RESISTANCE

SOURCES: Collection Résistance et Mémoire

John Hopper (1912-1991)

 

Né en Angleterre en 1912, Hopper vit en France depuis l'âge de douze ans. En 1940, il tient un commerce de postes de radio et de matériel électrique 60 rue de Geôle, à Caen, qu'il cesse d'exploiter après l'invasion allemande.

Bien qu'on en ait jamais eu la preuve formelle, il est très vraisemblable qu'il appartenait à l'Intelligence Service. Dès l'automne 1940, il rassemble autour de lui une dizaine d'hommes prêts à lutter contre l'occupant, dont certains sont liés à l'Armée des Volontaires, mouvement de Résistance implanté dans le Calvados depuis l'automne 1940 : à Caen, l'opticien Paul Zaessinger , Marcel Bidault, Roger Lacour ( 16 ans en 1940, mécanicien - Organisation : Armée des Volontaires - Domicile : Cheux. Il est arrêté à Caen, par la police allemande, le 19 septembre 1943 pour marché noir et falsification d'identité. Déporté en Allemagne le 7 janvier 1944, il est interné à la prison de Francfort. Condamné à un an et trois mois de détention, il est libéré en mars 1945 et placé au travail dans l'entreprise IG Farben. Il rentre en France en juin de la même année) et le jeune Roger Mouchel ; à Villerville, un petit groupe composé du cafetier Louis Maussant (38 ans en 1940 Organisation : Armée des Volontaires - Domicile : Villerville), de l'instituteur Joseph Blanchard (45 ans en 1940) et du curé du lieu, l'abbé Jean Daligault (41 ans en 1940).

Pendant plusieurs mois, les exploits de Hopper ne vont cesser de défrayer la chronique locale. Le premier qu'on lui prête est d'avoir, vêtu d'un uniforme britannique, déposé une gerbe au Monument aux Morts de Caen le 11 novembre 1940 ; acte qu'il aurait réitéré le 14 juillet suivant.

" La bande à Hopper", comme la surnomment alors ses détracteurs, s'illustre par une série de vols et de cambriolages (vêtements, machines à écrire, automobiles...), autant d'actes présentés par la police et la presse comme de vulgaires délits de droit commun. De là, sans doute, l'image contrastée de John Hopper dans l'opinion, hier comme aujourd'hui encore : authentique héros de la Résistance ou vulgaire malfaiteur ?

Dans la nuit du 28 au 29 mai 1941, un petit commando, commandé par Hopper en personne, sabote une trentaine de motos de la Wehrmacht entreposées dans un garage de la rue Robillard, cantonnement de la 323.ID. Quoiqu'il en soit, la police est sur les dents. NB: Jacques Ruffin page 41 situe le garage rue de Falaise et date ce sabotage en février 1941, idem dans ce livre page 102 ! et Boulevard Lyautey dans un article du "Journal de Normandie" du 5 août 1941.(des roues de motos seront retrouvées dans un garage de la rue du Gaillon)

L'enquete est confiée au Höheren Kommandostab LX de Saint-Lô du Gruppe G.F.P. 131.

Le 27 juillet 1941, Hopper se débarrasse de l'inspecteur Bénard , qui venait de l'interpeller au volant de sa voiture (une Citroën volée à M. Joseph Poirier , 3e adjoint du maire de Caen) en le blessant d'une balle dans la tête. Le 1er août, il échappe à une souricière tendue rue du Gaillon et parvient à se sauver après avoir abattu le chef de la sûreté, l'inspecteur Morin , qui décédera le lendemain. Quatre jours plus tard, il échappe de nouveau à la police, rue du Pont-Créon. Selon Thierry Leprévost dans ce livre ,page 110, avec la complicité des inspecteurs de police de Rouen: Costes, Déterville et Frébourg.

Lire article d'Ouest-Eclair du 5 août 1941.

