RESISTANCE
Réseau HECTOR
Le réseau Hector est la première organisation de Résistance apparue dans le Calvados et en Basse-Normandie.
Il a pour origine le groupe Robert fondé dès juin 1940 à
Granville (Manche) par
Robert Guédon
en liaison avec des officiers britanniques
de l'Intelligence
Service (IS). A l'automne, un agent de l'IS, Bradley Dawies, met Guédon
en
contact avec André Michel
qui vient de constituer un petit groupe de Résistance à Caen, avec
Claude
Thomas, Jacques Dugardin,
Gaston Renard
et son neveu Pierre Prunier.
En décembre 1940, Guédon
se rend à
Vichy
pour rencontrer
son camarade
Henri Frenay
(fondateur en
zone libre du mouvement Libération nationale,
futur Combat) qui le dirige vers le
colonel Heurteaux
, ancien as de l'aviation de
la Grande Guerre, fondateur du réseau Hector, qu'il s’efforce alors de
développer à partir de Paris avec l'aide de certains membres des
services de renseignement de l'armée de Vichy (Deuxième Bureau). Les petits
groupes de Guédon
et
Michel
vont s’y rattacher et de cette façon, travailler à
la fois pour les Britanniques et pour les éléments antiallemands du Deuxième
Bureau de Vichy.
A Caen,
devenu le centre nerveux de l'organisation en Basse-Normandie, le réseau
accueille de nouveaux membres, tels
Pierre Bouchard
,
Raymond Simon
,
Hélène
Prunier
(femme de Pierre), des étudiants comme
Maurice Deprun
,
Raymond Dintzner
ou Louis Laisney, plusieurs enseignantes de l'Institution Saint-Pierre, dont
Reine Joly
. Mais il ne tarde pas à s’étendre dans le reste du Calvados:
Dozulé (Louis Bedel, 31 ans en 1940, vétérinaire)),
Pont-l'Evêque (Étienne Grandrie, 40 ans en 1940, médecin) ),
Bayeux (Jeanne Escolan
20 ans en 1940, étudiante en droit) et son père Albert Escolan, 55 ans
en 1940, surveillant général de collège),
Mézidon (André Langlois, 19 ans en 1940, interprète),
Argences (Paul Derrien
47 ans en 1940, médecin),
Honfleur (Albert Manuel
31 ans en 1940, professeur de collège)...
Outre la Manche et le Calvados, le réseau couvre bientôt l'Eure et l'Orne où d'autres groupes, en liaison plus ou moins étroite avec Caen, ont vu le jour.
L'activité essentielle du réseau Hector sera tournée vers
le renseignement, car au cours de l'automne-hiver 1940-1941, et en dépit des
échecs de la
Luftwaffe
dans la
Bataille d'Angleterre, les Allemands ne semblent pas avoir renoncé à
l'invasion des îles britanniques. Il importe donc de tenir Londres au courant de
ce qui se trame de l'autre côté de la Manche. Les mouvements de troupes sont
soigneusement repérés, les positions des batteries de DCA relevées, les camps de
munitions et les dépôts d'essence identifiés et parfois même photographiés. Des
informations sont glanées sur les exercices de débarquement menés sur les côtes.
Une attention toute particulière est accordée à l'activité des terrains
d'aviation, tels celui de
Carpiquet.
Les informations sont transmises soit par un poste émetteur caché à
Fontaine-Henry, soit à l'aide des pigeons voyageurs envoyés en Angleterre
par Roger Falcoz-Vigne
(36 ans en 1940, commerçant en matériel électronique. Domicile :
Aunay-sur-Odon).
Une autre part de l'activité du réseau Hector est consacrée
à la propagande. Pierre Prunier dessine sur des rouleaux de papier collant des
caricatures d'Hitler
ou Mussolini
que lui-même et ses camarades apposent discrètement dans les lieux fréquentés.
Le photographe René Decker
tire des centaines de portraits du
général
de Gaulle
, répandus ensuite dans la population. D'autres distribuent les
journaux clandestins "Les Petites Ailes de
la France"
et Résistance acheminés vers Caen depuis Paris.
En octobre 1941, l'Abwehr
porte un coup sévère au réseau Hector dans le cadre de l'opération
Porto. Quelques Calvadosiens liés aux groupes de l'Eure, dont le capitaine
de gendarmerie Paul Le Flem
(32
ans en 1940,
Pont-l'Évêque),
Eugène Bugetti
(31 ans en 1940, coiffeur) de
Lisieux ou René Decker
de
Caen, sont
arrêtés. A ces quelques exceptions près, la Basse-Normandie est épargnée par
cette rafle. Mais le mois suivant, en novembre, l'imprudence d'une jeune
étudiante chargée de la distribution des journaux clandestins.
Marie Tirel
,
déclenche une cascade d'arrestations qui permet à la
Geheimefeldpolizei. de capturer une quinzaine de membres du réseau dans le
Calvados et la Manche. Robert Guédon
et d'autres responsables ne doivent leur
salut qu’à la fuite. Les résistants arrêtés seront jugés au début du mois de mai
1942
Les membres du réseau Hector traduits devant le tribunal de la Feldkommandantur 723 de Caen 29 avril - 1er mai 1942
Le 29 avril 1942 s'ouvre à Caen, devant le tribunal de la Feldkommandantur, le procès de treize membres du réseau Hector arrêtés en novembre et décembre 1941 dans le Calvados et la Manche. Au cours des deux premières journées, les juges allemands se montrent plutôt modérés. Tout laisse à supposer que la sentence ne sera pas trop sévère. Mais dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un sabotage commis sur la voie ferrée à Airan, entre Mézidon et Caen, a coûté la vie à une dizaine de soldats de la Wehrmacht La réaction est terrible. Lorsque l'audience reprend le 1er mai, le procureur, amalgamant les deux affaires, se lance dans un réquisitoire d'une extrême violence et vitupère contre
"les Français qui assassinent les Allemands alors que ceux-ci leur tendent 1a main". Le verdict tombe quelques heures plus tard : trois résistants sont condamnés à mort, les dix autres à de lourdes peines de travaux forcés.Les condamnations :
André Michel
,
Caen, condamné à mort, fusillé le 9 mai 1942.
Gaston Renard
,
Caen, condamné à mort, fusillé le 9 mai 1942.
Jacques Dugardin, Caen, condamné à mort, fusillé le 9 mai 1942.
Hélène Prunier
, Caen-Lisieux, travaux forcés à perpétuité.
Marie Tirel
,
Caen, travaux forcés à perpétuité.
Raymond Dintzner
, Caen-Mézidon,10 ans de travaux forcés.
Paul Fougy, Bernay (Eure), 10 ans de travaux forcés.
Roger Falcoz-Vigne
, Aunay-sur-Odon, 8 ans de travaux forcés.
Étienne Grandrie, Pont-l'Evêque, 5 ans de travaux forcés.
Paul Guilbert
, Cherbourg (Manche), 5 ans de travaux forcés.
Marie Bindault
, Granville (Manche), 5 ans de travaux forcés.
Louis Bedel, Dozulé, 3 ans de travaux forcés.
Albert Escolan, Bayeux, 3 ans de travaux forcés.
Le réseau Hector a cessé d'exister localement. Mais il a joué le rôle d'une véritable pépinière pour la Résistance calvadosienne car nombre de rescapés vont poursuivre la lutte au sein d'autres organisations, principalement : CDLR, mais aussi l'OCM ou encore les réseaux Zéro-France, Jean–Marie, Alliance...
Sources :
Archives de Jean Quellien