Témoignages: le 9 juillet à Caen
Un témoignage sonore, taper 99 AV 1248/3 dans la case "Cote"
1 -Ralph Allen
,
correspondant du
Global
and Mail interview le Major Jack
Stothart
, C Coy, SDG :
"J'ai mené ma compagnie dans Caen avant toute autre formation, après un bond de cinq miles franchi en trois heures, de Franqueville au boulevard Detolle, dans Caen. De nombreuses arrière-gardes nous ont ralenti mais rien à voir avec Gruchy (Note de MLQ: hameau de Buron) la veille ou Hell's Corner en juin.
NB:
HELL'S CORNER, nom donné par les soldats Canadiens au passage situé sur les
Buissons, à proximité de Vieux Cairon, Calvados, où le 7 juin 1944, l'attaque
allemande de Kurt Meyer contre le North Nova Scotia débarqué la veille, fait un
nombre considérable de tués. Les Stormont, Dundas & Glengarry Highlanders
supportent l'attaque des SS, qui avancent sur Buron le 10 juin.
La section de
tête du lieutenant J. Dure
avec le Sergent Mc Donald progresse si vite par
moments qu'elle se trouve au-delà du balayage des chars. Mis à part deux
positions de Nebelwerfer détruites au nord-est de
Carpiquet
(Easy, lieutenant Hartley), et les mines sur la chaussée, notre progression ressemble plutôt à une
procession triomphale. Nous avons permis à 300 personnes de sortir de leur
grotte à la Maladrerie. Ils nous ont en partie accompagnés de loin dans notre
avance, certains sont équipés d'armes allemandes capturées dont j'espère qu'ils
savent se servir ! Puis des femmes et des enfants sont sortis des maisons avec
des fleurs et du vin que nous n'avions pas le droit de boire à ce moment-là, et
il a été difficile de s'extraire de leur envahissante gentillesse".
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2 - Ralf Allen
,
correspondant du
Toronto Star:
"Tandis que nos forces entraient dans Caen ce
matin quatre officiers des
FFI tentaient d'y passer en franchissant l'Orne sur
un rail de chemin de fer, tous les ponts étant détruits ou gardés par l'ennemi
en retraite. Il s'agit de Gille
,
Duchez
,
Poinlane
et de notre compatriote,
Gindras(Note de MLQ:
mitrailleur sur Lancaster
,
abattu au-dessus d'Etampes le 6 juin et camarade de combat des
frères Vico (page
164 de ce
livre ). Dans ce
livre page 164, il est capitaine aviateur Canadien; après avoir sauté en
parachute avant que son avion s'abatte, il rejoint les FFI du
Calvados. Dans ce
témoignage: un canadien
français Paul Gingrat qui avait été descendu près d'Evreux et avait réussi à
gagner la Normandie avec le commandant
Léonard Gille). Leur mission était capitale puisque dans le sac à dos de Poinlane se
trouvait le premier drapeau de la liberté retrouvée, patiemment brodé d'une
croix de Lorraine
pendant les heures sombres de l'occupation. Ce drapeau a été
hissé ce soir devant l'Hôtel de ville provisoire, face à la Cathédrale"(Note
de MLQ: l'église Saint Étienne, voir
ici) ...
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3 -
Franck Gillard de
BBC News:
commente
les derniers combats pour la prise de Caen.
Photo IWM, page 247 de ce livre, avec l'aimable autorisation de l'auteur.
"Quand nos troupes sont entrées à Caen aujourd'hui pas un reproche, pas un cri de haine n'a été entendu de la part de la population meurtrie par cinq semaines de combats. Et maintenant, ce sont des obus allemands qui les visent, mais, toute à son émotion, la foule des Caennais nous accueille dignement, avec fleurs et effusions discrètes sans démonstration exagérée, témoignant d'une grande sincérité par leur courage qui donne toute sa mesure à cet inoubliable "Welcome". Certains nous parlent de la sauvagerie des SS dans les derniers jours, des pillages et des assassinats dont celui de la prison est le plus incompréhensible. Le vandalisme et l'incendie sans raisons de boutiques, du théâtre et de la gendarmerie. Un homme évoque avec respect l’image d'un colonel anglais à la tête des troupes qui entrent en ville : les balles giclaient tout autour de lui mais il poursuivait comme si rien ne devait pouvoir l'atteindre. Ma femme me disait il va être tué! Un sacré personnage, un héros !".
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4 -Un témoin inconnu
Témoignage publié dans ce livre (pages 140 et 141)
«Mais avec les Canadiens boulevard des Alliés, d'autres soldats débouchent. Ce sont des Britanniques, cette fois! Ils ont traversé la rue de Geôle en flammes au pied du château. (Note de MLQ: certainement la Cie B du Major Hyde, 2nd RUR venant des Fossés Saint Julien) D'autres soldats suivent. Claque un coup de feu. Un Canadien s'écroule vers l'église Saint-Pierre. Toutes les patrouilles s'arrêtent, l'œil aux aguets. La chasse aux snipers commence dans les ruines. Plus à droite, des Sherman suivent le boulevard Bertrand et prennent position aux angles des rues pour tirer vers l'Orne et la Prairie. L'un d'eux est caché derrière l'école Gambetta. De sa mitrailleuse, il arrose les toits des maisons de la rue Branville (de l'autre côté de l'Orne) où se cachent les Allemands. Le bassin et l'église Saint-Pierre délimitent approximativement notre secteur vers l'est. Les avant-postes tiennent les ruines de la Banque de France, rue Saint-Louis
A gauche la Banque de France
et s'échelonnent jusqu'à
l'angle
de la place Singer. L'ennemi est là-bas devant
nous,
accroché
sur les hauteurs de
Vaucelles. A droite,
à l'autre bout de la
Prairie, les
Novas
dessinent
une avancée
vers l'Orne,
près de la ferme des Baladas,
le long de la voie
ferrée.
La ferme des Baladas dans la Prairie
Et entre les deux,
adossés
au
Bon-Sauveur et au quartier Saint-Ouen (voir carte ci-dessus en
bas à droite) , les
Glens
veillent
sur le front de la Prairie avec,
pour
fermer l'horizon devant eux, l'immense rideau
vert
du Grand-Cours (aujourd'hui
Cours du général Koenig) qui rend toute observation
impossible.
»
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5 - Joseph Clare, tankiste canadien
Dans ce livre
témoignage de
Joseph Clare de
Sherbrooke Fusiliers
escadron C est
opérateur radio
dans le char de tête de la colonne de
Sherman qui descendent à présent
la rue de Bayeux:
"Je suis l'opérateur radio, mais également le canonnier du tank avec mission de servir le canon de 75 mm et la mitrailleuse. Alors que nous sommes en train de descendre la route qui vient de Saint-Germain-la-Blanche-Herbe, ce nom est gravé dans ma mémoire car je me vois encore lire la pancarte, un commandant d'infanterie arrive près du tank et nous dit en désignant les flèches de l'église : "Il faut que vous fassiez tomber cela !" nous lui répondons aussitôt : "Mais c'est une église !" il nous déclare alors : "Oui, mais il y a des "snipers" embusqués qui nous empêchent d'avancer, j'ai déjà perdu plusieurs de mes hommes, cassez-moi ça !" »
Nous n'avions pas d'autre issue que d'obéir. Cependant, nous étions en contact radio permanent avec le quartier-général auquel nous adressons un rapport de mouvement. Je charge le canon et j'ajuste le tir, nous sommes prêts, lorsque soudain je reçois dans les écouteurs de mon casque radio le message suivant : « Vous avez ordre de ne pas tirer, nous avons un rapport de l'intelligence service, cette église est pleine de gens réfugiés là. Dites au commandant de l'infanterie de sortir d'ici ! »
C'est de cette façon là que nous avons sauvé de justesse les tours et sans doute épargné des vies de réfugiés."
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6 - Mme Lorieux à La Maladrerie
Témoignage présenté dans ce livre
.
