés à Saint Etienne où il perdit une jambe le 14 juillet par la chute de pierres de la nef.

Ancien de St Jo (1949-1961)

J'ai quitté Caen en 1961 pour les études ensuite le service militaire puis la vie professionnelle et maintenant la retraite.

Sentimentalement, Caen est "ma ville" mes grands-parents et mes parents y sont morts et enterrés, mes deux sœurs y vivent toujours.

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Manuscrit inédit de ma mère :

« La villa Suzanne (treize pièces sur deux étages) appartenait à Mme Suzanne Dumont (la patronne de mon père) elle a été attribuée à 5 familles (15 personnes) dont Mme Douin et ses deux enfants. Son mari, Robert Douin  un grand résistant était en prison à Caen et il a fait partie des 90 fusillés que les allemands ont tué avant de partir*.

Dans la maison nous avons trouvé : deux lits, une armoire, la cuisine avait des placards avec une grande table et des chaises. Les parents (mes grands-parents paternels) nous ont prêté des draps, des couvertures, des casseroles, assiettes, etc… Le plus moche c’était l’absence de carreaux et en septembre il fallait penser à l’hiver. Il fallait faire la queue pendant des heures pour avoir du Vitrex qui avec la pluie se détendait et quand il y avait du vent la nuit ce n’était pas marrant. Après nous avons eu du Vitrex armé qui était plus résistant.

Evidemment pas de gaz, pas d’électricité, nous nous éclairions au pétrole. Il fallait aussi aller à la distribution d’eau potable, pour notre quartier la citerne restait rue du XX è siècle. La seule pièce avec du chauffage était la cuisine grâce à une cuisinière; nous avons eu l'électricité pour Noël.»

La villa "Suzanne" rue des Rosiers et la rue du XXème Siècle.

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