TANTOT CHEZ LES ALLEMANDS, TANTOT CHEZ LES BRITANNIQUES...

En juin 1944, Jean GOHIN , étudiant, est réfractaire au Service du Travail Obligatoire. Il travaille dans une ferme près de Bény-Bocage. Depuis plusieurs mois il appartient à un réseau de Résistance, celui de l'O. C. M. (Organisation Civile et Militaire). Sa tâche est d'accompagner les aviateurs alliés abattus dans la région et récupérés par l'Organisation vers un abri sûr.

             Mon chef m'a envoyé à Caen trois jours après le Débarquement. Il s'agissait de reprendre contact avec le commandant Léonard GILLE , chef de la Résistance, de rétablir les liaisons avec Le Bény­Bocage et de renforcer les groupes de résistance dans la ville.

             Le travail dans cette ville dont une partie était déjà détruite, où affluaient les réfugiés, où le ravitaillement manquait... me changeait des promenades solitaires dans les bois, à la recherche d'aviateurs qui se cachaient. Savez-vous combien les bois sont bruyants, la nuit, quand on y marche seul ?

              J'ai commencé à accompagner le commandant GILLE dans quelques unes de ses missions : contact avec le maquis de Saint-Clair (Jean RENAUD­DANDICOLLE, qui sera tué en Indochine, TANNEGUY D'OLLIANÇON)(Note de MLQ: je pense à un erreur d'orthographe plutôt d'Oilliamson qui possède le château de Fontaine-Henry) ; destruction d'un pont à Fleury-sur-Orne, en compagnie d'un canadien français Paul GINGRAT qui avait été descendu près d'Evreux et avait réussi à gagner la Normandie, et du lieutenant POINLANE qui sera tué quelques semaines plus tard près de Lisieux.

              Entre ces missions je vivais à Caen, Place Saint-Martin, chez des amis qui ignoraient tout de mes activités. Je donnais aussi un coup de main aux Equipes d'Urgence... Ancien interne au lycée Malherbe, j'y prenais souvent mes repas... ce qui me donnait l'occasion de visiter Saint-Etienne qui offrait un spectacle à la fois pittoresque, poignant et admirable de solidarité.

               Un peu plus tard, j'ai été affecté au B.C.R.A. (service des renseignements de la France Libre) et pris en charge par le réseau Buckmaster.

             Après deux jours de formation à la recherche du renseignement, je fus envoyé à bicyclette, avec Charles HUARD, dans la région de Vassy, entre Vire et Condé-sur-Noireau. Il fallait circuler près des lignes. Nous sommes tombés sur quelques blindés allemands en position dans un verger. Nous sommes vite entourés de soldats qui commencent à nous questionner. Une attaque aérienne vient opportunément nous libérer et nous permettre de poursuivre notre chemin.

             Peu après nous nous sommes séparés, Charles HUARD cherchant des renseignements à l'Ouest de l'Orne et moi à l'Est. Pour ma part je n'ai guère eu d'ennuis avec les soldats allemands. Il ne fallait pas les provoquer...

              J'étais de retour à Caen pour la Libération de la ville. Le 8 juillet les Anglais attaquèrent le «magasin à poudre», situé près de l'actuel Mémorial (Note de MLQ: certainement la rue du Magasin à Poudre, elle porte ce nom en souvenir d'un magasin à poudre qui n'existait plus depuis belle lurette (1750) au-dessus des carrières St Julien). En ramassant les blessés, nous nous trouvions tantôt chez les Allemands, tantôt chez les Britanniques.

            Le lendemain j'ai assisté au premier lever des couleurs dans l'entrée de Saint-Étienne. Il y avait le curé de l'abbatiale, des résistants, des membres des Equipes d'Urgence et de la Croix Rouge, des réfugiés et, bien entendu, des soldats alliés.

                                   Nous avions tous le cœur serré pendant que le drapeau montait. Il y a eu un moment de flottement lorsque l'étamine s'est arrêtée à mi mât, la corde se bloquant dans la poulie. Il a bien fallu s'en contenter et la Marseillaise a éclaté devant un drapeau dont la position aurait dû signifier le deuil.

Photo collection Jean-Pierre Benamou avec son aimable autorisation

Préparation de la cérémonie du 9 juillet vers 18H00 sur la place du Lycée, à gauche le portail d'entrée de Saint-Etienne

Photo collection Jean-Pierre Benamou avec son aimable autorisation

Remarquez le drapeau à mi mât

Photo prise du balcon du Parloir du Lycée Malherbe (voir photo ci-dessus) A droite photo Roger Tesnière.

 

              J                  Je fus ensuite envoyé dans la poche de Falaise, toujours pour recueillir des renseignements. Je fus assez heureux pour y réussir. (Jean GOHIN obtient une citation pour la reconnaissance qu'il effectua dans la poche de Falaise les 16 et 17 juillet 1944).

                                   Le hasard a même voulu que je sois le premier à informer les alliés de la blessure du maréchal ROMMEL près de Livarot. Je l'avais appris d'une jeune résistante, fille du pharmacien (Note de MLQ: M. Marcel Lecène, maire et pharmacien de Livarot) chez lequel les allemands avaient transporté leur chef pour les premiers soins.

 

Témoignage paru en juin 1994 dans la brochure

                                                                                                   ECLATS DE MEMOIRE

TEMOIGNAGES INEDITS SUR LA BATAILLE DE CAEN
recueillis et présentés

par Bernard GOULEY et Estelle de COURCY
par la Paroisse Saint-Etienne-de-Caen
et l’Association des Amis de l'Abbatiale Saint-Etienne

 Reproduit avec leur aimable autorisation

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