« Au matin du 9 juillet, deux Panzer sont encore à La Maladrerie, l'un est derrière le mur chez Antar, l'autre dissimulé dans le talus, route de Carpiquet. Ces chars disparaissent vers 9 heures. De très fortes explosions sont entendues, ce sont sans doute les Allemands qui font sauter les ponts de l'Orne. Puis c'est alors que nous entendons le bruit confus des rafales de mitraillettes dans les champs au nord de Saint-Germain-la-Blanche-Herbe.
Vers 11 heures, la rue de Bayeux est totalement déserte. Des Allemands ont incendié leurs véhicules et j'avance dans une épaisse fumée noire.
« C'est bon signe, les Canadiens ne vont pas tarder ! »
Deux Allemands à coups de pioche enfoncent une porte. Place des Petites-Boucheries, trois Panzern veillent sur le carrefour entourés d'Allemands à plat ventre sur le trottoir, fusil mitrailleur en batterie. Je remonte la rue de Bretagne, le petit café brûle. M. Castel accourt pour me dire de rentrer car les Allemands et les Canadiens se battent à La Maladrerie. Tout à coup au croisement surgit une automitrailleuse blanche de poussière avec un grand chiffre à l'avant. En me voyant, un jeune officier canadien sort la tête et agite la main. Au moment où il saute à terre, j'entends l'indicatif de la BBC et « ICI LONDRES,.. » sur le poste de radio du véhicule. Le Père Descordes, directeur de Saint-Joseph (Note de MLQ: Institut Saint Joseph, rue des Rosiers), qui était avec nous, se précipite dans les bras du jeune lieutenant canadien, poussant un « Ah ! » et les deux hommes se serrent longuement en une accolade silencieuse. Soudain une femme éclate en sanglots derrière moi. Je ne sais pourquoi, les larmes jaillissent soudain et roulent sur toutes les joues. Très ému lui aussi, le jeune lieutenant grimpe dans son automitrailleuse :
« Rentrez chez vous car les Allemands peuvent revenir, dit-il. Si les ponts ne sont pas pris à 16 heures, il y aura un nouveau bombardement. »
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7 - Mme. Lavieille à La Maladrerie
Témoignage présenté dans ce livre
.
«Je trouve des Canadiens avec des Sherman, un officier armé d'un gros revolver s'avance vers moi:
« Comment ! Civils ici ? Que faites-vous là ? Où sont vos abris ? »
Je lui réponds que nous sommes cinquante-deux Français cachés dans une carrière à 27 mètres sous terre.(Note de MLQ: carrière du Bowling)
« Je veux voir. Montrez-nous cela! »
Et je suis descendue
à la longue échelle avec un géant canadien, assez
surpris de voir cinquante-deux Français jaillir des
profondeurs, se jeter à son cou et l'embrasser. Ce
Canadien n'était autre que Prosper Larivière du peloton
des éclaireurs des Reginas
(Note de MLQ:
The Regina Rifles Regiment, 7th Brigade, 3rd Cdn ID,
information bizarre vu l'heure d'arrivée de ce bataillon à La Maladrerie après
18H00 !) ),
verrouillant le carrefour
de La Maladrerie.
Dans le film « 1944, une enfance souterraine » de Sylvain Leduc, coproduit par Gérald Leroux – Tarmak Films et France 3 Normandie, cet épisode est relaté: Prosper Larivière était accompagné de deux autres soldats canadiens: Maurice Bellegarde et Alex Montebœuf, ils se sont présentés aux réfugiés en disant "Nous sommes les libérateurs!"
Source: Collection Mme Louisette Berlinguez-Gimonet. Des civils et des Canadiens à l'entrée du puits d'accès de la carrière; juillet août 1944.
Lorsque j'ai voulu regagner ma maison, suivant des yeux une longue colonne au loin descendant sur Venoix, un soldat canadien était tombé sur le trottoir juste devant ma porte. Des colonnes de soldats descendaient d'Authie et de l'Abbaye d'Ardenne. Une maison brûlait près de la casemate du Planitre incendié par un tank. »
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8 - M. T.
Témoignage présenté dans ce livre
.
A 10 h 30, une arrière-garde est en position sur le trottoir face au Majestic (Note de MLQ: un cinéma Bd des Alliés).
Boulevard des Alliés, la brasserie Chandivert et le cinéma Majestic
Les soldats rampent avec des grenades et des chapelets de balles. Une dernière patrouille débouche en courant et tout le monde se replie précipitamment.
En début d'après-midi, nous voyons les premiers Canadiens rasant les murs, mi- courbés, mitraillette en avant, s'arrêter face au Majestic. Ils tirent plusieurs rafales sur les Allemands embusqués côté Monoprix. D'autres Canadiens arrivent. Je me précipite vers eux pour leur dire que depuis le 6 juin, nous tenons caché le squadron leader de la R.A.F. Eric Sprawson dont le quadrimoteur, touché par la Flak, s'est abattu sur Caen la nuit du débarquement.
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9 - L'abbé André Louvet
Témoignage présenté dans ce
livre
.
Dimanche 9, je monte chanter la messe dans la chapelle du petit séminaire (3 rue du général Moulin à La Maladrerie) accompagné par le tintamarre des rafales de mitraillettes.
Comme chant final pour faire suite à « l'Ite Missa est » l'assistance entonne : « Nous voulons Dieu... » mais au-dehors ce n'est qu'un cri: « Les Canadiens ! Les Canadiens !» Ils arrivent par sections rasant nos murs. Toute l'assistance se porte vers eux pour les acclamer. »
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10 - L'Abbé Lenormand
Témoignage présenté dans ce livre
.
Le matin du 9, précisément, au moment où l'Abbé Lenormand, vicaire à Saint-Etienne, montait la rue de Bayeux pour aller dire sa messe à la prison.
Le jeune prêtre eût, en cours de route, quelques difficultés pour passer ; notamment à l'entrée de la rue de Bayeux, et aussi à l'intersection de cette rue avec la rue Bicoquet, où il vit un soldat allemand, mettre le feu à son camion.
Un peu plus loin, il rencontra une femme qui lui conseilla de ne pas aller plus loin car, disait-elle, les SS fusillaient tous les civils qu'ils rencontraient. Elle lui précisa qu'ils venaient de tuer M. Lelièvre, Directeur de la scierie, située après le passage à niveau.
Mais l'abbé Lenormand n'en tint pas compte. Il était en soutane et, par conséquent n'était pas un « civil ». Tout de même, à hauteur de la rue d'Authie, il hésita entre la direction de la Haie-Vigné, et la rue de Bayeux, mais poursuivit quand même son chemin.
A la hauteur de la Maison Lelièvre, il vit une ambulance, et se rendit compte que la femme rencontrée, ne lui avait pas menti... D'ailleurs, Mme Lelièvre lui raconta la fin tragique de son mari, lequel fut abattu, alors qu'il ouvrait la barrière de la scierie, afin d'aller voir ce qui se passait...
L'Abbé n'en menait pas large, en apercevant les assassins qui se tenaient à la hauteur du passage à niveau. Et pourtant, ce prêtre, qui n'avait pas froid aux yeux - il avait été dans les « corps francs » en 1940 - fut saisi de terreur, entre les abords de la scierie et le calvaire (
Note de MLQ: calvaire St Etienne à l'intersection de la rue de Bayeux et de la rue du général Duparge) , en sentant les SS si près de lui, dans son dos. Sa grande carrure en soutane, présentait, en effet, une cible facile, pour qui aurait voulu l'abattre...Quand il revint, sa messe dite, l'abbé constata que les allemands étaient toujours là, mais dispersés, et qu'ils gardaient chaque carrefour.
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11 - M. Max Maurin
Témoignage présenté dans ce livre
.
Le 9 juillet, un char allié passe devant ma porte, rue Saint-Martin, où je suis réfugié :
« Where is the River Orne ? »,
me demande le chef du tank.
« Je vais vous piloter »,
lui répondis-je. Je monte sur un char. Nous descendons le boulevard Bertrand. Ce que je n'avais pas prévu, c'est que, dans les ruines du Théâtre,
Voir ici le théâtre avant guerre
était posté un groupe de
mitrailleurs ennemis. Le tir commence. Les soldats anglais ferment le capot du
char, ripostent et font demi-tour. Je saute à terre et de toute la vitesse de
mes jambes, je me réfugie au hasard d'une porte béante, dans une cave où je
retrouve des Canadiens et M.
