LA MISERICORDE : LES PERTES LES PLUS LOURDES

 

La communauté de la Miséricorde a été fondée en 1844. Monsieur l’Abbé BEAUSSIRE, curé de Notre-Dame de Caen, durant son ministère, était frappé du délaissement moral et religieux dont souffraient beaucoup de familles aisées. Alors que les pauvres trouvaient à l'Hospice St-Louis et à l'Hôtel Dieu en même temps que les soins corporels, des secours religieux et assidus, les plus fortunés étaient privés de ces secours et de ce fait, mouraient parfois sans sacrements. Avec son vicaire, Monsieur l'Abbé AMELINE, ils conçurent le projet d'une communauté de Sœurs garde-malades restant au domicile du malade. Lançant un appel six jeunes ouvrières répondirent. Ainsi naquit la communauté de la Miséricorde. Les Sœurs de l'Hôtel Dieu les accueillirent pour les former à la vie religieuse et aux soins des malades. Le 9 mai 1844, elles quittaient l’Hôtel Dieu, la communauté était constituée. Au cours des années son rayon d'action s'étendit aux malades pauvres.

 

La communauté de la Miséricorde.

Mère Saint-Jean raconte:

 Le 6 juin 1944, notre activité s’exerçait à Caen au domicile du malade, à la clinique des Carmes (rue des Carmes), à la clinique du Sacré Cœur (Place Singer), au dispensaire (quai Vendeuvre) et dans une salle de la communauté réquisitionnée pour accueillir des  malades de l'hôpital occupé par les Allemands (service de chirurgie)(Note de MLQ; l'hôpital civil Clemenceau).

Source. Clinique de la Miséricorde

 

 

 

            Nous étions 140 religieuses novices et postulantes, 16 furent tuées (14 à Caen, 2 à Falaise).

            Les premières bombes tombèrent à 1 h 40 dans la nuit du 6 au 7 juin sur le dispensaire et la clinique du Sacré-Cœur, puis un peu plus tard sur la clinique des Carmes et la communauté ; là, il y eut des bombes incendiaires.

Lire les témoignages des infirmières de la Miséricorde

            Le dispensaire fut littéralement écrasé. Il n'y eut que 4 survivants qui furent dégagés dans l'après-midi. On pouvait communiquer à travers les décombres. La seule sœur rescapée au premier  étage de ce bâtiment avait eu l'impression de descendre en ascenseur. Bloquée sans pouvoir bouger, elle se trouvait à quelques mètres de l'interne du rez-de-chaussée bloqué lui aussi mais perdant son sang - impossible de poser un garrot ... bientôt on ne l'entendra plus, on ne dégagea qu'un cadavre.

            Il fallait évacuer les malades de la clinique du Sacré-Cœur et des Carmes... Ordre nous était donné de les transporter jusqu'au quai où des ambulances venaient les prendre... Pas facile dans la nuit, pas de personnel de la Défense Passive, difficile pour des femmes. Pour les invalides nous mettions un drap, un matelas sur le drap, le malade sur le matelas et essayions d'avancer à travers gravats et débris, tenant chacune un des quatre coins du drap...

            Lorsque tous les malades qui pouvaient être dégagés furent à l'abri, nous avons quitté les lieux, le feu gagnait, chacune avec un petit ballot d'affaires que nous avions pu récupérer ici ou là. Les unes allèrent chez les Sœurs de la Visitation

 

 

qui les accueillirent, d'autres au Bon Sauveur. Les autres continuèrent la route emmenant deux sœurs âgées. Près de la Tour Leroy, (Note de MLQ: Bd des Alliés) l'abbé POIRIER, vicaire à St-Pierre nous proposa une charrette à bras. Nous y chargeâmes les ballots, fîmes asseoir les sœurs âgées sur les ballots et en route...

            En arrivant à la Prairie, les Allemands nous ordonnèrent de cacher nos voiles blancs pour ne pas attirer l'attention des avions qui tournoyaient et nous firent coucher dans l'herbe. Ensuite reprise de la route vers Amayé-sur-Orne (Note de MLQ: à 15 km au Sud-ouest de Caen) où nos sœurs soignaient les prêtres âgés. Sur la route, nous retrouvons notre aumônier avec un groupe de sœurs, il portait le Saint Sacrement à la chapelle.

            Après quelques instants de repos, un groupe de sœurs reste à Amayé. Le reste continue la route vers Maizet (Note de MLQ: 3 km plus à l'Ouest) et trouve refuge dans la ferme du frère de l'une de nos sœurs.

            C'est là que les services de santé viendront nous chercher par petits groupes pour travailler au Bon Sauveur ou au Lycée. C'est là un jour qu'un obus traversa une grande salle de part en part, horizontalement au-dessus des dizaines de lits alignés, sans causer la moindre blessure.

            Vers la mi-juillet, on nous transportera à Bayeux pour œuvrer dans les hôpitaux ouverts dans les collèges et écoles de la ville.

 

Source. A Bayeux, le 16 juillet 1944 des Sœurs Bénédictines évacuées de Caen aves des officiers de la RAF.

 

Le 1 octobre 1944, nous rentrons à Caen. Cinquante sœurs prennent le travail à l'hôpital rue Clemenceau.

 

 

            Après la libération de Caen, les corps enterrés sous les décombres furent dégagés au mois d'août. Quand aux victimes qui se trouvaient sous la voie tracée par les Alliés (Andy's Alley) elles ne furent relevées et enterrées décemment qu'après la guerre.

 

"Photo Archives Municipales de Caen" Andy's Alley, trois croix, clinique de la Miséricorde.

 

 

 

Lire la suite de ce témoignage ici.

 

 

Témoignage paru en juin 1994 dans la brochure

                                                                     ECLATS DE MEMOIRE

TEMOIGNAGES INEDITS SUR LA BATAILLE DE CAEN
recueillis et présentés

par Bernard GOULEY et Estelle de COURCY
par la Paroisse Saint-Etienne-de-Caen
et l’Association des Amis de l'Abbatiale Saint-Etienne

 Reproduit avec leur aimable autorisation

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