RESISTANCE

 

André Ruel (20 ans en 1940). Profession : Ouvrier (pépiniériste) - Organisation : Armée des Volontaires ; OCM  - Domicile : Caen

Témoignage d'André RUEL recueilli au cours d'une communication téléphonique avec Jacques Vico , le 31 décembre 2002 dans l'après-midi après qu'il ait reçu ma lettre celle de Jacques Vico du 30 décembre 2002. Il habite depuis sa retraite à Argelès dans les Pyrénées-Orientales.

André Ruel était membre de l'O.C.M. et du Réseau Centurie.

«J'ai été 47 ans salarié des« Pépinières de la Maladrerie». Ces pépinières avaient été achetées par Monsieur Alexandre Kaskoreff, père, émigré russe. Robert Kaskoreff était directeur général de ces pépinières. Officier de réserve d'Artillerie, il s'engagea dans la Résistance dès sa démobilisation.

Source. Les pépinières Kaskoreff. Adresse actuelle 221 rue de Bayeux.

Source page 167 de ce livre. Le 10 juillet 1944, le long du mur de la pépinière Kaskoreff à La Maladrerie, le sapper W.S. Grant, RCE avec un détecteur de mines.

Il habitait à proximité des pépinières, rue Robert Tournière. Sa soeur, Suzanne Kaskoreff, habitait 11 Rue Deslongchamps.

Source. Selon la source canadienne le 10 juillet la rue Deslongchamps vue de la rue de Bayeux vers la rue des Mazurettes avec des obstacles antichars, noter les deux massifs en béton d'ancrage pour porte belge. Repérage.

Très vite je suis recruté par Robert Kaskoreff , comme membre actif de la Résistance. J'avais reçu une formation de géomètre qui m'était indispensable pour l'établissement des projets de jardins et de plantations. J'accompagnais donc souvent Robert Kaskoreff dans ses déplacements, sous couvert d'activités professionnelles, pour recueillir des renseignements, pour préparer des relevés de plans, qui étaient transmis à Londres. Je dressais les plans définitifs dans le grenier de Suzanne Kaskoreff. Nous avions aménagé une cache en faisant une fausse poutre, en partie creuse, où nous dissimulions les plans. Nous étions très prudents car Mademoiselle Kaskoreff logeait un officier allemand .

Je suis parfaitement au courant de la descente des armes du dépôt de l'Abbaye d'Ardenne dans les carrières de la Maladrerie. Ces carrières de la Maladrerie qui étaient souterraines, s'étendaient sur plusieurs hectares et elles appartenaient à la famille Kaskoreff. Parallèlement à ses activités de pépiniériste, la famille Kaskoreff a exploité également ces carrières souterraines pendant 7 à 8 ans. Rappelons que l'ensemble des pépinières représentant 100 hectares et que les effectifs du personnel était de 100 personnes environ, et sur ces 100 personnes, une trentaine travaillait à la carrière.

Photo collection François Robinard. Photo de 1946, l'emprise de la carrière Kaskoreff, à droite le cercle jaune indique la pépinière. Zoom.

Donc Robert connaissait parfaitement leurs dispositions. Il y avait un accès, sous forme de puits, à proximité de la maison de Monsieur Boulvain, cadre technique des pépinières qui habitait Rue

Deslongchamps, et l'arrière de sa propriété était à proximité du chemin d'accès à la carrière qui allait de la Rue de Bayeux à la Rue d'Authie et qui deviendra ultérieurement Rue des Eglantiers. Ce puits

était à ciel ouvert. Ultérieurement, bien après la guerre, la ville de Caen a recouvert ce puits d'une dalle en béton , tout en maintenant une trappe d 'accès. Cette dalle et ce puits doivent se situer entre les 2è et 3 è petites tours de logements construits en bordure de la Rue des Eglantiers, ancien chemin de la carrière. Localisation de l'entrée de nos jours.

Photo dans article du "Journal de Normandie" du 19 octobre 1940.