Hollier-Larousse, maire de
Louvigny et membre de la
Résistance. Je souffle un peu, car j'ai eu chaud. Puis, par des voies
détournées, je gagne le
Lycée.
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12 - Joseph Poirier, 3ème adjoint au maire, directeur urbain de la Défense Passive.
Il s'agit
de larges extraits de ce livre:
La bataille de Caen 6
juin-15 août 1944 vue au jour le jour de Joseph Poirier
, Caron à
Caen, 1945.
9 juillet
La nuit a été terriblement agitée. Aux premières heures de la matinée, on constate de mieux en mieux le décrochage allemand. Cette fois, c'est l'arrière-garde qui s'en va. Déjà le Kampf-Kommandant a plié bagage.
(Note de MLQ:
Ce Kampf-Kommandant est également cité page 154 de ce livre
visite du
préfet Cacaud
,
accompagné de M. Fredy ingénieur des Mines et du médecin-capitaine Nadot, rue
Saint Gabriel, dans l'immeuble Pelpel*, à 2 heures du matin le 8 juillet pour
obtenir des explosifs pour circonscrire les incendies rallumés par le
bombardement du 7 juillet ; son identité est inconnue)* M. Pelpel était
un horticulteur-maraîcher-grainetier qui possédait pratiquement tous les
terrains du secteur Beuvrelu le long de la rue St Gabriel et les champs à droite
du cimetière St Gabriel le long du Bd Richemond (Champs St Michel) et son
magasin était 41 rue St Sauveur
Camions, autos, tanks, ambulances se succèdent et cependant des tirs nourris arrosent d'obus les rues Caponière, de Bayeux et les places de l'Ancienne-Boucherie et Louis Guillouard. C'est plus fort que soi, on se hasarde malgré le danger pour voir la fuite de l'ennemi, celui qui nous annonçait il y a huit jours seulement que CAEN ne serait jamais pris, que les Anglais seraient rejetés à la mer, que le débarquement avait été un échec complet.
J'apprends qu'on a vu passer, dans la matinée, place Saint-Martin, une automitrailleuse anglaise. A midi, on signale des motocyclistes anglais et quelques avant-gardes qui tâtent le terrain. Cependant, place de l'Ancienne-Boucherie, 3 tanks allemands sont toujours en position et les rues avoisinantes restent sous le feu des mitrailleuses boches. Le déjeuner est fébrile. Est-ce vraiment la délivrance ? Y aura-t-il une contre-attaque ? Nous savons déjà qu'il n'y aura pas de combats de rues, puisque les Allemands sont partis abandonnant les ouvrages : blockhaus et autres fortifications improvisées qu'ils avaient préparés à tous les carrefours.
Dès le début de l'après-midi, je vais rue Guillaume-le-Conquérant à la rencontre des Alliés. Hurrah ! Ce sont des Canadiens Français (Note de MLQ: il n'y avait pas de régiment francophone) qui défilent en longues colonnes, un par un, en prenant des précautions indispensables, car il peut y avoir des Allemands cachés dans les maisons. Les chars arrivent. Les drapeaux tricolores sortent et nos amis Canadiens qui, tous parlent un français impeccable nous bourrent de cigarettes, de chocolats, de bonbons. Les femmes les embrassent, les hommes les saluent, mais le tout avec dignité, sans folle exagération. Nous avons trop souffert dans nos affections les plus chères pour acclamer outre mesure ceux que les nécessités de la guerre ont obligé à nous faire tant de mal.
Je rejoins mon parloir-mairie
(voir repère 1) et
revêts mon écharpe tricolore, car les premiers officiers britanniques ne vont
pas tarder à se présenter à moi. Mon émotion est à son comble, car j'évoque à
cet instant cette matinée du 18 juin 1940, où j'eus le triste privilège de
recevoir le premier officier allemand qui venait d'entrer dans CAEN. J'étais
alors convaincu de mon arrestation immédiate à titre d'otage ! Aujourd'hui,
l'homme qui dans quelques instants va se présenter à moi est l'Allié, le
Britannique opiniâtre qui n'a jamais douté de la victoire et qui nous apporte le
droit de sortir nos drapeaux et de chanter "La Marseillaise". J'entends des
acclamations. On se bouscule, on fait la haie, et brusquement le major H. (Note
de MLQ: Helmuth des Civil Affairs)
est devant moi. Un long serrement de mains. J'ai les larmes aux
yeux. Lui aussi, je crois. Une longue conversation s'engage. Il parle un
français très correct et se préoccupe avant tout de nos besoins. Hélas ! ils
sont immenses, mais le nécessaire sera fait avec un maximum de célérité pour que
nous recevions tout ce que nous avons désiré. A l'issue de notre conversation,
il me demande de lui indiquer dans CAEN un bon hôtel où l'on puisse lui préparer
de suite un bain chaud. Brave major H. ! il ignore l'état de notre ville et
quand je lui aurai expliqué que les trois quarts de la cité, et notamment tous
les quartiers centraux, sont rasés, qu'il n'existe plus un seul hôtel, que notre
mairie, notre université, nos églises sont détruites, il n'en reviendra pas.
Quelques instants après, je reçois la visite du nouveau Préfet, mon excellent
ami, M.D.(Note de MLQ:
Daure),
ancien recteur de l'Université, révoqué par
VICHY et clandestin depuis deux ans.
II est accompagné des
F.F.I., des hommes de la Résistance à la tête desquels se
trouve le capitaine G. (Note de MLQ:
Léonard Gille)
,
Président du Comité de Libération. Trois autres officiers britanniques et
américains arrivent. C'est la joie qui éclaire tous les visages. Shake-hands,
accolades, congratulations et sans plus tarder on se met au travail, car il faut
avant tout se préoccuper de la population caennaise. Des 18.000 durs à cuire qui
tiennent depuis 33 jours... Des camions de ravitaillement arrivent de
BAYEUX. On réclame du
chlorure de chaux pour les innombrables cadavres non
encore inhumés. Le service de santé manque de médicaments. Toutes dispositions
sont prises pour que dès le lendemain des camions anglais nous apportent les
produits indispensables.
A la fin de l'après-midi,
première cérémonie patriotique. On hisse le drapeau tricolore au grand mât du
Lycée Malherbe, en face de la basilique Saint-Etienne. Les troupes anglaises et
F.F.I., présentent les armes, que de gens pleurent d'émotion devant le symbole
de la Patrie mutilée, mais renaissante. Une Marseillaise frénétique éclate. Le
capitaine G. fait acclamer
de Gaulle
et les Alliés, et d'une seule voix, d'un
seul cœur la foule crie « Vive la France ». Jamais depuis le 11 novembre 1918,
je n'avais vécu minute semblable.
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13- Le père Léandre Perdrel, Eudiste, vicaire de la paroisse Saint Jean-Eudes
Témoignage présenté
dans ce livre:
Je rencontre dans la rue Tortue les 10 derniers Allemands très fatigués. En arrivant à l'église, j'aperçois les Canadiens (
Note de MLQ: bizarre! ce quartier a été investi par le 3rd Reconnaissance Regiment RAC (8th Northumberland Fusiliers) de la 3rd British ID), ils entrent sans obstacle. A peine entrés au presbytère, 4 obus anglais de tir trop court tombent dans le jardin, tuent et blessent deux des leurs. - Continuant leur chemin une trentaine arrivent à l'hôpital ; on leur demande« Pourquoi nous avez-vous arrosés d'obus ?»
« Nous cherchions deux pièces d'artillerie »
(qui tiraient en réalité de plus loin). En tout cas, l'hôpital fut dans leur champ de tir. Nombreux dégâts par l'artillerie anglaise et continuation par l'artillerie allemande qui les prend à rebours.
