Le journal d’une religieuse sur les tragiques journées de la Miséricorde pendant la bataille de Caen.

   Note de MLQ: Avant de lire ce témoignage, lire celui-ci relatant le départ des religieuses fuyant Caen.

     Arrivées à Caen, face au Lycée,

Façade du Lycée Malherbe

elles voient Mgr des Hameaux qu'elles trouvent bien vieilli. Puis M. Duruel les renseigne sur Bétharam (Note de MLQ:  aujourd'hui une maison de convalescence du CHU à Hérouville).

Bétharam à Hérouville

 Le pavillon central, salon, salle à manger, lingerie, sont habitables. Les chambres sont effondrées dans la cuisine. Il faudrait que deux Sœurs y aillent habiter. Linges, ornements, vases sacrés sont rapportés au Bon-Sauveur, mais il y a encore du linge et de l'argenterie à sauver. Trois Allemands sont enterrés dans le parc. Nos Sœurs sont stupéfaites de pouvoir parcourir toute la rue Saint-Jean d'un bout à l'autre ; elle a été refaite par les Anglais et des monceaux de pierres jetés des deux côtés, mais aucune rue latérale visible, seules quelques enseignes se balancent.

Source: photo présentée page 416 de ce livre. Un bulldozer Caterpillar D6 rue Saint Jean. N°344 soit la 1st Mechanical Equipment Coy du Royal Canadian Engineers (RCE).

Place Saint-Pierre, la statue de ce saint est restée intacte dans les décombres et semble montrer l'église Saint-Pierre bien abîmée. Nos Sœurs vont ainsi jusqu'à la Chapelle. Quel spectacle ! Ce sont les pierres de notre belle Chapelle qui servent à encaisser la route. (Note de MLQ: nouveau tracé d'une rue appelée Andy's Alley par les Alliés, la "rue sans nom" pour les Caennais)

Elles font le tour par le quai mais ne peuvent passer sur le Dispensaire et sont obligées d'aller jusque chez Drouet. Dans notre jardin, il y a eu un campement. Des soldats se sont battus. On trouve des objets tels que imperméables, cartouches, revolvers, etc., le petit chat de la Clinique reste seul au milieu des ruines. On a habité dans la Clinique.

     Seule, la maison de chant reste debout, un pan de mur de la Chapelle, la statue de Sainte Thérèse est pulvérisée. Le Sacré-Cœur est toujours la face contre terre. Saint Joseph est décapité. Notre-Dame de la Miséricorde était pulvérisée avant. Des bombes sont retombées du côté de la rue des Carmes.

"Archives départementales du Calvados". La rue des Carmes, dans le fond l'église Saint Jean.

 L'infirmerie est écroulée, l'escalier rempli de pierres près de l'Oratoire, la maison neuve, la cuisine sont lézardées, le réfectoire est dans la cuisine, l'allée en ciment est déplacée ; seules quelques fleurs poussent au milieu de ce désastre.

    Revenues au Bon-Sauveur, les Sœurs voulaient garder Sœurs Saint-E... et Saint-H..., mais les Sœurs doivent reprendre le camion de la Charité, elles arrivent cinq minutes après le départ. Un camion anglais les dépose à Carpiquet où elles attendront la complaisance d'un autre chauffeur anglais qui les mènera jusqu'à Bayeux, tard dans la nuit. Il faut faire comprendre au chauffeur qu'il doit s'arrêter. Sœur Saint-H... a du mal à parler anglais.

    Ce même jour, Notre Mère apprend par M. Duruel que Bétharram, malgré la cuisine et le réfectoire tombés, est encore habitable et qu'il faudrait y aller le plus vite possible.

    Nuit du 24 au 25 : (Note de MLQ : compte tenu du récit très certainement Juillet) Sœur Saint-M... qui avait quitté le Bon-Sauveur au début de juin, vient nous voir à Bayeux après avoir vécu ce mois dans les carrières de Fleury avec sa famille, M. le Curé de Fleury et un grand nombre de réfugiés. Seule à soigner les pauvres blessés, les malades : les carrières à 30 mètres sous terre étaient aménagées pour le mieux, de sorte qu'ils purent y vivre tout le temps que les Allemands refoulés hors de Caen se défendaient contre les Anglais qui arrosaient les carrières de bombes et d'obus.

