RESISTANCE

LA MAISON D'ARRET DE CAEN

    Sous l'occupation, comme de nos jours, Caen possède deux prisons. La centrale de Beaulieu, dans le quartier de La Maladrerie, accueille essentiellement des longues peines: prisonniers de droit commun, détenus politiques et en particulier de nombreux militants communistes victimes de la répression entamée dès 1939 par le gouvernement Daladier et poursuivie par Vichy. Plusieurs dizaines d'entre eux seront fusillés à la caserne du 43e régiment d'artillerie en représailles d'attentats contre des soldats de la Wehrmacht , notamment le 15 décembre 1941 où treize otages sont ainsi exécutés.

    La maison d'arrêt est située rue Général Duparge non loin du carrefour de la rue de Bayeux et du boulevard Dunois. Elle est réservée aux courtes peines ou aux détenus en instance de jugement ou attendant un transfert vers une autre prison. A leur arrivée, les Allemands prennent possession d'une partie des locaux: la grande galerie, réservée aux Allemands et la petite galerie réservée aux détenus de droit-commun, et tenue par un personnel pénitentiaire français.

Il s'agit pour l'essentiel de punir les soldats allemands ayant contrevenu avec la stricte discipline de la Wehrmacht. Mais, au fil de l'occupation. les Allemands y internent tous ceux qui ont contrevenu à l'ordre allemand. Ainsi l'on peut se retrouver derrière les barreaux pour avoir écouté la radio anglaise, dessiné des croix de Lorraine sur les murs, pour ne pas avoir prudemment déposé son fusil de chasse à la mairie, etc... Des patriotes qui ont sectionné des câbles ou des membres d'organisations de Résistance connaissent aussi les cellules de la maison d'arrêt.

Les hommes sont rassemblés en général au troisième étage du bâtiment central et les femmes dans l'aile gauche de l'entrée. La prison est placée sous l'autorité du Militärbefehlshaber in Frankreich (Commandant Militaire en France, pour Caen la Feldkommandantur 723 à l'hôtel Malherbe, place Foch), la surveillance est donc assurée par des soldats de la Wehrmacht. Ceux-ci sont commandés par le capitaine (Hauptmann) Joseph Hoffmann et son second le Stafeldwebel Rix, l'interprète est le Feldwebel Lindemann. En tout une vingtaine d'hommes et quelques femmes.

Maison d'arrêt de Caen. Source.

 

SOURCES: Collection Résistance et Mémoire

L'arrière de la Maison d'arrêt de Caen

    La rigueur allemande domine la vie de la prison avec ses règlements et ses interdictions. Les cellules sont étroites et glauques, les détenus ne peuvent s'allonger le jour et doivent entretenir leur geôle. La vie est ennuyeuse et les détenus n'ont que leur imagination pour occuper leurs longues journées.  points de repère sont le jus du matin et la soupe du midi et du soir. Parfois, des détenus sont extraits de leur cellule pour être interrogés par la Gestapo, "la séance du tribunal" selon les prisonniers.

    Au fil des mois, la maison d'arrêt se remplit, les droits communs côtoyant bientôt les politiques. En mars 1941, 2 à 3 détenus par cellule; à partir de février 1942 certains détenus condamnés à des peines de travaux forcés commencèrent à être envoyés en Allemagne.

A la veille du Débarquement, la maison d'arrêt est comble. Le 6 juin 1944, entre 75 et 80 détenus sont extraits de leurs cellules et froidement exécutés. La prison est vidée de ses derniers détenus et abandonnée par les Allemands, Hoffmann et Rix quittent la prison en voiture le 7 juin à 05H45.

    Le 7 juin 1994, une colonne d'une vingtaine de prisonniers s’ébranle de la maison d'arrêt de Caen sous la surveillance d'une quarantaine d'Allemands, en direction de Fresnes, dans la région parisienne. Ces hommes ont échappé au massacre du 6 juin. II y a là une bonne partie des membres du réseau Arc-en-Ciel : Marcel Barjaud , Arthur et Jacques Collard (11 ans en 1940, étudiant - Organisation : Arc-en-Ciel - Domicile : Caen), René Huart, Édouard Poisson et André Lebrun (19 ans en 1940, employé de commerce - Organisation : Arc-en-Ciel - Domicile : Caen). La colonne traverse Caen et se dirige vers Falaise puis Argentan.

Les fusillés du 6 juin

 La plupart des suppliciés sont des résistants arrêtés par la Gestapo et ses auxiliaires français de la sinistre bande à Hervé.