"Photo collection Jean-Pierre Benamou avec son aimable autorisation" Le quartier Saint Jean Eudes le 9 juillet, à gauche l'église de la Trinité de l'Abbaye aux Dames.
Un officier visite les abris, fait une prière à la chapelle, demande de prier beaucoup et de ne pas quitter les abris avant 4 ou 5 jours. Ils craignent la réplique des Allemands. Le soir, chars et tanks rentrent à Caen pour la bataille de la nuit. Dans la nuit il y eut de nombreux îlots de résistance qui se manifestèrent.
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14- Mme Paulette Le Querrec, réfugiée dans l'abri souterrain du Sépulcre. Témoignage inédit.
Le dimanche 9 juillet, l'abbé de Panthou bien éprouvé, a commencé à dire la messe à 9H, comme il le faisait tous les dimanches. Les personnes que cela n'intéressait pas sortaient. Tout à coup ils sont revenus en courant et nous ont dit: "Les Anglais sont là, ils sont rue Leroy". Ils rasaient les murs car des Allemands pouvaient être encore dans les maisons.
Au bout de quelques minutes qui nous ont semblé bien longues, ils sont descendus dans l'abri, peureusement avec leur fusil devant eux, ils nous regardaient complètement ahuris, il est vrai que nous devions être plutôt misérables. C'était le silence total, personne ne disait mot. Un Anglais a dit quelques mots "un peu français" mais personne ne comprenait. Après s'être assurés qu'il n'y avait que des civils la détente est venue, nous pleurions tous, tout le monde s'embrassait, c'était la délivrance si longtemps attendue et après tellement de drames et de peine !
Dans la journée nous avons vu d'autres soldats qui nous ont apporté à manger: biscuits, chocolat, cigarettes. C'était la joie !!
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15-Rapport officiel établi par la la Mère Supérieure de la Communauté des Sœurs du Bon-Sauveur.
Témoignage présenté dans ce livre
. Le 9 juillet :
« Les Canadiens se font ouvrir les portes des maisons pour s'assurer que des Allemands ne s'y cachent pas. La nôtre ne s'ouvrant pas assez vite à leur gré, ils usent de leur fusil mitrailleur et tirent en plein dans la cour d'entrée : les éclats viennent jusqu'à la chapelle Saint-Michel et blessent légèrement deux hommes de la D. P.(Lire le témoignage suivant)
Source, l'entrée du Bon Sauveur 93 rue Caponière.
La porte leur est alors aussitôt ouverte ; ils s'étonnent de voir des Sœurs et, se reconnaissant dans un couvent, s'excusent de leur regrettable geste ; c'est qu'ils croyaient disent-ils, qu'on cachait des Allemands. »
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16- 12 000 réfugiés au Bon Sauveur.
Témoignage présenté dans cette
brochure
. Dimanche 9 juillet
Les Anglais seraient au Jardin des Plantes. La prison de la Maladrerie brûle. Des ordres sont donnés pour que personne ne sorte en ville ni dans les jardins du Bon Sauveur. On entend les mitrailleuses ; il y a donc à peu de distance des combats corps à corps. Les Allemands fuient par petits groupes et dans leur fuite, mitraillent les civils qu'ils rencontrent ; ce matin, ils ont mitraillé Monsieur Le Lièvre (Note de MLQ: voir le témoignage N°10) , entrepreneur, juste au moment où il ouvrait sa porte. Lui aussi sera inhumé dans le cimetière de la Cour des Anges.(Note de MLQ: repère 8 cimetière)
Vers 14 heures, les Canadiens entrent dans Caen. Nous en apercevons place Villers (Note de MLQ: à proximité du 93 rue Caponière entrée du Bon Sauveur) , montés sur leurs tanks. Des femmes du quartier leur jettent des roses, des cerises à pleines poignées ; eux offrent chocolat et cigarettes ; mais d'autres, dans le centre de la ville en ruines, leur auraient jeté des pierres. Tous les Français sont dehors. Déjà notre drapeau flotte sur l'Ecole Normale, la foule de nos réfugiés est impatiente d'aller voir les Canadiens en ville. Ces derniers attirés par le bruit venant de la cour des Parloirs, croient que nous cachons des Allemands, tirent dans notre porte, (Note de MLQ: lire le témoignage précédent) blessant légèrement plusieurs hommes de la Défense Passive. Cependant, les Allemands surpris de voir la Ville prise par le Sud-ouest, alors qu'ils comptaient la voir envahie par le Nord et l'Est, mettent le feu aux hangars de la caserne de la rue Damozane (Note de MLQ : Il s’agit de la caserne Lorge) et fuient en civil.
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17- Madame SAUVAGE réfugiée à Saint Etienne
Témoignage présenté dans cette
brochure
.
Au matin du 9 juillet nous entendons des bruits de bataille se rapprocher. Ce ne sont plus des bombes, mais des détonations sèches et des crépitements de mitrailleuses.
Le portail s'ouvre et nous voyons une dizaine de soldats au casque plat pénétrer dans l'Abbatiale et se diriger vers le Chœur. Comme on tiraille encore au dehors, nous restons à l'abri. Lorsque le calme revient nous sortons.
Nous sommes enfin libres... même si les jours et les semaines suivantes des obus et des bombes continueront de tomber ici et là, faisant encore quelques victimes.
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18- Sœur EMILIE, des filles de Saint-Vincent-de-Paul, au Lycée Malherbe changé en hôpital
Témoignage présenté dans cette
brochure
.
Dimanche 9 juillet
Nuit très calme, sans bombardements. A 6 heures du matin, la rue est déserte, des camions allemands passent. Un énorme tank dit "Le Tigre" les suit (Note de MLQ: pas de Tigre à Caen mais des Panthern), l’officier pilote du haut de la tourelle est blessé au visage, le sang coule, on sent que les soldats sont exténués.
A 6 h 30, je vais à Saint-Etienne, personne dans la rue. Quelques soldats, mitraillette en main, vont et viennent comme des fous, place des Petites Boucheries, ce sont des S.S. Ils ne savent pas quelle direction prendre.
Vers 9 heures, les soldats descendent la rue de Bayeux, en courant, chacun prend un poste sous les portes cochères, ils s'embusquent dans les corridors des maisons, à toute vitesse ils barrent la rue avec des chevaux de frise. Mes malades dans la salle ont très peur, tout le monde voudrait aller dans les abris, mais cela est impossible. Je tâche de les rassurer.
Les sept mille réfugiés du Lycée sont dans l'angoisse. Impossible de sortir, même dans la cour, les balles sifflent de tous côtés.
Des tanks allemands passent à toute vitesse, ils prennent la direction de la gare et de Fleury. Les soldats S.S. avancent en hésitant ; ils sont courbés, sont loin de crâner en faisant leur pas de l'oie.
Des fenêtres du Lycée nous suivons le combat. Vers 2 heures les mitrailleuses marchent sur la place. Arrive un tank, puis un second, ils rentrent dans la cour d'honneur du Lycée et deux hommes sortent du capot des tanks en criant : «Nous voilà les gars, vive la France», ce sont des Canadiens Français.
L'émotion est poignante, les femmes pleurent de joie. Ils sont reçus avec entrain. Aussitôt distribution de cigarettes aux hommes et de chocolats aux enfants.
On est content de les entendre parler le vieux Français avec des mots en patois normand.
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19- Madame DENQUIN
Témoignage présenté dans cette
brochure
.
9 juillet, 2 h
après-midi - dimanche.
L'Eglise Saint Etienne est pleine de monde, tous plus recueillis, on sentait notre libération approcher, on disait que les Anglais étaient rue Caponière ; on n'y croyait plus. Enfin, défense de sortir depuis ce matin ; la dernière vision que j'ai des Allemands ils sont sous les marronniers en face du Lycée avec leurs canons. Je revenais de la maison quand un chef d'abri me crie : "Rentrez de suite, défense de sortir". Je me demande pourquoi cet ordre il n'y a plus personne non plus sur la Place. Je cours donc à l'abri et un moment après on entend des crépitements, des balles sifflaient ; enfin, vers 1 h on crie les voilà, on ne tient plus en place, les plus jeunes, malgré la défense faite de ne pas sortir, passent par dessus les grilles pour pouvoir arriver plus vite pour voir nos libérateurs de plus près. Je cherche Paul, en vain autour de moi, le demande, personne le connaît, tout d'un coup on entend retentir des cris clamant la Marseillaise, sur la place du Lycée on hissait le drapeau tricolore. Paul y était et vient me raconter que comme ses camarades, il était parti à la rencontre des Canadiens, et que ce fut émouvant, les couvrant de fleurs sur leurs chars. Après, nous sommes allés à l'église, un salut fut donné pour remercier Dieu de nous avoir rendu la liberté.