Mardi 25 : Inhumation de notre Sœur de la Sainte-Famille à la Chapelle de l'Hôpital ; le corps est apporté à la Chapelle au chant du « Sulvenite » puis Messe basse célébrée par M. l'Abbé Surville, notre Aumônier, l'Absoute donnée par le Père Supérieur. MM. Guillaumé, Lénauld, Chatillori y assistent ainsi que les Sœurs de l'Hôpital, les Sœurs Oblates (de la clinique Saint Joseph au N°11 rue de l'Engannerie), bien du monde, entre autres le Docteur et Mme Martin. M. l'Aumônier conduit le corps au cimetière éloigné de la ville. Seules quatre Sœurs suivent. L'Administration des Hospices de Bayeux ne veut accepter aucune rémunération.

    Ce même jour, M. l'Aumônier fait une démarche auprès des Autorités anglaises pour obtenir l’autorisation d'aller à Port-en-Bessin à l'occasion d'un service à 10 heures, le surlendemain, célébré pour notre Sœur Sainte-Monique, une de nos petites Sœurs victimes du bombardement. Sa maman ayant écrit pour en informer la Communauté. Par occasion, Notre Mère risque un mot à Amayé et Orbec.

    Mercredi 26 : Retour à Bétharram de Sœur Saint-Jean-Baptiste et de Sœur Saint-Emilien par une ambulance canadienne. M. Duruel les attend au Bon-Sauveur. Mais une grande bataille anglaise qui dura deux jours les empêche de partir. Le même jour, l'équipe chirurgicale du Docteur Martin dont fait partie Sœur Saint-E... reprenant son service à Caen, en remplacement des Docteurs Guibé et Chapron, celle-ci repart à 14 heures, avec espoir entre temps de s'occuper du déblaiement de la Communauté.

    Sœur Sainte-G... rapporte des secours de Bayeux, une quantité de laine grise pour faire des bas.

    M. l'Aumônier vient donner la réponse ; il a un permis pour six personnes pour Port-en-Bessin.

    Jeudi 27 : Le Père Supérieur, M. l'Aumônier, Notre Mère et Sœur Saint-Jean-Baptiste (Sœur Sainte-G... ne peut partir faute de place), accompagnés d'un Aumônier Canadien, vont à Port-en-Bessin au service de notre petite Sœur Sainte-Monique. L'église est remplie car ils sont très estimés. Le catafalque est recouvert d'un drap blanc orné de roses et de lys. Ses parents, les Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul se tiennent derrière. Avant l'Absoute, le Père Supérieur dit un mot relatant l'acte héroïque que nos petites Sœurs ont fait en restant malgré le danger, au devoir à leur poste de charité près de leurs malades, leur communicant leur Foi, leur confiance, leur amour du Bon Dieu. Martyre de la Foi mais aussi de la Charité. Il termine en priant pour la Communauté pour les petites Sœurs parce que le martyr de la charité n'efface pas toutes les petites imperfections et pour les âmes consacrées Dieu demande une grande pureté.

    La Messe est célébrée par M. le Curé de Port ; M. l'Aumônier, diacre ; M. l'Abbé Dupont, cousin de notre petite Sœur, sous-diacre.

    Une délégation de l'Armée navale anglaise, commandant et colonel, y était. Après l'Office, chant du « Sponsa Christi » au lieu de « In Paradisum ».

    Lettre de Sœur Saint-Jean-Baptiste annonçant qu'elles sont restées au Bon-Sauveur, il y a des bombes sur la manutention et le triage au Bon-Sauveur.

    Vendredi 28 : Retour de Sœur Saint-M... dans une voiture de laitier.       

Note de MLQ:

-Il manque la suite…

-récit écrit à Bayeux.

Source: article de presse de 1966 (Merci à François Robinard)

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