    Aux alentours de huit heures du malin, quatre agents de la Gestapo menés par Herbert von Bertholdi, dit" Albert" , se présentent à la prison de Caen. Il indique au capitaine Hoffmann, commandant le quartier allemand de la prison, que les prisonniers relevant de la Gestapo vont être fusillés. Une liste de cinquante noms est remise à Hoffmann. Des fosses sont creusées dans les courettes de la prison par les Allemands. Pendant ce temps, les prisonniers entendent le bruit de la canonnade sur la côte ; ils savent que le Débarquement est en train de se produire ; leurs cœurs s’emplissent d'un fol espoir: la Libération. La haine et la folie meurtrière des nazis va en décider autrement. Quelque temps plus tard, dans le quartier allemand de la prison, alors que les Alliés luttent pour prendre pied sur les plages normandes, les Allemands appellent les détenus mentionnés sur la liste et les font sortir de leurs cellules par petits groupes de cinq à six.

     

"Photos Collection Résistance et Mémoire". Extérieur et intérieur des courettes.

Les courettes de la maison d'arrêt de Caen

     Conduits dans les courettes de promenade de la prison, ils sont assassinés d'une rafale de mitraillette puis achevés d'un coup de pistolet par les hommes de la Gestapo. Tous font preuve d'un courage exemplaire. Ainsi l'abbé Victor Bousso a le temps de bénir ses compagnons avant d'être abattu. Deux prisonniers sont miraculeusement épargnés: Marcel Barjaud suite, vraisemblablement, à une confusion de nom, et Jacques Collard, en raison de son jeune âge (il n'a que quinze ans). Vers 10h30, la tuerie semble terminée. Le calme revient dans la maison d'arrêt. Mais vers 15 heures. "Albert " est de retour avec une nouvelle liste. L'agitation reprend au troisième étage du quartier allemand. Par groupe de huit, les victimes avancent courageusement vers la mort et sont exécutées d'une rafale de mitraillette au fur et à mesure qu'ils franchissent la porte. Parmi les bourreaux on peut citer l'Hauptmann Hoffmann, le Feldwebel Gebauer, le Gefreiter Schneider et un détenu le sous-officier Schmitt de la 21. Panzer Division .

Sourec page 106. AGRANDISSEMENT

     Qui a ordonné l'exécution? Il semble que la responsabilité de Harald Heyns dit "Bernard" soit des plus lourdes. Ne pouvant évacuer les prisonniers par train. La gare ayant été bombardée, ni par camions, il aurait pris la décision de fusiller les prisonniers considérés comme les plus dangereux, et cela afin qu'ils ne tombent pas aux mains des Alliés.

    La plupart des femmes, internées dans le quartier allemand, seront libérées, tandis qu'une vingtaine d'hommes, rescapés du massacre seront dirigés sous escorte vers Fresnes. Après le massacre, l'horreur n'est pas pour autant terminée, Face à l'avance alliée, les Allemands décident de faire disparaître toutes traces du massacre. Dans la nuit du 30 juin au 1 juillet, les corps sont exhumés des courettes de la prison puis conduis vers une destination inconnue où ils auraient été incinérés ou ré-inhumés. Les témoignages, tant français qu’allemands, divergent Les corps sont-ils inhumés entre Caen et Falaise ; dans une forêt proche de Rouen ? au sud de Caen ? Le mystère demeure toujours, les suppliciés ayant disparu, comme l'ont voulu les bourreaux nazis, dans la « nuit et le brouillard ».

    En 2012, M. Paul Le Caër, dentiste à la retraite à Deauville, ancien déporté à Mauthausen continue les recherches.

    Voici la liste des victimes :

Anne Albert , Arrot Maurice , Aubin André, Auvray Roger , Baot Albert, Billy Maurice, Bizé René , Boulard Robert , Bourdon Louis (?), Bousso Victor , Boutrois Achille , Boutrois Michel , Caby Jean , Cambe ou Combe (?), Carel Henri , Caulet Francois , Chaléat Paul , Cosnard Emilien, Derrien Paul , Douin Robert , Dumont Serge , Dutacq Maurice , Duval Auguste , Girault Jean , Hardy Maurice , Hébert Jean, James Gabriel , Lair Alexis , Lair Henri , Lamoureux Camille, Langeard Joseph, Lebaron Jean, Leboeuf Jules, Lechevalier Louis , Leconte Louis , Le Foll Olivier , Le Goff Yves , Lelièvre Alexis , Lelièvre Anatole , Lemarié ou Lemarier (?), Lepetit Camille , Lepetit Pierre (?), Lerthion ou Lorthion (?), Levillain Albéric (?), Loiseau Serge, Lopez Adrien (?), Loslier René , Madoret Georges, Margerie Ernest , Marie Colbert , Marié Marcel , Martin Georges , Ménochet Pierre , Monsion Jean , Morel Henri , Noël Georges, Pauly Raymond, Picquenot Bernard, Picquenot Joseph , Postel Roland , Primault Maurice , Renouf Désiré , Renouf Louis . Robert André , Roussel Roger, De Saint-Pol Guy , Sevestre Charles , Thomine Georges , de Touchet Antoine , Trévin Pierre , Vayssier Andrée , Veillat Roger , Vigouroux Paul , Vigouroux Robert , Vincent Marcel , Vivier Paul et X (femme supposée être la maîtresse d'un policier allemand).