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20-Mlle Françoise ETIENNE, neuf ans en juin 1944
Témoignage présenté dans cette
brochure
Le dimanche matin, on apprend que La Maladrerie est prise par les Canadiens. Nous attendons... Ce n'est que dans l'après-midi que l'on voit apparaître les premiers soldats alliés en file indienne, aux aguets, le casque recouvert de feuillage. Mon père se dirige vers l'un d'entre eux et lui dit :«Pas trop dur ?... Vous devez être fatigué ?»...La réponse nous surprend «Oui... un p'tit brin !». Il parle français. C'est un Canadien.
Monseigneur
des Hameaux
sort sur le parvis et se prépare à
accueillir les Libérateurs avec joie mais gravité. Alors, au milieu d'une foule
silencieuse et très émue, je vois hisser pour la première fois de ma vie le
drapeau français.
Un peu plus tard, les prêtres de St-Etienne organisent une cérémonie religieuse en Action de Grâce. La plupart des occupants de l'Abbaye aux Hommes ont quitté les lieux. Dans le chœur, Monseigneur des Hameaux entonne le «Tantum Ergo» quand un fracas épouvantable retentit sous les voûtes. Un obus vient de toucher l'église. Malgré les cris, les bruits de pierre et vitraux brisés, les fidèles restent sur place et le prêtre donne à tous le Salut du Saint Sacrement. C'est là, la dernière image souvenir d'un enfant pendant le siège de Caen.
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21- Mlle Brigitte PIERDA
Témoignage présenté dans cette
brochure
Ce jour-là, le dimanche 9 juillet, je revenais de la messe avec ma tante en escaladant les décombres de la rue de Bretagne. Nous vîmes tous les Allemands partir de la rue avec leurs chars. Ceux qui logeaient à la maison nous firent signe de rentrer bien vite. Parmi les 300 SS, des garçons bien jeunes (16/18 ans), je m'en suis rendu compte plus tard... Ce jour-là, nous sommes restés enfermés dans la maison, inquiets des nouveaux bruits d'armes que nous entendions. Et après le silence, les premiers Canadiens descendirent la rue.
Ce jour-là tout basculait à nouveau et après quelque crainte de mettre le nez dehors, nous accueillions les Libérateurs, avec une joie retenue au début, à cause de tous les morts et des décombres, mais qui à mesure se fit plus éclatante et c'est le chocolat et les cigarettes qui pleuvaient sur nous.
Ce jour-là, ce n'était pas encore la fin de la guerre, mais c'était "notre" Libération. On ne peut oublier le bruit des chars sur les pavés, ni les sourires de ces soldats à notre égard.
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22- Mlle Richier
Témoignage présenté dans cette
brochure
Lorsque nous en sommes sortis des caves du Lycée pour nous trouver devant les premiers soldats Canadiens arrivant par la rue de Bayeux, nous étions encore plongés dans l'enfer de ces 45 jours. Nous les regardions défiler... et je me rappelle que l'un d'eux s'est plaint de notre accueil morne et peu chaleureux.
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23- M. Paul Monzein, réfugié aux carrières Kaskoreff à La Maladrerie.
Témoignage paru dans: Journal d’un Caennais (Paul Monzein) Bataille de Normandie de René Horval, Tome 1, Editions de « Notre Temps », 1947.
Dimanche 9 juillet. - Dès 9 heures du matin, je suis au Palais.
Le Palais de Justice que tous les Caennais appellent Les Tribunaux
Les combats paraissent s'être rapprochés.
A 10 heures, je reviens au Bon-Sauveur. Je n'ai rien à faire, je resterai donc at home... Presque plus de troupes dans la rue; quelques sections de combat.
Entre midi et 2 heures, coups de feu dans la rue.
3 heures : les Anglais sont là. La nouvelle se propage comme une traînée de poudre... Une cigarette anglaise : preuve de l'authenticité de la nouvelle... Calvados...
Interdiction de sortir du Bon-Sauveur avant 5 heures. A 5 heures, je reviens aux carrières : Canadiens; cigarettes, chocolat, thé... Le soir, nous buvons le champagne, les Canadiens parlent presque tous un savoureux vieux français...
Nous sommes libérés...
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24- Philippe Bauduin, 14 ans, réfugié à l'hôpital Clemenceau
Dimanche 9 juillet 1944.
Ce matin les Anglais sont à 500 mètres de nous. On entend les mitraillettes. A
11 heures les Anglais ou plutôt les Ecossais (Note de MLQ:
certainement du 1st KOSB)
arrivent dans l'hôpital
avec une Jeep portant un blessé sur un
espèce
d'échafaudage, cherchaient un médecin. Ils furent bien
accueillis. J'ai été pris en photo avec le lieutenant. Ils sont nombreux dans
l'abri. L'odeur du tabac blond monte à la tête. Le chocolat fut distribué. On
entend les départs de batteries anglaises. Le plus jeune d'entre eux a 19 ans.
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25- M. Bavay, Directeur de la succursale de Caen de la Banque de France
Dimanche 9 juillet
En effet, vers 10 heures du matin, nous remarquons que les SS paraissent reculer, tout en surveillant les arrières, vers la rue de Bayeux. Les Anglais approchent certainement.
Vers 1l h 30, une automitrailleuse s’arrête devant le Palais de Justice. Elle est pilotée par des Canadiens à la poursuite des Allemands et l’arrivée des troupes alliées continue pendant tout l’après-midi. Les sorties du Lycée sont interdites, mais je puis néanmoins vers 16 heures m’approcher de fantassins canadiens qui se dirigent vers l’Orne (Vaucelles). La réaction de l’artillerie allemande est faible.
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26- Une Caennaise réfugié au Lycée Malherbe
Le 9 juillet était un dimanche. A 11 heures, l'aumônier du Lycée, l'Abbé Hue dit la messe à la chapelle, quand quelqu'un crie « les voilà ». L'Allemand installé avec sa mitrailleuse à l'entrée de la rue ne tire pas, les Anglais tardent. Vers midi et demi, alors que nous avons regagné notre appartement sous les toits pour le déjeuner, voilà le tac-tac des mitrailleuses. « prends la petite » me dit Gilbert. J'obéis. A l'instant même, trois balles de mitrailleuse tombent dans le berceau. Je hurle. Je prends les balles, elles me brûlent la main.
Dans l'après-midi, une rumeur générale « les voilà ». Pierre court plus vite que nous au rez-de-chaussée. II veut les voir. On nous dit « un enfant vient d'être tué ». Mon mari part comme un fou. II trouve Pierre près de la porte principale et lui administre une bonne gifle. De fait, un obus avait fait tomber un morceau de la pierre centrale de la porte sur la cour, blessant un enfant. Les deux premiers Anglais que j'ai vus étaient ivres de fatigue. Ils furent portés en triomphe sur les épaules des hommes et allèrent dormir.
Vers 5 ou 6 heures du soir, un bruit court « le drapeau français va être hissé devant le Lycée ». Avec une joie folle, nous nous précipitons à la grande porte. Nous sommes derrière ; les enfants se faufilent. Le drapeau bleu, blanc, rouge monte, monte. Je ne puis retenir mes larmes.
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27- M. A. Boulvain, réfugié dans la carrière Kaskoreff
Témoignage présenté dans ce livre
.
