Drame dans la carrière de Carpiquet

 

 

Les réfugiés sont dans la carrière au nord de la route de Caumont

 

 

Photo collection Pierre Marie, Carrière au Nord de la route de Caumont, actuellement la zone industrielle.

 

 

La bataille de Carpiquet est lancée le 4 juillet, les bombardements préliminaires sont très violents, les habitants sont persuadés que le village est détruit Ils peuvent entendre les combats au loin.

Vers 20h00, c'est le drame. Un avion de la RAF passe au dessus des carrières, le pilote lâche deux bombes et tire avec ses canons de 20 mm, pensant que ce sont des Allemands qui sont regroupés à l'abri.

 

Jean Daigremont assiste aux massacres. « Par malheur, deux bombes tombent sur notre refuge. Une seule éclate en pénétrant dans un trou destiné à l'aération des souterrains. Le cheval et la charrette, qui nous servent à transporter l'eau et la nourriture, se trouvent juste en dessous. L'animal prend peur, hennit et rue en renversant son propriétaire. C'est l'horreur, la panique de tous les côtés, le bruit infernal des mitrailleuses allemandes qui continuent de tirer près de la carrière. La déflagration me projette à une quinzaine de mètres. Je suis séparé de mes frères. L'instant d'avant, ils étaient assis autour d'une table et jouaient aux cartes avec des amis. Un nuage de fumée se forme. Je ne vois plus rien, je cours tant bien que mal, je trébuche par moment. Soudain, ma main saisit quelque chose de mou, de chaud. Je sursaute, je lâche ma prise et m'essuie les yeux. J'aperçois la sortie. Je me hisse à l'extérieur. Déjà les secours s'organisent pour aider les blessés. Un prisonnier français qui se trouve là, part chercher les ambulanciers à Caen, en se faufilant à travers champs Je réussis à retrouver les miens. Ma mère pousse un hurlement en voyant mon visage en sang. Ce n'est rien, je ne suis pas blessé. Ce sang, dont je suis maculé, provient de la " chose" que j'ai saisie en cherchant une issue et dont je n'ose imaginer l'origine ... ".

 

Le jeune Pierre Marie, de 13 ans, n'a pas cette chance: « Nous rentrons, plusieurs amis et moi, dans la carrière. Nous posons nos vélos, j'aperçois l'avion, les flammes de l'explosion et terminé. C'est la panique. Des sacs de ciment étaient entreposés à l'entrée de la carrière et maintenant, il y a de la poussière partout. Je suis touché par un éclat ou une balle qui m'a traversé, de part en part, les cuisses. Je ne sens rien, ma cuisse droite est pleine de sang. Mon père me porte dans ses bras. Il y a dix-neuf morts et vingt-quatre blessés, je fais partie de la seconde catégorie mais il s'en est fallu de peu. En effet, ma mère s'aperçoit que ma poche de blouse est déchirée au niveau du cœur. Mon jeu de cartes, que j'avais glissé, peu de temps avant, dans celle-ci, m'a sauvé la vie. Il a dévié un éclat d'obus qui se dirigeait droit sur ma poitrine ". Orbia (fille de Maurice Vandepopulière) et Marie-Thérèse plus connue sous le nom de" Maria" (femme de Sylvain Vandepopulière) sont quant à elle, tuées sur le coup. Les secours n'arrivent pas et les blessés continuent de souffrir du manque de soin et de la chaleur. La nuit est longue et, très vite, les blessures s'infectent. Pierre Marie a la gangrène. Il n'est pas le seul jeune à être très gravement, blessé. Roger Lelong a neuf ans, il a lui aussi, une jambe très grièvement touchée.

Tous les réfugiés entendent la contre-attaque menée par les Waffen-SS de la « LAH » à proximité des carrières.

Les ambulances n'arrivent que le 5 juillet à 17h00, presque 24 heures après le drame. (Note de MLQ: lire les témoignage de Mlle Danielle Heintz, M. André Heintz et M. Charles Macary). Les routes sont encombrées, les Allemands refusent que les secours franchissent leurs lignes et les avions alliés mitraillent tout ce qui circule sur les routes. Les blessés de la carrière arrivent à Caen, au Bon Sauveur. Pierre Marie et Roger Lelong sont, chacun, amputés d'une jambe. Ils sont ensuite envoyés sur Bayeux, cette ville libérée sans encombre le 7 juin est un immense hôpital. Pierre Marie se souvient du cahot continuel qui lance ses blessures, dans les ambulances lors de son rapatriement.

 

Jean Daigremont se rappelle: « Dans les carrières, l'ambiance est pesante. Les familles qui sont sans nouvelle de leurs proches, attendent. Tandis que les familles, qui ont perdu un proche, ont la douloureuse tâche de les enterrer. Au-dessus des carrières, nous tendons, en toute hâte, des toiles avec une croix rouge pour signaler notre présence aux avions ". Les combats font rage dans le secteur, personne ne sait qui des Canadiens ou des Allemands l'emporte.

 

 Monsieur Hardy se rend au carrefour de la ferme Morin (actuelle mairie), il signale aux Canadiens : « Il y a cinq cents civils dans les carrières ». Ca n'est donc que le 7 juillet que les Canadiens apprennent l'existence des réfugiés de la carrière. Ils vont les chercher et les accompagnent jusqu'au carrefour. Il leur est impossible de croire que cinq cents personnes ont survécu dans ces conditions. Les réfugiés arrivent, sales et crasseux, au carrefour. Les Canadiens leur donnent des vivres, des boîtes de conserve. Les habitants retrouvent leur village en ruine. Certains ne reconnaissent plus le tas de pierres qui se trouve sur l'ancien emplacement de leur maison. Même s'ils ont payé le prix fort, ils sont soulagés d'être enfin libérés.

 

Nous disposons de 4 témoignages sur ce sauvatage de blessés à la carrière de Carpiquet:

- un article "Caen-Carpiquet Juillet 1944" de Frederick Jeanne dans Historica N°106 , Editions Heimdal, 2010.

- le témoignage de Mlle Danielle Heintz , imfirmière, qui y participa

- le témoignage de M. Charles Macary, Équipier d'Urgence qui y participa

- le témoignage d'André Heintz , résistant et Équipier d'Urgence qui était au Bon Sauveur.

 

 

Extrait de Caen-Carpiquet Juillet 1944 de Frederick Jeanne dans Historica N°106 , Editions Heimdal, 2010.

 

 Liens pour Carpiquet:

http://www.annuaire-mairie.fr/ville-carpiquet.html

http://www.carpiquet-mairie.fr/

http://www.normandie44lamemoire.com/carpiquet/

Photos de Carpiquet

 

 

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