    NB : Les noms suivis d'un point d'interrogation sont ceux pour lesquels nous ne savons pas avec certitude s'ils ont été fusillés le 6 juin 1944.

     Tous les ans, le 6 juin, une cérémonie en l'honneur des victimes du massacre est organisée à Caen, devant la maison d'arrêt où une plaque a été installée en l'honneur des victimes.

Plaque aux fusillés de la maison d’arrêt.

"Photo collection ONAC Calvados"

Cette plaque rappelle la mémoire des résistants qui, détenus à la maison d' arrêt de Caen, furent massacrés par les nazis au cours de la journée du 6 juin 1944.

La plaque porte l'inscription suivante :

" A la mémoire des prisonniers fusillés par les Allemands le 6 juin 1944. "L'oppresseur en les tuant a cru les faire mourir, il les a immortalisés" (Léonard Gille , discours du 01/11/1944)

Plaque apposée par le syndicat des agents des services pénitentiaires des prisons de Caen".

 Initiative et réalisation : Le syndicat du personnel des administrations pénitentiaires.

"Photo collection ONAC Calvados"

Inauguration : Le mercredi 6 juin 1945, à 20h00.

     La fanfare ouvrit le ban, puis au cours de la Sonnerie aux morts, deux jeunes rescapés en tenue de bagnard découvrirent la plaque. La fanfare entonna ensuite La Marseillaise. Les autorités et les Associations déposèrent des gerbes. Monsieur Chevalier, secrétaire du syndicat des administrations pénitentiaires à Caen, monsieur Flais, secrétaire du Parti communiste et ancien déporté, monsieur Léonard Gille, président du Comité départemental de libération et monsieur Pierre Daure , préfet du Calvados prirent tour à tour la parole. Enfin, la foule fut autorisée è pénétrer dans l'enceinte de la prison pour se recueillir et déposer une gerbe devant la courette où furent massacrés les victimes.

 Cérémonies :

     A l'issue de la cérémonie privée organisée à l'intérieur de la maison d'arrêt, une cérémonie officielle se déroule chaque 6 juin en présence des autorités civiles et militaires. Cette cérémonie est la première étape des différentes cérémonies commémoratives qui ont lieu dans la ville de Caen ce jour-là.

Monument aux fusillés de la maison d’arrêt.

    Ce monument est situe a l''interieur de la prison dans le chemin de ronde. Il a été construit le long du mur de la courette ou furent fusilles les prisonniers le 6 juin 1944.

    Ce monument rappelle la mémoire des résistants qui détenus à la maison d'arrêt de Caen, furent massacrés par les nazis au cours de la journée du 6 juin 1944.

 

"Photo collection ONAC Calvados"

Initiative et réalisation : Probablement l'établissement pénitentiaire à la demande des familles.

 Date d'inauguration ou de mise en place inconnue.

 Sa construction doit être postérieure au 6 juin 1945. Il semble que les familles ont toujours pénétré à l'intérieur de la maison d'arrêt pour se recueillir, mais en 1945, il n'est pas fait mention de l'existence d'un monument.

"Photo Collection Résistance et Mémoire" et "Photo collection ONAC Calvados"

    Tous les ans, à la date anniversaire du massacre, l'Association des déportés et internés résistants et politiques et familles de disparus organise une cérémonie privée devant le monument en présence des familles et amis des victimes. Une cérémonie a lieu ensuite avec les autorités civiles et militaires à l'extérieur de la prison devant la plaque

http://france3-regions.francetvinfo.fr/basse-normandie/calvados/caen-la-mer/caen/hommage-aux-detenus-fusilles-le-6-juin-la-prison-de-caen-1016329.html

Le 2 août 2017, article de Liberté: Le mystère des fusillés de la prison de Caen relancé

Sources:

Fonds du service départemental de l'ONAC du Calvados

Cédric Neveu

Julia Quellien

et et

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