La COLLABORATION

 

Le F.R.N.

 

À l'automne 1942, comme leurs forces s'étiolent, les partis collaborationnistes songent à les regrouper pour mieux faire front. Lors d'un conseil national du RNP, en juillet, Marcel Déat a relancé l'idée qui lui était chère d'un parti unique. En septembre, il jette les bases du Front révolutionnaire national (FRN) tandis que l'idée progresse lentement dans les hautes sphères parisiennes, des rapprochements s'opèrent plus rapidement à la base. C'est ainsi que se constitue en décembre 1942, le Comité de liaison des groupements nationaux du Calvados. Mis sur pied à l'initiative de Julien Lenoir , il rassemble toutes les organisations alors en activité dans le département : P.P.F. , R.N.P. , M.S.R. , Groupe Collaboration et le P.F.N.C. . D'emblée la nouvelle structure fixe ses objectifs: affermir la Collaboration avec les forces de l’axe ; faire « entrer enfin la Révolution nationale dans le domaine des faits sur le plan départemental » ; mais aussi, plus prosaïquement, assurer « la sécurité des membres des groupements nationaux contre les brimades dont ils sont l'objet », Des accords étant intervenus au niveau national, le FRN est porté sur les fonts baptismaux et des sections départementales se mettent en place. Celle du Calvados voit le jour en février 1943 et prend très logiquement la suite du Comité de liaison. Belle occasion pour Julien Lenoir ,

Procès verbal de la réunion du FRN le 24 févier 1943: Création de la Milice révolutionnaire nationale à Caen,  Ses buts sont ainsi fixés: « Elle a pour objectif d'assurer la sécurité, la défense contre toute tentative bolchevique, de veiller par conséquent avec vigilance sur les centres particulièrement menaçants, d'assurer l'entraide civique dans tous les cas où ce sera nécessaire, d'aider en toute occasion les services officiels de secours, de police, de Défense passive, comme force auxiliaire. D'un commun accord, la responsabili de la future milice a été confiée à Raoul Hervé .

Cependant l'enthousiasme initial est rapidement refréné par une série de difficultés. Le PPF, suivant en cela des consignes nationales, a fait sécession du Comité de liaison au bout de quelques semaines seulement et ne fera jamais partie du FRN. Il ne peut être question pour JacquesDoriot de participer à une structure créée par son rival Marcel Déat . L’adhésion du minuscule Parti franciste ne constitue qu'une bien maigre compensation. Laborieusement mis au point, le premier (et dernier) meeting du FRN, tenu le 23 mai 1943 à Caen, ne rassemble guère plus de 200 à 300 personnes venues écouter  Georges Albertini et Lucien Rebatet . Dès sa mise en place, le comité départemental du FRN tente d'ouvrir ses rangs à des délégués d'organisations représentatives. Des appels sont lancés aux associations d'anciens combattants et de prisonniers de guerre. Mais ils se heurtent à des réponses dilatoires et, en définitive, à une fin de non-recevoir; ce qui ne constitue, selon le propre aveu de Lenoir , qu'une demi surprise, « connaissant l'esprit des anciens combattants de 1914-1918 de la région et sachant qu'il ne peut se rencontrer parmi eux que quelques individualités ayant l'esprit révolutionnaire ».

Cherchant à asseoir son audience, le FRN tente, sans plus de succès, d'imposer quelques sympathisants au sein du conseil départemental de l'ordre des médecins. En mai 1943, il subit un camouflet supplémentaire lorsque le maire de Caen « oublie» d'inviter ses représentants au service célébré à la mémoire des victimes d'un violent bombardement aérien britannique.

Mais la déception la plus cruelle provient de l'administration préfectorale. À la fin de l'année 1942, lorsqu'il est question de désigner les membres des conseils départementaux, destinés à prendre la suite des conseils généraux, le comité FRN du Calvados soumet au préfet Cacaud une liste de trente-huit noms, accompagnés de cette supplique: « Les chefs des groupements nationaux du Calvados pensent qu'il est de leur devoir d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il y aurait à ce que ceux qui ont fait preuve, depuis deux ans, du plus parfait esprit de Révolution nationale, ne soient pas maintenus éloignés systématiquement des assemblées nommées. » Pour Julien Lenoir , ce problème aura valeur de test. « C'est un désastre », écrit-il au délégué général du groupe Collaboration en découvrant la liste des nominations en juin 1943. « Je n'y ai vu figurer le nom d'aucun de nos amis. Cette affaire est une déception de plus qui s'ajoute à bien d'autres Notre action va se ressentir de ces événements, car nous ne voyons pas dans quel sens nous pouvons utilement la diriger. ». Ces échecs, comme de graves dissensions internes au niveau national, provoquent la dislocation du FRN qui tient sa dernière réunion le 2 juillet 1943.

 

Sources :

QUELLIEN Jean, Opinions et comportements politiques dans le Calvados sous l'occupation allemande, Caen, PUC, 2001, 512 pages.

RETOUR COLLABORATION