Article du Journal de Normandie du 8 août 1941

Après les événements que nous avons relatés hier, la question reste entière. En effet, le bandit aurait été rencontré mercredi, dans la soirée, exactement à 19 h. 15, à Trouville, rue des  Frémonts par une jeune fille, âgée de 16 ans, demeurant à Deauville, Mlle L... qui donnait en même temps le signalement de l'individu. Ce dernier conduisait une bicyclette usagée et avait les yeux hagards, ajoutait l'indicatrice. Cette personne eut certainement de bonne foi. Mais n'est-ce pas en présence de cette obsession dont nous avons parlé et qui fait que, les gens croient maintenant voir le bandit partout.

Néanmoins le « tuyau » a dû être vérifié certainement. D'ailleurs nous  croyons savoir que les policiers, n'ont pas quitté la région trouvillaise où les recherches continuent. Fausse alerte. A ce sujet nous devons signaler l'aventure survenue, hier matin, à deux inspecteurs de la 3° brigade de police mobile qui « travaillaient » du côté de Varaville. Les deux policiers savaient qu'il existait dans cette région une maison assez délabrée que les beaux‑parents de Hopper, les époux Le Guilloux, avaient habitée naguère, Qui sait si le bandit ne s'était pas réfugié là ? Aussitôt, ils s'y rendirent et fouillèrent minutieusement toutes les pièces, avec, bien entendu, les précautions qu'exigeait l'arrestation éventuelle d'un bandit de la trempe de Hopper. Mais la visite ne don­nait rien et ils se disposaient à se retirer lorsque leur attention fut attirée par un bruit suspect provenant d'un local où ils n'avaient pas pénétré, étant donné son exiguïté. Ils  v pénétrèrent revolver au poing, lorsqu'ils aperçurent dans le noir -le réduit n'avait pas de jour- le corps d’un homme étendu sur une paillasse et dont le signalement correspondait à celui du gangster. La sommation  « haut les mains » jaillit immédiatement. L'homme n'eut pas le temps de réagir. Effrayé, il s’exécuta en tremblant et quitta suis réduit sous la menace du revolver des policiers. Cc n’est qu'à ce moment que ceux-ci constatèrent qu'il  s’agissait d'une fausse alerte. Ils avaient tout  bonnement devant eux un clochard, ayant exercé vaguement la  profession de palefrenier et qui « logeait » de temps en temps à cet endroit.

Qu’est devenu Mouchet ?

Toute trace de ce jeune homme qui se trouvait dans l'automobile du criminel au moment de l’agression du brigadier Bénard  semblait avoir été perdue. Néanmoins, les enquêteurs ne se découragent pas dans leurs investigations qu'ils espèrent mener à bien.

L'enquête

La visite domiciliaire effectuée par le juge d'instruction Jacobsen, chez un industriel de Lébisey n'a donné rien d'intéressant et l'intéresse qui était gardé à vue depuis le début, a été remis en liberté. Disons cependant qu'au cours de cette perquisition, une certaine quantité de marchandise, du sucre no­tamment, a été découverte dissimulée clans les dépendances de son habitation. On croit qu'elle aurait été transportée là à l'insu de l'in­dustriel dont il s'agit. D'autres perquisitions ont été effectuées hier dans l'après-midi dans différents quartiers de notre ville. Les enquêteurs ont également interrogé plusieurs personnes. Mais toutes ces opérations n'ont donné aucun résultat appréciable. Enfin, on a procédé à certaines vérifications à Dives-sur-Mer.

L'état de santé du brigadier Bénard

Ajoutons, pour terminer, que l'état de santé du brigadier Bénard, dont nous avons fait prendre des nouvelles, s'est amélioré sensiblement et qu'à l'heure actuelle, il est aussi satisfaisant que possible.

          P. GIBERT

Article du Journal de Normandie du 9 août 1941

HOPPER avait-il des complices à la Préfecture ?