Le 9 juillet à 11 h 30, tandis que Monsieur l'Abbé Louvet chantait l'« Ite Missa est », une rumeur confuse s'éleva, grandit pendant le chant du cantique "Nous voulons Dieu", et finit par exploser en un grand cri de joie : « Les Canadiens sont là ». Le dernier couplet du cantique fut si plein d'entrain et de force que certainement on dut l'entendre de loin.
C'était enfin la libération. Je remontai à la surface, et je vis les « S. S. » ramper dans la rue d'Authie, tandis que les chars canadiens défilaient déjà dans la rue de Bayeux. Je dus interdire l'accès des échelles que les réfugiés enthousiasmés assaillaient de toutes parts. Quelques heures après, les Canadiens descendirent nous combler de chocolat et de cigarettes, et en échange, le vin sortit des cachettes. Le soir, des accordéons jouèrent les hymnes nationaux, et nos braves Canadiens, un peu gais, se prêtèrent à toutes les fantaisies des enfants.
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28- Mme Leullier, réfugiée au Bon Sauveur
9 juillet - C'est dimanche
On n'entend plus rien ? Aucun bruit, pas de chocs, pas de bottes. Qu'est-ce que cela veut dire ? II faut vous expliquer que nous sommes campés dans les bâtiments de l'asile de fous, ces malades ayant été évacués depuis plusieurs mois déjà. Donc, grands murs à perte de vue, fenêtres, cabanons, décor enchanteur, il ne nous manque plus que la camisole de force. Heureusement nous jouissons de la plus grande liberté à l'intérieur de l'établissement et les jardins sont à notre disposition. Nous pouvons aller en ville si nous voulons, mais ce matin là, personne ne bouge. Que présage ce silence ? Tout à coup : « Tac, tac, tac, tac », on aperçoit un soldat sur une cheminée, qu'est-ce que c'est ? C'est un Canadien, mais on l'identifie mal et, avec précaution, quand on est bien assuré de sa nationalité c'est une ovation. Les « Boches » sont partis, les Canadiens prennent la ville, mitraillette au poing. On n'ose pas croire à son bonheur. Le soir, distribution de biscuits à tous les enfants. Les soldats lancent des cigarettes et des chocolats.
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29- M. René Morin, réfugié dans la carrière Kaskoreff
Témoignage paru dans ce
livre
.
Aujourd'hui dimanche, j'assiste à la messe. Il est midi. L'office religieux touche à sa fin. Quelque chose d'autre pourtant retient mon attention, une sorte de rumeur venant de la carrière.
Je quitte l'assistance et me dirige tout droit vers la sortie la plus proche. Des gens s'agitent un peu partout, d'une façon qui n'est pas dans les habitudes. Quelqu'un lance même cette phrase :
Les Anglais sont là ! Sans hésiter, j'empoigne le rail qui monte directement à la surface et escalade la paroi le plus vite possible. Le soldat que j'aperçois en sortant la tête de mon trou est de petite taille. Il a un casque plat, une tenue en toile sombre, et une mitraillette à la main. Il me regarde en souriant mais, pour être sûr de ne pas me tromper, je lui demande-
You, English ?-
Ya, répond-il placidement en s'approchant et en sortant de son blouson un paquet de Players.Moi qui m'attendais à un « Yes » retentissant, j'en suis tout déconcerté. Néanmoins je saute hors du trou, prend la cigarette qu'il me tend et, pour lui faire voir que je suis un enfant du pays, lui montre du doigt notre maison, à l'autre bout du terrain vague
-
This is my home !, dis-je, tout fier d'utiliser quelques rudiments de mes connaissances en anglais.-
C'te maêson là, dit-il alors, avec un accent du terroir qui me stupéfie, on va la faire saôter. Y a des boches d'dans !J'écarquille les yeux et n'en crois pas mes oreilles. Mais effectivement, j'aperçois un char manœuvrer aux alentours, le canon pointé sur notre malheureuse maison. Je m'attends à voir tout sauter sous mon nez, d'un instant à l'autre, mais les secondes s'écoulent et il ne se passe rien.
Finalement, le char repart en avant, en faisant tourner sa tourelle dans une autre direction.
-
Les boches ont préféré s'cavaler, me dit le soldat en traînant la voix.Il me tend un étui d'allumettes en carton et, en le saisissant, je lui demande :
-
Vous êtes canadien français ?- Ya
, dit-il encore, Shawinigan.J'allume ma première cigarette anglaise et redescend aussitôt par où je suis venu. Cette cigarette-là, il y a au moins une dizaine de personnes, au fond, qui voudront en tirer une bouffée.
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30- Extrait de
édition de 1945
On entend dire, le dimanche, matin, que les unités qui avaient pris position dans la ville avaient plié bagages, que c'était un ordre. On s'attend au mieux comme au pire.
Enfin, tout à coup, dans la matinée du dimanche 9 juillet, vers 11 heures, étant sur le pas de la grille du jardinet de la maison où nous sommes,(Note de MLQ: près du Jardin des Plantes) afin de voir un peu ce qui se passait, j'aperçois arriver dans la rue.., des Tommies ! Ils sont six, armés de mitraillettes, à pied ; ils avancent en patrouilleurs.
Au même moment, des boches passent au bout de la rue. Ils n'ont pas l'air fiers, ils paraissent vouloir se défiler...- Je crains- un coup dur pour les Tommies au carrefour. Mais il n'en sera rien : les civils qui habitent au coin les ont prévenus qu'ils pouvaient y aller. Pourtant, il y en aura deux qui tomberont plus loin, car des boches restent embusqués dans certains coins.
Peu après, c'est l'arrivée des tanks anglais. On a l'impression que ce sont des touristes : ils débouchent de tous les coins de rues et, flegmatiques, les occupants stoppent et sortent. Cigarettes, explications - Good-bye !- Good-day !- il en sera ainsi toute la journée. On respire !
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31- John d'Arcy Dawson, War
correspondent au
Daily Sketch,
page 120 de
.
« Caen a été dévastée, par les bombes, les obus et les démolitions ennemies, à tel point qu'elle ressemble au Monte Cassino. Notre avance a été gênée par un terrible chaos. Une grande partie des maisons sont tombées dans les rues. Les montagnes de gravats s'élèvent à dix mètres de haut à certains endroits. Tandis que les troupes britanniques attaquent le flanc gauche près de la rivière Orne, les Canadiens font sauter le verrou de Saint-Germainla-Blanche-Herbe où des 88 sont camouflés dans les maisons.
Repérage: St Germain la Blanche Herbe, Carpiquet, la cote 64 et l'Orne.
Une colonne de deux miles (3 km) composée de chars, de bulldozers et d'infanterie. Je m'approche aussi près que possible, de Caen, à travers les champs de blé. Les ruines du quartier sont lugubres sous le ciel bas. Nos canons tirent sur les canons antichars allemands. Derrière moi, les bulldozers arrivent pour déblayer les gravats qui gênent la progression, ils sont envoyés en avant. Au-dessus de notre tête, les avions passent dans le ciel. De l'autre côté de l'Orne, les Allemands lancent des tirs de barrage. Les immeubles dans la ville brûlent, envoyant de longues colonnes de fumée noire qui se dissipent avec le vent. Le crépitement des mitrailleuses venant du nord-est se mélangent avec les nettes explosions des grenades de l'infanterie qui combat dans la ville. A 10h00, les Canadiens lancent une attaque contre les bâtiments administratifs et les hangars sur l'aéroport de Carpiquet. Des véhicules blindés partent en reconnaissance et découvrent que les positions sont encore bien défendues. Au même moment, les blindés canadiens s'enfoncent dans les ruines à l'ouest de Caen. La nuit dernière, alors que le soleil se couche, un terrible barrage de mortiers s'abat sur la colline 64 où l'infanterie et les blindés anglais consolident leurs positions. La colline est enveloppée par les flammes jusqu'à ce que cela fume comme un volcan. Nos troupes ont tenu et n'ont pas bougé. La pression s'accentue, les blindés et l'infanterie pénètrent dans Caen et atteignent le port. Les combats sont très âpres mais notre pression ne peut être arrêtée. Le flot de véhicules essaye de se désempêtrer des combats d'arrière-garde qui sont menés avec détermination. »
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32- Le boulanger du 108 rue de Bayeux
Le 9 juillet, les Alliés étaient enfin là, descendant la rue de Bayeux. Une jeep était en tête, précédant une file de chars, elle s'arrêta à la hauteur du calvaire de la rue de Bayeux.
