Article de Liberté de Normandie du 5 août 1944

Le mois dernier, trois F. F. I. Caennais, Châtelain, Busnel (en fait Camille Bunel) et CateI (en fait Robert Castel) tombaient au champ d’honneur en menant le combat aux côtes de nos alliés britanniques et canadiens pour arracher à l’ennemi le dernier quartier de la ville qu'il tenait encore.

Le souvenir de ces braves a été exalté, hier après-midi, au cours d’une cérémonie militaire à laquelle s’associèrent leurs camarades de la Résistance qui, malgré leurs, vêtements civils, sont demeurés, eux aussi, des soldats.

A 17 heures, une unité des F.I.I. la Compagnie Scamaroni , se rassemblait devant son Casernement de la rue Grusse, et dans un ordre impeccable, suivie d’un détachement de la Compagnie, des Sapeurs-Pompiers escortant un vieux drapeau, se dirigeait vers la place voisine qui, par une émouvante coïncidence porte le nom de celui qui fut en 1870-71, l’âme de la Résistance française Léon Gambetta.

Source, cérémonie place Gambetta, le 4 août 1944, second à gauche Riby, derrière le mât Léonard Gille, puis René Duchez, Serge Goguel, Jules Hollier-Larousse, ?, Léon Dumis. Localisation de la photo.

voir ci-dessous les résistants cités.

"Source: photo Serge Goguel"  De gauche à droite: Serge Goguel (futur directeur de "Liberté de Normandie" , Léon Dumis, Léonard Gille et René Duchez.

En présence du Commandant Gille  ,  président du Comité de Libération du Calvados; de M. Daure , préfet du Calvados ; Riby , premier président de la Cour d'Appel par intérim, et de différentes autres personnalités, les couleurs furent hissées.

Sur le front de la troupe revenue à son point de départ après avoir défiIé devant le Commandant et les notabilités, le capitaine de  la Compagnie Scamaroni donna lecture des citations à l'ordre de la Division décernées aux disparus :              

« Catel soldat de la Résistance, volontaire pour toutes les missions périlleuses. Glorieusement tombé au combat, le 10 juillet 1944 , lors de l'assaut pour délivrer la Ville de Caen ».

« Busnel soldat de la Résistance française dont il était l'un des premiers et des plus dignes serviteurs. A été tué à son poste de combat, le 13 juillet , ou cours d'un engagement avec des forces ennemies supérieures en nombre el en matériel ». Curieusement ce nom ne figure pas dans la liste des Résistants du Calvados établie par l'AERI, ni dans la Base des militaires décédés pendant la Seconde Guerre mondiale établie par le Ministère de la Défense où figure les deux autres noms. Camille Bunel  est dans la base du Mémorial des victimes civiles en Basse Normandie.

« Châtelain, soldat d’élite, volontaire pour toutes les missions périlleuses. A traverse les lignes, en plein jour, pour venir  se battre dans les rangs des FFI. Tombé glorieusement le 18 juillet1944 , à la tête d'une patrouille d'assaut canadienne qu'il guidait à l'attaque libératrice de Vaucelles ».

Le capitaine rappela ensuite la vie de Châtelain, toute de dévouement à la Patrie.

Raymond Châtelain, né le 31 juillet 1921 à Savigné Saint Mayé (en fait Savigny-sur-Braye) (Loir et Cher) avait été candidat à Saint Cyr ; seules les circonstances l’empêchèrent d’embrasser la carrière à laquelle il aspirait. Professeur d’anglais et d’allemand au collège d’Honfleur en 1940, il entra au Contrôle des prix où son patriotisme s'exerça d’une façon continue.

Dès le débarquement, son activité s'accrut, fournissant aux Allies de nombreux et importants renseignements.

Affecté aux Équipes d’Urgence , il accomplit maints actes de bravoure, relevant les blessés sous la mitraille et enfin passant les lignes, le 12 juillet, pour rejoindre Caen délivrée.

Aussitôt engagé dans les F.F.I. et, immédiatement volontaire, il part, en qualité d'officier éclaireur des troupes canadiennes et, réussit pleinement sa mission, rapportant de précieuses indications qui eurent une grande répercussion sur les opérations militaires des Alliés.

De nouveau  volontaire pour une seconde mission, il se conduit avec la même vaillance. Il devait tomber au retour, tué par un éclat d’obus, alors que, pour transmettre des renseignements à son camarade canadien,  il se dressait debout sous le feu de l’adversaire.

Pour commémorer le sacrifice de Raymond Châtelain, le nom de ce héros a été donné à la Caserne des F.F.I.

Source. La caserne de la Scamaroni. De nos jours.

Recouverte d’un pavillon tricolore, l'inscription « Caserne Châtelain » est découverte cependant que la troupe présente les armes et que saluent les assistants.

Une plaque en son honneur sera inaugurée en juillet 1967à l'angle du quai Eugène Meslin et du  pont de Vaucelles, le long des quais de l'Orne.

Passés en revue par le Commandant Gille qu’accompagnent M. le Préfet et les personnalités conviées à la cérémonie.

La Compagnie Scamaroni et le détachement de Sapeurs-pompiers s’éloignent ensuite pour la dislocation.

S'adressant aux officiers à l’issue de la cérémonie et d'une visite du casernement, M. Daure dit sa certitude que la Compagnie Scamaroni deviendrait l’une des meilleures unités- de la nouvelle Armée française et que ses chefs sauraient s’imposer par leur discipline et aussi par leur personnalité et leur dynamisme.

Avant d'offrir un vin d'honneur aux autorités dans les salons de la Préfecture, M. le Préfet adressa quelques paroles aux hommes.

Après avoir remercié le Commandant Gille de l'avoir invité à cette manifestation qui groupait tous les éléments Résistance militaire et civile, M. le Préfet déclara en substance :

« Vous allez entrer dans cette Armée nouvelle que des liens étroits uniront à la IVe République. Déjà vous avez été des soldats et déjà durant l’occupation, chaque jour surveillé, épiés, promis à la déportation ou à la mort si vous étiez capturés, vous avez ajouté au mépris du risque immédiat  le courage civique. Cette vertu virile que vous  avez montrée dans le passé,  je ne doute pas qu’elle se manifestera dès la première bataille à laquelle vous serez appelé à participer : je suis sûr que, sous le feu, c’est vous qui entraînerez vos camarades. Et lorsque la Paix sera revenue, j’ai confiance que vous souvenant qu’il ne faut pas seulement savoir mourir pour la Patrie mais aussi vivre pour Elle, vous serez d’aussi bons citoyens que vous avez été de bons soldats. »

Cette allocution fut saluée du cri « Vive la France ! Vive de Gaulle  !  Vive la République ! » ces trois mots d’ordre des F.F.I.

 

Source: Liberté de Normandie du 5 août 1944, aux Archives départementales du Calvados.