La préfecture Communique :

Lors des recherches effectuées au service des étrangers à la préfecture, en vue d’y retrouver la dernière fi­che signalétique de Hopper, il a été constaté que celle-ci, ainsi que le dossier de renouvellement de la carte, établi en 1939,  avaient été dérobée, bien que les locaux affectés à ce service soient en dehors des heures de présence du personnel, constamment fermés. Plainte contre inconnu a été, immédiatement déposée par M. le préfet entre les mains de M. le Procurer de la République, pour vol de documents administratifs. Des sanctions administratives ont été prises à l’égard de trois employés auxiliaires, qui ont négligé de signaler à leurs chefs en temps opportun certains faits dont ils avaient eu connaissance. L'un d'entre eux a été définitivement licencié.

Article du Journal de Normandie du 17 septembre 1941

A tous les coins de rues où les murs supportent l'affichage, deux grands portraits se détachaient hier soir sur une grande bande de papier blanc où voisinaient un texte français et un texte allemand. Des groupes compacts s'arrêtaient et étaient -on peut le dire- un peu étonnés de voir rebondir sous cette forme l'affaire Hopper. Mais, il est évident que le drame qui s'est joué à Caen, voici six semaines, a laissé dans tous les esprits un souvenir tel que ces affiches soudainement posées remuent sensiblement l'opinion publique.

Les deux grands portraits « en tête » sont ceux d'Hopper et de sa femme . Les textes, après avoir rappelé à quelle, dates et dans quelles conditions le sous-chef de la Sûreté Bénard fut grièvement blessé le 27 juillet et le chef de la Sûreté Morin assassiné le 1er août, à coups de revolver, mentionnent « qu'il a été établi que l'auteur était le sujet anglais Jean-Kennet Hopper, né le 25 mai 1912 à King’s-Lynn (comte de Norfolk) en Angleterre, profession : électricien, domicilié en dernier lieu à Mouen, à proximité de Caen. Ils rappellent également qu'il se faisait appeler Charles Couteret, et qu'il est disparu en compagnie de sa femme depuis le 1er août. Les affiches redonnent, ensuite le signalement que le Journal de Normandie à largement divulgué en temps utile. Mais elles ajoutent « Hopper serait habituellement vêtu d'un pull-over rouge brunâtre et d'un pantalon raye couleur foncé. Il est possible qu'il soit maintenant porteur de lunettes bleues à monture blanche, et d'une barbe mal soignée ». Enfin, une prime de 10.000 Fr. est offerte par les autorités françaises à qui permettra de découvrir le bandit qui on a tout lieu de croire se cache encore clans la région. De plus il est rappelé que Hopper étant sujet anglais, toute per­sonne convaincue de l'avoir caché ou aidé sous quelque forme que ce soit, est passible de la peine de mort en vertu tic la loi martiale. Les forces occupantes aideront aux recherches. En tout dernier lieu, et ceci est tris important, ne pas oublier que Hopper est porteur d'armes et dé­cidé à tout.

Article du Journal de Normandie du 17 octobre 1941

Vers 17 heures, deux gendarme des brigades de Caen effectuant une tournée de surveillance passaient à bicyclette rue du Carel lorsqu’ils croisèrent un cycliste dont l'allure leur parut suspects. Aussitôt ils mirent pied à terre et invitèrent l’individu à s'arrêter. Puis, comme celui-ci venait de s'exécuter, ils l'interrogèrent. Après avoir lancé un nom à peu près inintelligible, l’homme déclara qu’il habitait Crèvecœur et qu'il était venu à Caen pour y effectuer des achats. Mais ses réponses un peu embarrassées éveillèrent des soupçons, dans l’esprit des gendarmée qui voulurent voir sa carte d'identité. A ce moment, l'individu abandonnant son vélo, sauta sur celui d’un des gendarmes et s'enfuit. Ces derniers, sortant leurs pistolets ti­rèrent dans sa direction et, ils cru­rent même l'avoir touché car il s'affala sur le sol. Mais se relevant prestement il remonta en machine et disparut. Ajoutons que l'individu a protégé sa fuite en tirant sur les gendarmes entre les, mains desquels il a laissé sa bicyclette portant une plaque d'i­dentité au nom de C. Chapelle, à Saint-Sylvain (Calvados). Une pince monseigneur qu’il avait laissée tomber a été également recueillie. Cet incident a fait revivre durant quelques instants l’émotion que notre ville a connue il y a deux mois au moment où Hopper était traqué. Très rapidement, les patrouilles de police ce sont organisées et des bar­rages ont été établis. Souhaitons que l’individu sont il s’agit soit bientôt  arrêté quel qu'il soit car son attitude semble indiquer que l'on se trouve en pré­sence d'un malfaiteur dangereux.