J'ai participé au transfert de ces armes. Nous étions quatre. Il y avait Monsieur Marcel Saquet, ancien gendarme, membre de la Résistance (OCM) qui habitait le quartier et qui connaissait bien Jacques Vico puisque Monsieur Saquet était responsable de l'un des groupes du quartier de la Maladrerie. Il y avait également Robert Castel , membre de la Résistance qui avait fait les séances d'instruction à I'Abbaye d'Ardenne avec Emmanuel Robineau et Jacques Vico . Je ne me souviens pas du nom de la quatrième personne. Nous avons fait cette opération, le soir, la nuit tombée, dans les soirées qui suivirent l'arrivée des armes chez Monsieur et Madame Pigeat. Ces armes sont arrivées dans la nuit du 16 au 17 décembre 1943. Elles ont été déménagées soit le 17, ou 18 , ou 19 décembre au soir.

Derrière la maison des époux Pigeat, il y avait un jardin. Les autres maisons déjà construites dans ce quartier, possédaient toutes des jardins. Nous avons donc transporté ces armes en passant par les jardins, pour accéder au puits d'accès de la carrière. Toutes les armes, mitraillettes et revolvers, les explosifs, les grenades, les munitions, furent ainsi descendues et réparties en différents points de la carrière et recouvertes de grosses pierres disponibles qui existaient à l'intérieur de la carrière.

Ces armes ont été extraites de la carrière , peu de jours avant le Débarquement, je suppose par Robert Castel . En effet, l'un des responsables de la Résistance, dont  j'ignorais le nom, a organisé des séances d'instruction pour l'utilisation de ces armes. Ces séances avaient lieu à la Vinaigrerie, dans des locaux non uti1isés, Rue de la Haie-Vigné. Il y avait à l'entrée un petit pavillon avec une cave, adossé à un front de carrière qui avait été exploitée à ciel ouvert, et dans le prolongement de ce pavillon, un espace assez étendu et en pente avec quelques hangars. Cet espace était la suite de la carrière anciennement exploitée.

Localisation:  rue de la Haie Vigné et  l'Ecole Normale.

Robert Castel animait ces séances d'instruction. Ayant fait moi-même ma préparation militaire, je participai aux premières séances. Les Allemands occupaient l'Ecole Normale, de l'autre côté de la Rue de la Haie-Vigné. Nous étions donc à quelques mètres du mur d'enceinte arrière de l'Ecole Normale. Or, parmi les participants à ces séances d'instruction il y avait des garçons imprudents et inexpérimentés. L'un d'entre eux, par maladresse, tira un coup de feu en l'air. Devant cette imprudence, j'ai décidé de ne plus participer à ces séances.

Jacques Vico m'a précisé que ces locaux de l'ancienne vinaigrerie, appartenaient à Monsieur Getaignier ou Getenier et que le P.C. de la Résistance, placé sous la responsabilité de Léonard Gille , s'installa dans ces locaux vers le 20 juin 1944 après avoir été d'abord rue Saint-Ouen, chez Monsieur Esnoul, transporteur dont la maison d'habitation était en face de l'église Saint-Ouen.

Localisation de la rue Saint Ouen et de l'église Saint Ouen.

 Les armes utilisées provenaient certainement du dépôt de la carrière Kaskoreff, mais je n'ai pas participé à leur extraction. Jacques Vico m'a précisé également que parmi les armes utilisées par la Compagnie Scamaroni, constituée après le 9 juillet 1944, il y avait certainement des armes provenant de ces carrières puisqu'il avait retrouvé un Colt à barillet qui appartenait à sa famille et qui avait été joint au stock d'armes déménagées dans la nuit du 16 au 17 décembre.

J'ajoute qu'après avoir effectué ce transfert d'armes, et devant l'importance des arrestations, Robert Kaskoreff a décidé de quitter Caen avec sa femme et ses jeunes enfants. Je les ai donc conduits avec leurs valises, avec cheval et carriole, le matin de bonne heure, à la petite gare de Carpiquet pour ne pas passer par la gare de Caen, pour se rendre à Vimoutiers chez son père».

Sources:

et

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