Calvaire de la rue de Bayeux
Un officier me demanda alors qui étaient tous ces gens qui portaient des casques blancs. La réponse était facile à donner : il s'agissait de civils que les Allemands avaient obligés à porter des casques peints en blanc.(Note de MLQ: curieuse remarque ! les civils avec des casques blancs étaient les membres de la Défense Passive)
En fait dans le bas de la rue de Bayeux
Membres de la D.P. avec des casques Adrian peints en blanc.
Des Allemands avaient installé une mitrailleuse au premier étage de l'épicerie située à l'intersection des rues de Bayeux et de Bretagne.
Intersection: rue de Bretagne à droite et rue de Bayeux à gauche.
L'officier allié alerta alors un des chars et des obus détruisirent la mitrailleuse, mais en même temps, ils mirent le feu à la maison. Nous eûmes beaucoup de mal à empêcher que tout le pâté de maisons compris dans le triangle des rues de Bayeux, de Bretagne et du Bourg-l'Abbé ne brûle.
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33- M. Pruède demeurant dans le quartier de la Rochelle (Saint Jean Eudes):
Le 9 juillet, vers 10 heures, les éclaireurs d'une division
écossaise (Note de MLQ: il s'agit du
1st King’s Own
Scottish Borderers (KOSB) ) ,
venant de Lébisey,
descendent les pentes du cimetière de
la route d’Ouistreham et pénètrent dans la ville par
la Garenne.
Ils avancent par groupes de huit hommes escortant un de leurs compagnons qui porte dans une sacoche un poste émetteur de T. S. F. muni d'une antenne. Derrière lui se trouve un radio qui envoie aussitôt les messages dictés par le chef de section. Dès que celui-ci aperçoit quelque chose de suspect il le signale à l’artillerie qui, médiatement, prend sous ses feux l'endroit douteux. Les Alliés ont pour objectif l'Orne, ils brisent ainsi les défenses allemandes de Longueval ».
Lieux cités, localisés sur carte 7F/I
Bois de la Garenne et rue de la Garenne sur la commune d'Hérouville-Saint-Clair
Lire le témoignage N° 24 de Philippe Bauduin, réfugié à l'hôpital Clemenceau qui a vu ces Ecossais.
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34-
René Streiff présenté
pages 85 à 91 dans ce livre
9 juillet. Toute la nuit la bataille a fait rage. Je vais à la messe à Saint-Etienne le matin. Puis, ayant eu le bonheur de trouver un peu d'eau chaude, j'en profite pour faire une sérieuse toilette. De ma fenêtre on voit les points de chute des obus, tout autour de Saint-Sauveur. Le communiqué annonce:
« Nos troupes sont en vue des docks du port de Caen ».
Je bondis dehors! Un de mes équipiers
,
le jeune Pierre Mercandini, fonce vers moi: "Chef, je les ai vus ils sont là !".
Ses poches sont bourrées de grenades.
13 h 30. Des automitrailleuses, passent à toute vitesse devant le Lycée Malherbe, les hommes qui les montent sont vêtus de kaki et portent un casque plat, Au début de l'après-midi les Canadiens arrivent à Saint-Etienne. Un accueil délirant leur est fait.
Le blindé est un Humber Light Reconnaissance Car. A droite p010040, à gauche DAPDCAP8831.Ces photos ont été prises le 11 juillet 1944, rue du Général Moulin à La Maladrerie.
Le Major Helmuth, le premier officier
britannique qui ait pris contact avec la municipalité, est reçu au parloir par
M. Poirier
, il est accompagna du colonel écossais
Usher
.
La pénétration des troupes alliées s'est faite à la fois par le Nord, le Nord-est et l'Ouest.
Pendant ce temps, les Canadiens, qui viennent de St-Germain-la-Blanche-Herbe et de La Maladrerie, font irruption dans Caen par le Nord-est et l'Ouest.
La résistance allemande est très faible. Les mitraillettes crépitent. Quelques Allemands se retranchent rue de Bretagne: ils seront bien vite expulsés. Mais nous, l'avons échappé belle.
Vers midi, un gendarme (M. Lempérière) avait apporté à la Préfecture l'ordre d'évacuer la ville immédiatement. Cet ordre, émanant du Q. G. de Falaise était daté du 5 juillet. Des circonstances providentielles (le porteur l'avait remis auparavant aux FFI) en rendaient maintenant l'exécution impossible.
Les brassards à Croix de Lorraine apparaissent au grand jour et les Caennais, étonnés, voient surgir la Résistance.
"Collection particulière" Source page 144 de ce livre. Brassard du Comité départemental de libération du Calvados portant la signature de Léonard Gille"
Décrire les instants qui vont suivre serait impossible. L'allégresse est générale. Mais elle n’est pas bruyante, car nous avons trop souffert. Les Caennais regardent leurs ruines et comprennent qu'ils n'ont pas le droit de se livrer à des manifestations de joie déplacée dans les lieux ou tant de gens sont morts pour leur permettre de vivre ces instants. Il n'a pas eu de fleurs, de rires, de chansons. Mais il y a eu de chaudes poignées de mains, et des regards de gratitude à l'adresse de nos libérateurs. Ils ont, du reste, parfaitement compris notre état d'esprit.
Des Canadiens que je guide à travers les ruines pleurent en voyant notre pauvre ville dans un si triste état. L'un d'eux me dit:
« Que vous devez nous détester pour vous avoir fait tant de mal » !
« Nous vous aimons beaucoup au contraire. Nous savions que la Libération ne s'achèterait qu'à ce prix. Mais maintenant que vous êtes là, nous pouvons vivre ...»
Oui, nous pouvons vivre. Nous ne sommes plus hantés par la perspective d'être arrêtés, déportés, torturés ou fusillés sans aucune raison. Oui, nous pouvons vivre, parce que, maintenant, nous pouvons penser librement et sortir à n'importe quelle heure, comme des hommes libres!
Mes scouts, montés sur les chars, guident les Canadiens à travers la ville. Mereandini se mêle aux soldats et les ravitaille en grenades.
Je monte dans ma chambre pour chercher
notre drapeau à Croix de Lorraine
. Sitôt qu’il paraît des acclamations
retentissent. Je pense en ces instants à tous mes camarades de combat qui sont
morts ou déportés, pour que vive la
France, à Madame et à M. Leboucher
, à Neauphle, à
Daniel Desmeulles
, à tous ceux qui
ont eu le courage de dire non à l'envahisseur...
Ma fiancée (c'est officiel depuis midi) coud les brassards de la Résistance sur les treillis des membres du groupe Lorraine.
Nous sortons en ville. Des automitrailleuses, des tanks, des motocyclistes passent sans arrêt.
M. Contamine a eu la joie de guider, rue Bicoquet et boulevard Bertrand, la première automitrailleuse alliée, montée par un lieutenant-colonel canadien.
"Photo Archives Départementales du Calvados " Rue Bicoquet, un Daimler Armoured Car MK1 du Inns of Court Regiment (Royal Amoured Car) du I Corps. NB: régiment britannique et non canadien.
Les gens se pressent tout autour des Tommies qui, souriants, distribuent à la ronde des cigarettes, du chewing-gun, du chocolat et même des conserves.
Les collaborateurs prennent un air neutre et essaient de passer inaperçus ...
Depuis plusieurs semaines j'étais en liaison
avec l’Etat-Major FFI et le «Capitaine Marie», par l’intermédiaire de
Jean Gohin
. Celui-ci m'apportait chaque soir les consignes et je transmettais
ces directives aux membres du groupe.
Il m'avait apporté les brassards que nous avions cachés dans mon poêle. Il faillit du reste leur arriver malheur. Un de mes camarades jette par inadvertance une allumette enflammée dans le fourneau bourré de papiers, nous nous sommes précipités pour arrêter le désastre. Heureusement, les brassards n'avaient rien. La fumée les avait seulement un peu jaunis.