Sa tête étant mise à prix sur une affiche placardée dans toute la région. Hopper quitte le Calvados en compagnie de sa femme. Paulette (Note de MLQ: Mme Hopper née Paulette Le Guilloux, photo présentée dans ce livre ), pour se réfugier à Paris auprès des dirigeants de l'Armée des Volontaires avec lesquels il va travailler désormais.

Moins heureux que leur chef, Mouchel, Maussant et l'abbé Daligault sont arrêtés en août 1941, ainsi que Germain et Madeleine Thomas, beau-frère et belle-sœur de Hopper, coupables de l'avoir hébergé à leur domicile, à Livry. Blanchard, quant à lui, quitte précipitamment Villerville, tandis que Maussant, qui avait été remis en liberté, en profite pour prendre le large. Mais le répit sera de courte durée : Maussant est repris en février 1942, Blanchard capturé à Paris le mois suivant et Paul Zaessinger appréhendé dans son magasin au mois de mai.

Tous les membres du groupe, à l'exception de Hopper lui-même, furent transférés en Allemagne en vertu de la procédure Nacht und Nebel, pour la plupart jugés par le tribunal du peuple de Trèves, en novembre 1943, et condamnés à mort ou à l'internement en camp de concentration. Aucun d'entre eux n'a survécu.

Le 8 mai 1942, victime d'un traître, Hopper est surpris par la police allemande dans un café près des Halles et ne se tire de ce mauvais pas qu'après un échange nourri de coups de feu. Lui-même n'est que légèrement atteint au bras, mais son épouse étant grièvement blessée, il décide de l'achever avant de prendre la fuite.

Hopper, revenu momentanément à Caen en juillet 1942, s'y illustre par un dernier exploit en commettant un spectaculaire hold-up, à la banque du Crédit Industriel de Normandie, et en emportant la coquette somme de 1 800 000 francs destinée à soutenir financièrement l'Armée des Volontaires.

Le 25 juillet 1942, il tombe stupidement aux mains de la police française à la station de métro de la Porte d'Orléans alors qu'il tentait de récupérer sa sacoche oubliée peu avant dans une rame, et dans laquelle un employé avait découvert armes et documents compromettants. La " bande à Hopper", est cette fois totalement démantelée.

Livré aux Allemands, Hopper sera déporté dans les camps de Mauthausen, Natzweiler puis Dachau où il sera libéré par les Alliés en 1945.

Après une longue période d'oubli, deux journalistes du quotidien Ouest-France retrouvèrent sa trace en 1966, en Angleterre, où il s'était reconverti en paisible producteur de champignons. Il ne leur fit guère de révélations fracassantes. Le mystérieux John Hopper est décédé en 1991 sans avoir livré tous ses secrets.

 Sources :

Archives de Jean Quellien

Article de Claude Doktor dans le N°192 de 39-45 Magazine, Heimdal Editions.

Courrier du docteur Claude Doktor du 21 janvier 2012 avec copie du courrier du GFP 131 du 12 juin 1941 (CDJC VIII a5)

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