16 heures. Le
lieutenant Georges
vient nous donner des ordres et emmène quelques hommes
rue d'Hastings pour
capturer des SS
qui sont, paraît-il, complètement ivres. On m'en signale également trois autres.
Ils sont appréhendés et remis aux Canadiens.
Mon camarade
André Heintz
part pour le
Château où
il va guider une patrouille canadienne.
La première entrevue entre les autorités,
alliées et la municipalité de Caen a lieu au Lycée Malherbe, dans la salle de
Mme Lefèvre. Nous apprenons que M.
Daure
est préfet du Calvados et que notre
cher Jean Michaut devient son chef
de Cabinet.
Le capitaine Marie n'est autre que M.
Léonard Gille
, président du
Comité de Libération!
Vers 18 heures, nous recevons l'ordre d'arrêter certains collaborateurs. Les ordres sont exécutés. Nous devons également assumer, pour la nuit, la garde du centre d'accueil et empêcher les suspects d'en sortir. Nos armes sortent de leur cachette…
Caen se retrouve en première ligne et nos Alliés n'en occupent que la rive gauche. Les Allemands ont fait sauter les derniers ponts qui restaient. Les quartiers de Vaucelles et de Sainte-Thérèse restent aux mains de l'ennemi. Toute la nuit nous entendons le bruit des mitrailleuses du côté de La Prairie.
Des batteries anglaises installées près du cimetière Saint-Gabriel tirent avec frénésie. C'est un vacarme assourdissant.
Vers une heure du matin des Allemands essaient de s'infiltrer à travers les lignes alliées. Une mitrailleuse balaie les abords de la Prairie.
Nous patrouillons une bonne partie de la nuit aux abords du Lycée. Du côté de Maltot la canonnade fait rage. On aperçoit au loin la lueur des incendies.
35- L'abbé Michel Durand, vicaire de Notre Dame de la Gloriette
9 juillet
On a compris que le raid aérien et le tir
massif d'artillerie de l'avant-veille préparaient l'assaut des Alliés. Il
commence en effet à l'aube de ce dimanche 9 juillet. Après ma messe dite à 8 h
30, je pars vite aux nouvelles à Saint-Etienne. Je rencontre le curé, Mgr des
HAMEAUX
,
le doyen de Saint-Jean, l'abbé PELCERF et salue des réfugiés. Vers 11 h 30, on
signale les assaillants -des Canadiens- à moins d'un kilomètre dans la
rue de
Bayeux. Il est grand temps que je rentre à Notre-Dame où l'on m'attend pour
déjeuner. Au moment où l'on barre les portes, je me glisse par celle de l'abside
qui se referme derrière moi.
Une fois dans la rue, je m'aperçois avec stupeur qu'elle est déserte. Me voici avançant seul, face à une mitrailleuse allemande en position de tir, place des Tribunaux, avec ses servants à plat ventre, le tireur, doigt sur la gâchette, les deux autres, bandes de balles aux mains. Une deuxième mitrailleuse est en même position place Malherbe. Enfin, un guetteur est posté Parvis Notre-Dame. Je marche en évitant de me retourner pour ne pas avoir l'air de servir de guide aux Canadiens sur le point d'apparaître. Je me sens observé par les Allemands, à la merci d'une balle qui me clouerait au sol, s'ils jugeaient mon allure suspecte. En pénétrant dans le jardin du presbytère, adossé au portail, je pousse un "ouf" de soulagement.
On déjeune hâtivement, en tendant l'oreille. A midi et demi, des tirs éclatent dans le boulevard Bertrand, dont nous sépare seulement le jardin de la Préfecture. Ils durent une demi-heure, puis s'éloignent.
Localisatios: abside de Saint-Etienne, la place des Tribunaux, la place Malherbe, le parvis de Notre-Dame, laPréfecture et le Bd Bertrand.
Je vais entrouvrir doucement le portail. Un factionnaire est toujours là, mais l'uniforme a changé. C'est un CANADIEN!
Je cours vers lui: à ses pieds l'Allemand est étendu, mort.
Je donne l’accolade à ce garçon de 20 ans qui me dit tout de go, avec son accent québécois qui ressemble à celui de notre Bocage normand : "C'est ma mère qui va être contente quand elle saura que le premier Français que j'ai vu à Caen, c'est un prêtre". Puis, montrant les ruines: « Ah ! c’est tout cassé, Caen ! »
Je vais vite chercher les autres réfugiés... et ramène deux bonnes bouteilles de vin, d'une cachette confiée à ma garde par mon curé avant son départ.
Nous déposons le corps de l'Allemand tué près de l'église, en attendant que la D.P. l'emporte à la morgue.
Puis tout le groupe embrasse le factionnaire canadien. Je lui offre du vin ainsi qu'aux réfugiés. On trinque avec lui, la scène ne dure que quelques minutes. D'autres canadiens arrivent. Leur sous-officier dit : "Pour nous, la guerre continue" et, en formation de combat, ils se dirigent précautionneusement vers la place Foch et l'Orne, leur objectif de la journée.
Localisations:en haut l'église Notre-Dame, en dessous la place Foch et la rivière Orne
Tout se précipite depuis le passage de cette avant-garde. Les compagnies d'infanterie canadienne déferlent. Ce sont les gars du Régiment de la Chaudière, du Québec. (je ne doute pas un seul instant que le vicaire Michel Durand ait rencontré des "Chaudières" à Caen mais le 9 juillet cela est improbable ce régiment se battait à Carpiquet, la seule hypothèse étant qu'il s'agissait d'interprétres incorporès dans des régiments anglophonnes, mais il faut savoir également que des francophones étaient incorporés dans des régiments anglophones, il y suffisamment de témoignages de Caennais qui ont renconté le 9 juillet des Canadiens qui parlaient français -avec l'accent du patois normand selon certains- ! pour ne pas en douter)
Les Allemands sont embusqués des deux côtés de l'Orne pour retarder leur avance. Les tirs de mitrailleuses et de mortiers claquent toute l'après-midi.
Les résistants se montrent au grand jour
avec armes et
brassards à Croix de Lorraine
.
Vers la fin de l'après-midi, s'improvise
devant Saint-Etienne une
émouvante cérémonie. Le drapeau français est hissé
solennellement au mât,
la "Marseillaise" est chantée. La Compagnie Scamaroni,
composée des résistants rend les honneurs, puis défile sous le commandement du
Commandant Léonard Gille
. A
quelques centaines de mètres, se déroulent toujours des combats.
Vers 19 h, le sous-officier vu au début de l'après-midi, revient à Notre-Dame. Il nous annonce : "Un des gars qui était là tantôt a été tué. Un autre éclaireur est tombé boulevard Bertrand". Les larmes nous viennent aux yeux. Ces garçons du Québec, qui parlent français, nous sont devenus tout à coup si sympathiques. Les voir mourir presque sous nos yeux, penser aux centaines qui sont déjà tombés sur nos plages, nous crève le cœur. Mélange de tristesse et de joie en ces toutes premières heures de la LIBÉRATION.
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36- Témoignages parus dans ce livre
Charles Martin, soldat canadien, entre dans Caen le jour de la libération: « Les civils étaient aimables envers nous, mais les larmes étaient là, et des fois il était évident qu'ils devaient faire un grand effort pour nous sourire et nous envoyer la main ... Sans aucun doute, nous étions accueillis chaleureusement... Mais plusieurs familles étaient trop accablées même s'ils essayaient de ne pas trop nous le montrer. Nous avions compris maintenant, complètement compris ce que « guerre totale » voulait dire».
Les mêmes sentiments s'expriment chez les civils: « L'allégresse est générale. Mais elle n'est pas bruyante car nous avons trop souffert. Il n'y a pas eu de fleurs, de rires, de chansons. Mais il y a eu de chaudes poignées de mains et des regards de gratitude à l'adresse de nos libérateurs. Ils ont, du reste, parfaitement compris notre état d'esprit».